Biyaistes : dites-nous en off que vous n’êtes pas sincères!

Cameroun - Biyaistes : dites-nous en off que vous n’êtes pas sincères!Le débat politique au Cameroun, est resté confisqué par les apparatchiks et autres idéologues du parti au pouvoir. Non pas parce qu’il n’ya rien en face, comme contre pouvoir (opposition-société civile), mais tout simplement parce que le contexte y est favorable. La forte militarisation des espaces d’expression démocratique a contribué au musellement des opposants. Quand ils n’y  renoncent pas sous l’usure et la corruption institutionnelle savamment mise en place par le régime, qui désormais interdit à tout citoyen soucieux de voir les choses bouger dans notre pays, de manifester son désarroi, de crier sa colère par la marche et autre forme de manifestation publique, véritable baromètre de l’expression démocratique.
L’arrivée du ministre Sadi au comité central du RDPC en 2007, était un signal fort quant-à la nouvelle orientation des ambitions du renouveau. La redynamisation du parti, restée longtemps confisquée et contrôlée par la vieille garde aux affaires, en accordant plus de confiance aux jeunes, sans toutefois engager de réelles modifications structurelles, devient le maitre mot de toutes les initiatives politiques au sein du parti au pouvoir. Les médias notamment audiovisuels, seules preuves d’une certaine liberté d’expression, longtemps abandonnés à l’opposition, pour faire diversion auprès de l’opinion internationale et démontrer s’il en était encore besoin, qu’il existe une démocratie  apaisée au Cameroun, sont désormais écumés à longueur de journée par de nombreux «intellectuels» et docteurs se font imposer  par tous les moyens dans les salles de rédaction,  et ne s’embarrassent pas à démontrer combien le poisson peut pourrir de tout bord, sauf par la tête.

La logique biyaiste comme une faute de mieux

Pour mieux comprendre la posture qu’adoptent les défenseurs effrénés du chef de l’Etat, il faut remonter aux premières heures de la création du parti au pouvoir depuis le 24 mars 1985 à Bamenda. L’arrivée au pouvoir du président Paul Biya a « fait rêver plus d’un Marafa », parce qu’il faut le dire, marquait la rupture avec un régime néocolonial ouvertement et visiblement liberticide qui consacrait la subversion comme mode par excellence de contenance de tous. On pouvait désormais voir, pour la première fois, à l’intérieur du parti dominant l’éclosion des courants politiques et idéologiques, notamment celui des progressistes dont Albert Dzongang et Jean Jacques Ekindi sont les précurseurs. Puis celui des modernistes sous Mila Assouté, et plus proche de nous celui des biyaistes.

Le biyaisme qu’Amougou ( 2011), définit comme un assemblage à la chinoise, d’idées illogiques et incompréhensibles les unes des autres, se matérialise par une occupation manichéenne presque sans partage de tous les espaces médiatiques, et au finish, l’instauration dans la conscience collective d’un bouclier de protection pour mieux rivaliser d’adresse avec les pourfendeurs du chef de l’Etat et de sa famille. Cette situation décrit et illustre à n’en point douter la crise institutionnelle que vit notre pays, et démontre à souhait l’immobilisme, mieux l’inertie gouvernementale dénoncée par le président de la république lui-même, et surtout la faillite de tout le système de communication politique du chef de l’Etat (cellule de communication à la présidence, cabinets de communication internationale Patricia Balm et autres médias internationaux sollicités pour les besoins de la cause). Dans tous les pays sérieux au monde, où les institutions sont «stables» et non susceptibles de quelques crises structurelles que ce soient, les intellectuels qu’ils soient proches du régime ou non, montent au devant de la scène, non pas pour blanchir aveuglement un régime qui n’arrive pas à nourrir ses populations et défendre sans coup férir l’indéfendable, en vue de protéger un strapontin, ou négocier un éventuel positionnement politique. Positionnement, qui sans doute légitime disons-le ainsi, ne devrait pas s’encombrer des discours pro domo détestables, et au demeurant intenables.

Contrairement au 8-2 très souvent brandi dans le SDF pour exclure tout militant qui joue la fronde dans le parti de John Fru Di, au RDPC on exclut personne de facto. La stratégie la plus brillante est destinée à l’auto exclusion. Dzongang, Ekindi et Mila Assouté en ont fait les frais. Ils ont pour les deux premiers progressés jusqu’à se retrouver à la tête de nouveaux partis politiques. Mila Assouté a en plus d’avoir créé le Rassemblement Des Modernistes (RDM), fini dans un exil qu’on taxe étrangement aujourd’hui de volontaire, quand on sait qu’il n’a même pas pu assister aux obsèques de sa mère au Cameroun. Pour faire court, il n’est pas au bout de ses peines s’il faut prendre en considération les dernières échéances électorales où il s’est vu confisquer sa caution. Plus proche de nous encore ses ressentes déclarations sur le crash du Boeing 737 en 1995 appartenant à la défunte Cameroon Airlines, qui n’ont fait que l’éloigner davantage du régime qu’il a contribué à sortir des fonts baptismaux.

Cette situation ne va sans donner des leçons à ceux qui se réclament aujourd’hui Biyaistes. Ils sont pour la plupart Brillants universités, enseignants des sciences de la pensée et des sciences de l’Etat, intellectuels de haut vol qui aiment à se revendiquer plusieurs diplômes et que sais-je encore. A les écouter, vous avez l’impression sans aucun jugement de valeur, qu’ils vivent dans la confession du président de la république, qu’en vous levant le matin vous aurez de quoi nourrir, soigner et éduquer vos enfants, que tous les projets qui sont en dormance dans les tiroirs du Premier Ministère comme le fameux Programme de Reconversion Banane Plantain (PREBAP) prendrons corps. Il nous arrive de nous demandez comment il est possible, sauf à soutenir l’idée de la gouvernance par les loges et les temples, que le Cameroun soit à un niveau de décrépitude aussi avancée, en terme de valeur et d’amour propre! Avec les yeux larmoyants, on arrive à se questionner pour mieux comprendre comment on y est arrivé, voir des éducateurs aller honteusement chercher des citateurs des penseurs pour nous mettre sur la sellette l’idée du « coup d’Etat scientifique » selon lequel le malheur du Cameroun vient de l’environnement du chef et non de lui-même. Les Antoine Garapon, Sophie Coignard, Bangoura, Pierre Bourdieux…sont mis à contribution par des morceaux soigneusement choisis, hypocritement sélectifs, comme-si, tous ces auteurs étaient sortis de terre comme des champignons n’ayant jamais connu la liberté de choisir, ceux qui les gouvernent avec le droit d’en disposer quand ils n’en sont plus satisfait.

Biyaistes, adeptes d’un courant de pensée  manichéen et « politivore »

Qu’on soit de l’opposition de la société civile ou du parti au pouvoir, on devrait s’accorder sur le strict minimum qui justifie notre appartenance à la même patrie et qui est le fondement d’une nation qui se veut prospère. Cette posture suppose qu’on se débarrasse préalablement des casquettes idéologiques quand elles existent, pour sauver ce qui nous unit plutôt que ce qui nous divise. Voilà pourquoi, que ce soit la gauche ou la droite au pouvoir en France la politique africaine de la France ne changera jamais. Tous s’accordent de ce que « la France sans l’Afrique c’est le Luxembourg »,. Le débat politique quand il devient manichéen, est dangereux pour la démocratie, aime à dire le politologue Njoya Moussa. Au Cameroun il est un crime de l’aise majesté presque, que de rendre pour responsable des échecs du système et des promesses non tenues, de quelque manière que ce soit le chef de l’Etat que les camerounais ont élu à près de 80 % des suffrages exprimés. Jean Bosco Talla d’une témérité sans pareil a encore fait les frais des hagiographes du prince dans sa ressente « une » encore plus provocatrice que jamais. Les associations de la diaspora qui ont décidé de faire perdre le sommeil à Paul Biya, à chacun de ses séjours en Suisse n’ont pas été épargnées. Quelqu’un est allé jusqu’à les qualifier de « groupes extrémistes Bamilékés » dont les origines se trouvent depuis les évènements de (1991-1993) au cœur même de la crise université au Cameroun. Les thèses pro et anti Biya nous convoquent de sortir de la nuit noire, de la hantise éternelle et perpétuelle du complot défendue brillamment par Messanga Nyamding, pour sauver ce qui nous reste de république c’est-à-dire le lieu où les responsabilités sont clairement établies. Cet endroit où les serviteurs de l’Etat qui n’ont aucune obligation même morale de représentativité locale ne peuvent pas être comptable devant le peuple à qui ils ne rendent pas directement compte.
Personne n’a le droit, face aux biyaistes de se prononcer vertement sur les actions du prince fidèle de Machiavel. Cependant, il est toléré et même encouragé de tancer l’environnement que le prince a choisi en toute liberté comme le prévoit la loi fondamentale. C’est la stratégie du tout pourri ou presque sauf le chef. Pourtant, ces collaborateurs que les biyaistes vouent aux gémonies, à moins qu’ils ne soient imposés de l’extérieur au risque de donner raison à ceux qui pensent que la gestion du Cameroun est extravertie et néocolonisée, ne sont jamais là que part la volonté suprême. Si le chef de l’Etat reconnait lui-même dans son traditionnel message à la nation, l’incompétence des gens qu’il nomme sans tâcher jamais de s’en départir, il ne restera plus à chaque citoyen de se poser et de façon lancinante la douloureuse et triviale question qui trotte comme un cheval devant chaque maison, de savoir qui gouverne le Cameroun? Est-il réellement gouverné, si ce n’est dans l’optique de perpétuer le régime?

La reproblématisation du biyaisme pour l’émergence de l’ « intellectuel citoyen »

Les réponses aux questions que nous nous posons dans le paragraphe précédent connaissent leurs fondements dans l’imagerie de tous ceux-là qui se revendiquent non pas toujours du parti au pouvoir, mais surtout et essentiellement dans la personne de Paul Biya, qui est pour eux, le seul gage de leur existentialisme face aux faucons et autres vautours du régime qui annihilent toutes velléités de positionnement de plus jeunes cadres. Militants de la première heure pour certains d’entre eux depuis plus de 20 ans, ont marre de voir leur temps défiler vers l’inconnu, sans qu’ils ne puissent de façon jouissive et légitime, profiter de toutes ces années d’humiliation. A l’observation, tout porte à croire que confronté aux difficultés de porter l’estocade aux barons qui contrôle tout l’appareil étatique et peuvent en disposer de qui ils veulent, surveiller et punir, ces nouveaux hagiographes ont trouvé pour exutoire la présidence de la république, qui bien que laxiste et hésitante à les nommer leur permet quand-même  d’exister politiquement en gardant comme tout le monde en mémoire et à l’œil la nuit des longs couteaux, en des jours surprenants de la dévolution du pouvoir.

Comme dans tout parti politique qui se respecte, les courants de pensée sont à promouvoir et même à encourager car c’est eux qui aident le parti à se remettre en question, à évaluer le chemin déjà parcouru et donc à avancer. Ce qui est loin d’être le cas dans le RDPC et dans la majeur partie des partis de l’opposition ex-croissance ou non du parti au pouvoir. La vieille caste dirigeante est jalouse et très conservatrice des acquis et des privilèges qu’elle n’entend jamais concéder à la génération montante. Rien qu’à l’idée qu’un jeune fut-il le plus brillant pour le poste convoité, puisse exercer une fonction de gestionnaire de crédit, suscite de l’émoi. Tant pis pour le développement du pays. La crise générationnelle est l’une des plus grandes crise sociopolitique que le Cameroun moderne n’ait jamais connu loin sans faux, cependant le fait de diaboliser et rendre pour responsable de l’échec présumé du système, cet environnement qui semble tenir en respect le chef de l’Etat depuis près de 30 ans par des pratiques paranormales comme on l’entend çà et là, ne nous semble pas être la meilleure approche. Si « les ennemis de la république » par ailleurs militant du RDPC, qui contrôlent tout, qui bloquent tout, qui gèrent tout, maintiennent le statut quo depuis longtemps au point de mettre en berne les réalisations du régime, ont tant de poids comme on semble le leur concéder, alors, tout porte à croire qu’ils sont aussi les mieux partis pour davantage garder les acquis et les leviers du pouvoir après Biya. En analysant les régimes monarchiques, Montesquieu nous fait remarquer que la monarchie est perdue lorsque voulant tout ramener à lui, le monarque ramène le pays à sa capitale, la capitale à sa cours, et sa cours à sa seule personne. Ainsi, voulant tout régenter le président Biya finit par provoquer autour de lui l’effet inverse des stratégies politivores qu’il met savamment sur pied pour tenir en laisse comme des chiens de garde ses collaborateurs et autres créatures, qui, émanations du décret finissent à force de ruse de renverser la vapeur. De l’avis des biyaistes, Paul Biya est aujourd’hui  régenté par tous. A chacun d’en conclure!

Ces arguments nous semblent quelque peu spécieux et difficilement soutenable pour ceux qui suivent au quotidien la météo sociopolitique de chez nous. Le président Paul Biya a très souvent démontrer et à chaque fois qu’il a senti son trône en danger, qu’il était le seul maitre du jeu de l’alternance au sommet de l’Etat. Trois personnalités parmi ses plus proches collaborateurs et patrons non institutionnels de l’administration au Cameroun sont en prison. Reconnaitre qu’il existe des choses positives en terme d’avancée démocratique et économique et surtout que le chemin à parcourir pour que l’on retienne de Paul Biya qu’il est celui qui nous aurait apporté une démocratie achevée et la prospérité économique serait faire preuve d’honnêteté intellectuelle et de patriotisme, que de rendre pour responsable des hommes (furent-ils englués dans le magico-annal et des pratiques les plus socialement honteuses), qui n’ont jamais demandé les suffrages des populations, des tares et des avatars d’un système dont Paul Biya est supposé en maitriser tous les rouages.
Repenser le biyaisme en lui donnant un visage plus humain, éloignerait sans doute tout le monde de ce frissonnant « effet bikini », en favorisant l’émergence de ce que nous appelons avec force et détermination l’« intellectuel citoyen ». 

© Correspondance de : Narcis Bangmo, Educateur au développement


29/01/2013
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