Blocus politico-économique - Les entreprises suisses font leurs bagages
Blocus politico-économique - Les entreprises suisses font leurs bagages
(Nord-Sud 12/01/2011)
La situation en Côte d’Ivoire qui reste embourbée dans un conflit politique post-électoral inquiète les entreprises suisses dont l’économie reste le troisième investisseur direct dans le pays.
La Côte d’Ivoire et son économie restent encore enferrées dans un cul-de-sac politique depuis la fin du scrutin présidentiel du 28 novembre. Un processus qui a vu l’élection d’Alassane Ouattara opposé à Laurent Gbagbo, président sortant qui, malgré sa défaite, n’entend pas passer la main au vainqueur. Une situation qui affecte malheureusement l’économie nationale. A telle enseigne que les hommes d’affaires européens, notamment suisses tentent de tirer la sonnette d’alarme avant qu’il ne soit trop tard. «Nous cherchons à rester optimistes mais, il faut avouer que ce n’est pas facile. On ne voit pas de solution alors que le feu est attisé de toutes parts, et surtout depuis l’extérieur».
La question de la confiance
Le président de la toute récente Chambre de commerce suisse en Côte d’Ivoire, Nicolas Houard, se refuse à prendre parti dans la crise politique qui agite le pays. Mais, il rappelle une vérité: l’économie a besoin de confiance et de visibilité pour prospérer. Et cette vérité concerne aussi des entreprises suisses. Selon le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), elles sont plus de trente-cinq à être actives en Côte d’Ivoire. Dont Nestlé, Barry Callebaut (chocolat), Socimat (filiale du cimentier Holcim), SGS, ABB, Novartis ou encore l’armateur (transport de containeurs) MSC, dont Nicolas Houard est aussi le patron sur place. En terme d’investissements directs, la Suisse est numéro trois dans le pays (plus de 10% du total), loin derrière la France qui représente la moitié de l’investissement étranger. Après aussi la Grande-Bretagne, en raison de sa maîtrise du pétrole offshore. En effet, en 2009, la Côte d’Ivoire a même été la deuxième cible des flux d’investissements directs suisses en Afrique après l’Egypte. Ce qui montre bien la confiance que Berne avait placée en Abidjan. Où certains des acteurs suisses y occupent plusieurs centaines de collaborateurs sur un total de 2000. Très rapidement, le contexte économique qui s’est fragilisé avec l’entêtement du camp Gbagbo, a donné lieu à une vague de licenciements massifs dans de nombreuses entreprises. Même si, selon Nicolas Houard, cette question de chômage technique n’est pour l’instant, d’actualité chez les opérateurs helvétiques. «On prend moins de risque, une certaine pause est à l’ordre du jour mais je n’ai pas eu de retour d’entreprises suisses qui annonceraient leur retrait, des licenciements ou un passage au chômage technique», précise le président de la chambre. Cependant, poursuit-il, tout le monde réfléchit afin de ne pas être pris au dépourvu pour le cas où, l’impasse politique se poursuivait et touchait de plein fouet l’économie. Sans même parler d’un embargo, toujours possible. Il refuse tout alarmisme sur la situation à la fois économique et sécuritaire pour les agents économiques suisses. Il note d’ailleurs que les familles de certains collaborateurs nationaux de firmes helvétiques reviennent après le coup de semonce de décembre et malgré la «psychose» qui règne sur place.A Berne, le Seco imagine que certaines entreprises ont hésité à investir en Côte d’Ivoire en raison de l’instabilité de ces dix dernières années. Mais, il part du principe que «les entreprises déjà représentées sur place resteront, au moins à court et moyen termes», selon Antje Baerstchi, responsable de la communication. «Pour le moment, il n’y a pas de mouvement de panique dans les milieux économiques.
La «solution Ouattara»!
Mais il ne faudrait pas que cela dure trop», prévient Gabriel Galice, vice-président de l’Institut international de recherche pour la paix à Genève. Il faut noter que bien avant, au mois de décembre, ce sont les investisseurs français qui ont fait entendre leur voix. D’autant qu’ils craignaient le chaos politique en Côte d’Ivoire. Ils redoutaient également les effets d’éventuelles sanctions internationales sur l’activité économique du pays. France Télécom-Orange a rapatrié aux premières heures de la crise, la quasi-totalité de ses salariés français ou binationaux de la Côte d’Ivoire. Cela témoigne du désarroi des investisseurs. «Ce qu’ils n’aiment pas, c’est moins le pouvoir en place que l’incertitude autour d’un pouvoir dont on ignore s’il est légitime, crédible et stable», notait Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Quant au directeur exécutif de France Télécom-Orange pour l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie, Marc Rennard, il a prévu trois scénarios possibles dans le dossier ivoirien: une crise brève aux «effets limités» dans un pays «très structuré et à forte croissance» ; une crise durable qui ferait «souffrir» l’économie ivoirienne et enfin une «crise sécuritaire majeure» aux conséquences incalculables. M. Hugon ajoute cependant qu’en temps normal, Alassane Ouattara «aurait pu mobiliser les bailleurs de fonds internationaux, réaliser ses grands projets d’investissements et renégocier sans trop de difficultés la dette ivoirienne». Selon lui, dans le cas présent, on peut s’attendre au contraire à ce que la dette ne soit pas renégociée, à des mesures d’embargo ou de réduction des aides et des financements du Fmi, de la Banque mondiale ou de l’Union européenne.
Cissé Cheick Ely
(Nord-Sud 12/01/2011)
La situation en Côte d’Ivoire qui reste embourbée dans un conflit politique post-électoral inquiète les entreprises suisses dont l’économie reste le troisième investisseur direct dans le pays.
La Côte d’Ivoire et son économie restent encore enferrées dans un cul-de-sac politique depuis la fin du scrutin présidentiel du 28 novembre. Un processus qui a vu l’élection d’Alassane Ouattara opposé à Laurent Gbagbo, président sortant qui, malgré sa défaite, n’entend pas passer la main au vainqueur. Une situation qui affecte malheureusement l’économie nationale. A telle enseigne que les hommes d’affaires européens, notamment suisses tentent de tirer la sonnette d’alarme avant qu’il ne soit trop tard. «Nous cherchons à rester optimistes mais, il faut avouer que ce n’est pas facile. On ne voit pas de solution alors que le feu est attisé de toutes parts, et surtout depuis l’extérieur».
La question de la confiance
Le président de la toute récente Chambre de commerce suisse en Côte d’Ivoire, Nicolas Houard, se refuse à prendre parti dans la crise politique qui agite le pays. Mais, il rappelle une vérité: l’économie a besoin de confiance et de visibilité pour prospérer. Et cette vérité concerne aussi des entreprises suisses. Selon le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), elles sont plus de trente-cinq à être actives en Côte d’Ivoire. Dont Nestlé, Barry Callebaut (chocolat), Socimat (filiale du cimentier Holcim), SGS, ABB, Novartis ou encore l’armateur (transport de containeurs) MSC, dont Nicolas Houard est aussi le patron sur place. En terme d’investissements directs, la Suisse est numéro trois dans le pays (plus de 10% du total), loin derrière la France qui représente la moitié de l’investissement étranger. Après aussi la Grande-Bretagne, en raison de sa maîtrise du pétrole offshore. En effet, en 2009, la Côte d’Ivoire a même été la deuxième cible des flux d’investissements directs suisses en Afrique après l’Egypte. Ce qui montre bien la confiance que Berne avait placée en Abidjan. Où certains des acteurs suisses y occupent plusieurs centaines de collaborateurs sur un total de 2000. Très rapidement, le contexte économique qui s’est fragilisé avec l’entêtement du camp Gbagbo, a donné lieu à une vague de licenciements massifs dans de nombreuses entreprises. Même si, selon Nicolas Houard, cette question de chômage technique n’est pour l’instant, d’actualité chez les opérateurs helvétiques. «On prend moins de risque, une certaine pause est à l’ordre du jour mais je n’ai pas eu de retour d’entreprises suisses qui annonceraient leur retrait, des licenciements ou un passage au chômage technique», précise le président de la chambre. Cependant, poursuit-il, tout le monde réfléchit afin de ne pas être pris au dépourvu pour le cas où, l’impasse politique se poursuivait et touchait de plein fouet l’économie. Sans même parler d’un embargo, toujours possible. Il refuse tout alarmisme sur la situation à la fois économique et sécuritaire pour les agents économiques suisses. Il note d’ailleurs que les familles de certains collaborateurs nationaux de firmes helvétiques reviennent après le coup de semonce de décembre et malgré la «psychose» qui règne sur place.A Berne, le Seco imagine que certaines entreprises ont hésité à investir en Côte d’Ivoire en raison de l’instabilité de ces dix dernières années. Mais, il part du principe que «les entreprises déjà représentées sur place resteront, au moins à court et moyen termes», selon Antje Baerstchi, responsable de la communication. «Pour le moment, il n’y a pas de mouvement de panique dans les milieux économiques.
La «solution Ouattara»!
Mais il ne faudrait pas que cela dure trop», prévient Gabriel Galice, vice-président de l’Institut international de recherche pour la paix à Genève. Il faut noter que bien avant, au mois de décembre, ce sont les investisseurs français qui ont fait entendre leur voix. D’autant qu’ils craignaient le chaos politique en Côte d’Ivoire. Ils redoutaient également les effets d’éventuelles sanctions internationales sur l’activité économique du pays. France Télécom-Orange a rapatrié aux premières heures de la crise, la quasi-totalité de ses salariés français ou binationaux de la Côte d’Ivoire. Cela témoigne du désarroi des investisseurs. «Ce qu’ils n’aiment pas, c’est moins le pouvoir en place que l’incertitude autour d’un pouvoir dont on ignore s’il est légitime, crédible et stable», notait Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Quant au directeur exécutif de France Télécom-Orange pour l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie, Marc Rennard, il a prévu trois scénarios possibles dans le dossier ivoirien: une crise brève aux «effets limités» dans un pays «très structuré et à forte croissance» ; une crise durable qui ferait «souffrir» l’économie ivoirienne et enfin une «crise sécuritaire majeure» aux conséquences incalculables. M. Hugon ajoute cependant qu’en temps normal, Alassane Ouattara «aurait pu mobiliser les bailleurs de fonds internationaux, réaliser ses grands projets d’investissements et renégocier sans trop de difficultés la dette ivoirienne». Selon lui, dans le cas présent, on peut s’attendre au contraire à ce que la dette ne soit pas renégociée, à des mesures d’embargo ou de réduction des aides et des financements du Fmi, de la Banque mondiale ou de l’Union européenne.
Cissé Cheick Ely
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