Les populations attendent de voir la mise en oeuvre des premières mesures fortes promises par le chef de l’Etat.
Un des volets de la guerre déclarée contre la secte Boko Haram est sans conteste le développement des régions septentrionales, épicentre des activités de la secte au Cameroun. Les travaux relatifs à l’élaboration du plan d’urgence ordonné par le chef de l’Etat pour impulser une nouvelle dynamique de développement dans cette partie du pays, sont naturellement suivis avec beaucoup d’intérêt par les observateurs.
Initialement prévu pour être restitué au gouvernement dans la deuxième semaine d’août 2014, le fruit de la cogitation des populations locales et de l’élite se fait toujours attendre. En cause, les délais très courts fixés au début de cette vaste entreprise politique et les divergences nées de l’interprétation de la démarche présidentielle. En effet, pendant que certains perçoivent l’initiative du Président comme une réponse de court terme, d’autres y voient une opportunité pour élaborer un vaste plan de développement dont le plan d’urgence n’en constituerait qu’un volet.
«Tout est à construire dans cette partie du pays et ce n’est pas en quelques semaines qu’un document cadre peut être élaboré», explique par exemple un des participants à la rencontre convoquée il y a quelques jours à Yaoundé par le président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguié Djibril, pour plancher sur le cas de l’Extrême-Nord. Alors que tous les secteurs affichent des indicateurs alarmants dans les régions du Nord-Cameroun, prendre du temps pour produire un travail de qualité pourrait cependant ne pas répondre à la préoccupation politique du président de la République qui est celle de redonner rapidement, par l’action, de l’espoir aux populations.
«Il ne faut pas bâcler le travail au prétexte qu’il doit être rapidement restitué et mis en oeuvre. Nous devons saisir cette opportunité historique pour réfléchir en profondeur sur les perspectives à moyen et à long terme, pour bâtir une véritable politique de développement. Ne nous leurrons pas, les résultats prendront du temps. Le plan d’urgence est une volonté politique qu’il faut saluer, mais ce n’est pas une baguette magique», tempère ce ministre originaire de l’Adamaoua.
Quel que soit le temps à mettre pour «boucler» le plan d’urgence, le plus important aux yeux de beaucoup reste son contenu et les délais de sa mise en oeuvre. Pour ce qui est du contenu, la méthodologie de travail adoptée par les trois régions septentrionales consiste à recenser les préoccupations de chacune des unités administratives par une approche à la base. Une telle perception, bien qu’elle présente de nombreux avantages, est cependant contestée par quelque économistes, car pour eux, cette vision considère les problèmes de chaque unité administrative comme isolés les uns des autres au lieu de les inscrire dans une dynamique globale. «Le plan d’urgence du Président doit être perçu comme un plan de survie.
L’accès à l’eau par la construction des forages, l’accès à l’éducation par la multiplication des écoles, les routes, les dispensaires, et même le respect du quota (30%) réservé aux candidats du Grand Nord dans les concours administratifs, doivent être le socle de ce que nous devons proposer. Pour ma part, l’aide alimentaire et les problèmes des déplacés de l’intérieur, de ceux qui ont fui leurs villages, nécessitent des interventions urgentes dans le cadre de ce plan. Beaucoup de gens vont mourir de faim cette année du fait de la déstructuration de la vie quotidienne due à l’insécurité.
Nous pouvons d’abord répondre à ces problèmes avant de nous lancer
dans des perspectives de dix ans», y va de son analyse Mamoudou Balla,
homme d’affaires installé à Maroua. Si les avis divergent sur le Plan
d’urgence du chef de l’Etat, c’est qu’il est désormais non plus perçu
comme devant colmater des brèches, mais plutôt comme un véritable «plan
Marshall». Les hommes politiques ont grandement contribué à populariser
cette idée en recensant bruyamment les problèmes au niveau des
arrondissements, puis des départements, et enfin des régions de sorte à
susciter chez les populations des attentes qui pourraient faire de
nombreux déçus. «Il a fallu cette circonstance exceptionnelle pour que
le chef de l’Etat admette que notre niveau de pauvreté est intolérable
dans un Etat comme le nôtre.
Puisqu’il en a pris conscience et nous donne la latitude de nous pencher nous-mêmes sur la question, il est bien que nous embrassions le problème dans sa globalité. Nous devons remettre entre ses mains toute notre misère, toute notre souffrance, tout le mal-être qui est le nôtre depuis des années», soutient Saïdou Maïdadi, membre du comité central de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp). Sauf qu’il reste les contraintes. Notamment financières. Comment sera financée l’initiative présidentielle ? «L’Etat et les partenaires du Cameroun peuvent bien financer les projets prioritaires pour mettre à niveau les régions septentrionales.
Il y a bien eu de l’argent pour les grandes réalisations, la construction des barrages, des autoroutes, pourquoi y’en aurait-il pas quand il s’agira de lutter contre une pauvreté chronique ? Que le gouvernement lance des emprunts obligataires pour le faire», suggère Moktar Oumarou, président de la Jeunesse arc-en-ciel du Septentrion (Jacsept). C’est de l’enveloppe que le chef de l’Etat consacrera à son initiative que se dessineront certainement les contours de son initiative. Quelle est son ampleur ? Quelle est la durée de l’initiative ? Quels sont les impacts attendus.
«Pour l’instant nous travaillons dans le flou budgétaire. Ce n’est pas à nous de réfléchir sur l’enveloppe. L’urgence, je le pense, est de produire un diagnostic, un plan d’actions prioritaires pour 2014 et enfin une réflexion sur les perspectives et orientations stratégiques à moyen et long terme. Nous faisons confiance au chef de l’Etat pour trouver les ressources financières nécessaires », concède un proche de Cavaye Yeguié Djibril.