Boko Haram justifie l’attaque de Kolofata

 

Cameroun,Cameroon : Boko Haram justifie l’attaque de KolofataDes membres de la secte ont expliqué les raisons de l’attaque meurtrière de Kolofata.

Aussi meurtrières que peuvent être les confrontations armées, les parties en conflit se ménagent toujours des couloirs «humanitaires». C’est dans ce sens que le 1er août 2014, aux environs de 16h, une délégation de quatre militaires camerounais conduite par le capitaine Hassan Ndjida a rencontré des éléments de Boko Haram dans la localité camerounaise de Kamouna, dans l’arrondissement de Hilé Alifa, à moins d’un kilomètre de la principale base de cette secte située à Saguir au Nigeria.

La délégation camerounaise, constituée de deux Arabechoas et de deux Kotoko – sans doute pour des raisons de communication – a discuté des moyens de rentrer en possession des corps des soldats camerounais tombés sur le champ de bataille à Bargaram le 24 juillet 2014 et dans l’embuscade tendue à Kamouna le lendemain. De fait, le retrait de l’armée du secteur, le 25 juillet 2014, a permis à la secte de garder sous son emprise quelques petits villages rétrocédés au Cameroun après le verdict de la Cour international de justice (Cij) dans l’affaire Bakassi, dont Kamouna.

Elle en a profité pour récupérer les téléphones portables des militaires camerounais morts au combat et répondre quelquefois aux coups de fil. C’est par ce canal qu’à plusieurs reprises d’ailleurs, ils se sont entretenus avec le commandant de brigade d’Afadé qui tentait de les convaincre de restituer les corps des soldats tombés à Kamouna. Lui aussi faisait d’ailleurs partie de la délégation du 1er août 2014.

Sur l’opportunité de la prise de «contact humanitaire» avec les responsables de Boko Haram, une source explique : «Nous avions le choix entre parlementer sur ce dossier précis, ou laisser nos corps pourrir sur place car les pluies rendent toute opération militaire d’envergure impossible. La zone est inondée et difficile d’accès. Or ce sont les corps des enfants morts pour la patrie et qui méritent d’être restitués à leurs familles».

Le «contact humanitaire» du 1er août 2014 a débouché sur la restitution de 4 corps. Pour les dix autres encore aux mains de la secte à Kamouna, celle-ci réclame en échange, à en croire des membres de la délégation de l’armée, la libération d’un de ses membres détenu à Kousseri. La secte s’est même déclarée disposée à restituer également les véhicules saisis à Bargaram. A ce jour donc, seuls 9 corps des soldats Camerounais ont été récupérés par l’armée depuis les évènements de Bargaram et Kamouna.

Aucun corps de soldats camerounais ne se trouve plus à Bargaram, les trois derniers ayant été récupérés le 27 juillet 2014. Avant cela, deux autres corps avaient été également dégagés. Toutefois, au-delà de la restitution des corps, les membres de la délégation camerounaise ont surtout retenu quelques digressions des éléments de la secte. La plus intéressante concerne l’attaque de Kolofata du 27 juillet 2014. «Ils ont justifié l’attaque de Kolofata par le fait que le vice-Premier ministre Amadou Ali n’a pas tenu à ses engagements. Ils ont indiqué que dans le cadre des négociations ayant conduit à la libération des trois religieux de Tcheré (31/5), Amadou Ali avait pris l’engagement de libérer 25 de leurs membres.

Et alors qu’ils attendaient qu’ils soient relaxés, certains ont plutôt été lourdement condamnés par un tribunal (voir encadré). Ils ont estimé avoir été trahis», explique une source. L’attaque de Kolofata est survenue, en effet, trois jours après que de lourdes condamnations aient été prononcées par le tribunal militaire de Maroua à l’encontre de 22 membres de la secte. En tout cas, l’explication fournie par des responsables de la base de Boko Haram de Saguir aux militaires camerounais prouve que c’est la secte qui a organisé et perpétré l’attaque de Kolofata dans laquelle 14 personnes ont péri en sus des 17 autres enlevées dont l’épouse du vice-Premier ministre Amadou Ali.

En somme, si l’on se réfère aux propos des représentants de Boko Haram lors de «contact humanitaire», non seulement l’attaque visait bel et bien Amadou Ali, mais l’opération a été menée en représailles d’un «deal» non respecté. Il reste maintenant à savoir si le vice-Premier ministre Amadou Ali, si tel avait été son engagement, avait effectivement incorporé cette donne dans le package des mesures à mettre en oeuvre par le gouvernement dans le cadre de la libération des religieux de Tcheré. Et si jamais cela avait été le cas, la grande question serait alors pourquoi cet engagement pris n’a pas été respecté ?

© L’Oeil du Sahel : RAOUL GUIVANDA


09/08/2014
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