Biya provoque le corps électoral: Il a fallu du temps...pour mal faire!

Douala, 28 Février 2013
© Ponus | Ouest Littoral

C'est depuis 1996 que les Camerounais attendent les sénatoriales qui attisent des ambitions plus ou moins déclarées. Comme pour mettre le feu aux poudres, le Chef de l'Etat vient de «provoquer» le corps électoral à la manière d'un surhomme qui se moque des réalités. Pour le faire, il fallait bien être un homme-animal, un homme-lion, s'appeler Paul Barthélémy Biya Bi Mvondo. Finalement quel avenir le Renouveau veut-il laisser à la postérité?

Alors que l'opinion étaient encore distraite par la prorogation de la période de refonte biométrique des listes électorales, synonyme de prise en compte des revendications de plusieurs partis politiques de l'opposition et associations, Biya est rentré dans la danse pour créer un électrochoc. Il vient de convoquer le corps électoral pour les sénatoriales, le dimanche 14 avril 2013, comme pour défier les déclarations du leader du premier parti d'opposition, il y a quelques jours seulement. Il s'agit là d'une pilule très amère qui sera un poison tant pour la communauté nationale qu'internationale et davantage pour les acteurs socio-politiques du pays qui, à maintes reprises, n'ont pas loupé l'occasion pour contester une telle démarche, inacceptable sur tous les plans.

C'est en réalité une manipulation qui consiste à convoquer les anciens Maires au mandat forclos, qui survivent par la perfusion des décrets, alors qu'ils sont désormais sans légitimité pour réconforter la dictature démocratique, en élisant des sénateurs, majoritairement membres du Rdpc.

« Il n'y aura pas de sénatoriales avant les municipales. Si M. Biya s'entête à organiser les sénatoriales avant les municipales, je vais l'aider à gâter le Cameroun». Cette déclaration est de Ni John Fru Ndi, le Président du Social democratic front(Sdf), lors de sa tournée de sensibilisation pour les inscriptions biométriques, le 15 février dernier. Par la même occasion, il rappelle: « J'ai dit à M. Biya que je le connais comme quelqu'un qui n'a pas honte et que s'il veut, il n'a qu'à organiser ses sénatoriales pour glaner les 100% à la chambre haute du Parlement comme il le désire; mais je ne le laisserai pas faire». Et ce n'est pas tout: « Si les conseillers municipaux s'amusent à aller voter au cas où M. Biya organise les sénatoriales avant les municipales, je vais envoyer les bayam-sellam les tabasser», a annoncé le chairman.

Ce leader de parti d'opposition n’est pas seul dans cette logique. Bien avant lui, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) que dirige l'ancien Ministre Délégué à la justice, Maurice Kamto avait déjà pris position en se prononçant contre l'organisation des sénatoriales avant les consultations électorales devant permettre au peuple camerounais de choisir démocratiquement leurs représentants à l'Assemblée nationale et dans les mairies. Il avait d'ailleurs attiré l'attention de la communauté nationale et internationale, «sur les risques graves d'atteintes aux principes démocratiques que pourraient entraîner une telle décision».


Le plan politique macabre

Comme le disait si bien Mathias Eric Owona Nguini, l'attitude de Paul Biya, qui s'inscrit dans une perspective de gestion opaque de l'agenda électoral est une « ruse politique qu’il affectionne visant à leurrer ses adversaires sur les échéances pour finalement les surprendre». C'est pourquoi, fidèle à ses manœuvres, il n'a jamais rendu public un calendrier électoral précis, pour faire veuve de transparence et d’équités électorales. Déjà à la suite de son discours de fin d'année, votre journal avait relevé l'opacité d'un texte qui n'évoquait aucun agenda électoral précis. Il s'est contenté, sans pour autant fixer une date, d'annoncer pour 2013 l'organisation des sénatoriales, qui se préparent depuis 2009 en vue de respecter la Constitution du 18 janvier 1996. Et dans la situation actuelle où le Rdpc n'est plus sûr d'avoir autant de sièges qu'aujourd'hui aux municipales, Paul Biya s'est placé dans la position du « distributeur-glouton du gâteau national», qui avant tout partage, se saisit de son couteau pour se tailler la part du lion.

Bien avant, on se souvient que dès l'année 2008 avec la modification constitutionnelle la nouvelle, il était déjà prévu que les élections sénatoriales peuvent avoir lieu avant la mise en place des Conseils régionaux. Tout à fait machiavélique quand on sait que la loi organisant l'élection des sénateurs prévoyait la composition exacte du collège électoral, composée des Conseillers municipaux et des Conseillers régionaux qui, à dessein, n'existent pas encore.

Pour entretenir cette stratégie macabre, les mandats dés députés ont déjà été prorogés à deux reprises, par une première loi adoptée par l'Assemblée nationale le 19 avril pour une durée de 6 mois et une autre loi du 21 décembre pour une durée de 3 mois qui expire le 21 mai. De même, le Président de la République a pris un décret prorogeant les mandats des Conseillers municipaux pour une période d'un an qui s’achève le 30 juillet 2013.

Au final, Paul Biya, le Président de la République du Cameroun vient de signer le décret relatif à la convocation du corps électoral pour s'assurer une victoire éclatante. C'était donc ça!


Quel avenir pour la postérité?

Est-il si difficile de comprendre que les Conseillers municipaux actuels ne représentent plus le peuple et par conséquent ne sauraient se prévaloir du titre d'électeurs aux sénatoriales, ou encore que ces Conseillers municipaux ont été votés dans le cadre d'un scrutin contesté, marqué par de fraudes massives?

A 80 ans, ayant passé 61 ans dans la haute administration on croyait que Biya devait s'arranger à sortir, malgré tout, par la grande porte. Décidément, il continue de choisir la fenêtre qui chaque jour devient de plus en plus petite. Longtemps éclaboussé par des fraudes électorales à répétitions, on est au regret de constater qu'il n'est pas facile d'apprivoiser un lion affamé du pouvoir. En tout cas, depuis le retour dit multipartisme au Cameroun, toutes les élections ont été contestées tant par les acteurs que par les observateurs sérieux. S'arranger encore pour obtenir des résultats à la soviétique ne reposerait sur aucune réalité actuelle des forces politiques en présence. Les résultats qui sortiront de cette consultation ne feront qu'assombrir une fois de plus, l'avenir de notre pays.


02/03/2013
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