Boko Haram, etc…Attaques du septentrion : Décryptage d’un coup d’éclat en plein cœur du système Biya


Jean Marc Soboth:Camer.beLe vice-premier ministre toujours sans son épouse. Il faut se poser les vraies questions au-delà du factuel. Alors que l’assaut meurtrier perpétré par environ 200 combattants de la secte Boko Haram dans la localité de Kolofata dimanche dernier fait encore recette, le chef suprême de l’armée camerounaise, M. Paul Biya, amorce un ajustement tatillon.
Le commandant de la région de gendarmerie du Nord, le colonel Gédéon Yossa, est limogé – mardi, 29 juillet. Il en est de même du lieutenant-colonel Justin Ngonga, commandant du 35ème Bataillon d’Infanterie Motorisé (BIM) de Mora situé à quelques encablures de Kolofata. Tous ont été remis à l’état-major de l’armée de terre.

On en imagine les raisons. Les capacités offensives ou dissuasives n’ont été ni à la hauteur ni dans les délais...

De source armée, une attaque similaire à Bargaram près de Hilé-Alifa dans le Logone-et-Chari aurait également pris à contre-pied les forces de défense.
On demeure sans vraie nouvelle de l’épouse et des enfants du tout-puissant vice-premier ministre chargé des relations avec le parlement, M. Amadou Ali – cela, malgré la nouvelle sans suite du quotidien nigérian «Daily Post» qui annonçait une libération  toujours incertaine...

De fait, M. Ali n’est pas n’importe qui. L’entourage de l’apparatchik Kanuri du régime Biya a peut-être essayé de brouiller cette évolution déshonorante. D’autant que l’ancien patron de l’armée et de la justice se targue en général de contrôler le plus puissant système d’intelligence à la disposition du chef de l`État. Mais M. Ali a finalement quitté Garoua pour Yaoundé mercredi 30 juillet sans son épouse.
Historique!

Dans le sérail du système Biya, on n’en revient pas. Jusque-là les forces armées avaient mieux contenu la constellation islamiste. Chez le grand voisin, leurs prouesses leur ont même valu des éloges...

Fragiliser psychologiquement

Mais dès lors, tout se dégrade rapidement. Et des questions fusent. S’agit-il vraiment d’attaques de Boko-Haram où simplement d’excroissance armée encouragée par les rançons versées secrètement pour, entre autres, la libération de la famille Moulin-Fournier - en avril 2013 ? Si on sacrifie aux méandres bagatelles autour de cette multiple attaque prodigieuse en plein cœur du régime Biya, on se voile en même temps le visage sur la géostratégie africaine de l’heure qui pourrait s’insinuer dans la sournoiserie de batailles de succession pernicieuses à Yaoundé.
En clair, cette attaque serait difficilement fortuite. Ne visait-elle pas à fragiliser psychologiquement un pays qui s’excluait, en toute ruse, du mécanisme de reconquête entrepris par les alliés de l’OTAN en Afrique? Question…
Les villageois assiégés ont fait état de combattants islamistes vêtus aux couleurs du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR). Ce n’est qu’une tactique fort usitée des gangsters nigérians.
 
En tout cas, à Yaoundé, on tente de calmer le jeu. Le porte-parole du Ministère camerounais de la Défense nationale, le lieutenant-colonel Didier Badjeck, en premier. «Il faut dire que nous sommes rentrés dans une accalmie après avoir essuyé des attaques d’une rare violence et d’une sauvagerie qui n’a pas de qualificatif et qui ne peut s’expliquer que par l’obscurantisme de cette secte, avoue M. Badjeck sur le réseau social Armée Camerounaise. Il y a une gradation dans la menace. La situation est revenue à la normale, le calme règne, même si nous savons que c’est un calme précaire au regard de ces velléités. Nous prenons la mesure de cette menace qui est aujourd’hui en pleine gradation au niveau des effectifs qui sont engagés par Boko Haram.»
Ainsi, «Près de 400 personnes ont attaqué du côté de Hilé-Alifa. À partir de ce moment, les forces de défense ne peuvent que prendre la mesure de la menace et trouver une réaction proportionnelle à cette nouvelle configuration. C’est ce qui a été fait (…)»
M. Badjeck sonne la solidarité : «La première chose c’est appeler la population à ne pas avoir peur. Toute l’histoire de la guerre nous l’enseigne. Nous sommes dans une société qui évolue et la mondialisation n’a pas amené que le progrès. Les menaces se sont multipliées. Nous devons appendre à être dans une culture de défense permanente dans ce que nous avons de plus cher : la sécurité et la paix. Que la population soit solidaire à l’action des forces de défense et qu’elle participe d’une manière ou d’une autre et éviter de verser dans la xénophobie, ce qui n’est pas dans les habitudes camerounaises.»

Traitement de la menace


De quoi être presque rassurant.
«Nous sommes en train de trouver le temps de traitement de la menace, souligne le lieutenant-colonel Badjeck ; (…) dans un avenir proche, Boko Haram ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Comme ce fut le cas à la frontière de l’Est. Boko Haram est un ennemi vicieux et cynique, la réponse est en cours.»
C’est que, une anecdote relative à une affaire de «rançon payée à moitié» l’année dernière fait florès dans le septentrion depuis un moment.
Mais il faut également le rappeler qu’il y a quelque temps, le leader nigérian de Boko-Haram, l’Imam Bu Muhammad Ibn Muhammad Abubakar Ash Shekawi mettait en garde les Camerounais dans un message en Haoussa - traduit par Le Septentrion. En voici l’économie in fine: «Enfin, vous les Camerounais, on ne vous a pas attaqué et ne nous attaquez pas aussi. Si vous nous attaquez, comme je l’ai dit plus haut au sujet de toute personne qui nous attaquerait, nous n’avons peur de qui que ce soit, où qu’il soit ; partout dans le Monde entier, nous allons (le) combattre».

Le 24 juillet à Maroua, 14 combattants de la secte ont été condamnés par la justice militaire à une peine allant de 10 à 20 ans. Des suites, le septentrion du pays a essuyé pas moins de trois assauts spectaculaires en moins de 72 heures.

C’est évident, un tel détail n’explique pas tout.

© Correspondance : Jean-Marc Soboth


31/07/2014
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