Il y a exactement deux semaines, votre journal titrait à sa une : « Marafa Hamidou Yaya : Et si on l’avait "tué" ? ». Nous nous interrogions alors sur les raisons du "silence" de l’ex-Minatd, en constatant que cela faisait bien un mois qu’aucune de ses correspondances n’avait été rendue publique. L’analyse de votre journal faisait un rapprochement entre ce silence et les nombreuses missions des collaborateurs du chef de l’Etat hors du pays, pour mettre la main sur la source de ses lettres. Depuis lors, c’est le calme. Du moins, en apparence car en coulisses, la guerre entre Marafa et Biya semble être passée à une phase plus diplomatique. Ainsi, des négociations entre les deux camps ont été rapportées récemment par la presse, faisant état de la présence de deux émissaires de Paul Biya au Sed, pour parlementer avec celui qui y est détenu.
Depuis lors, le sultan lbrahim Mbombo Njoya et El Hadj Abbo Ousmanou –puisqu’il s’agit d’eux- ont tour à tour démenti avoir participé à cette tentative de médiation. Mais les informations dont dispose votre journal, recueillies auprès de sources introduites, indiquent que non seulement la négociation a bel et bien eu lieu, mais qu’en outre, elle s’est achevée sur un accord tacite entre les deux parties. L’une s’engage à ne plus inonder l’opinion publique de révélations fracassantes via des lettres ; et l’autre, de tout mettre en œuvre, pour faire recouvrer la liberté au détenu du Sed avant la fin de l’année en cours. Mais pour y arriver, on peut comprendre que ce n’est qu’à contrecœur que le pouvoir a consenti à prendre cette option. Face à la menace Marafa, le pouvoir n’avait pas d’autre choix que de négocier.
1. Pourquoi il fallait négocier
Les informations en possession de votre journal et puisées à bonne
source, indiquent que sitôt que la toute première lettre ouverte de
Marafa Hamidou Yaya s’est trouvée étalée sur la place publique, le
pouvoir a pris toute la mesure de la menace. Sa machine s’est mise en
route ou plutôt, celle des services de renseignements. Ce d’autant plus
qu’une phrase contenue au tout début de cette première missive, était
sans équivoque : « Vous me connaissez très bien, écrivait-il le 2 mai
dernier. Je ne cache ni mes opinions ni mes agissements. Vous comprenez
donc qu’ayant recouvré ma liberté de parole car n’étant plus tenu par
une quelconque obligation de solidarité ou de réserve, je puisse
exposer, échanger et partager avec tous nos compatriotes mes idées et
mes réflexions que je vous réservais en toute exclusivité ou que je ne
développais qu’au cours des réunions à huis clos ». Le ton était donné,
le pouvoir et ses stratèges, surtout celui-en-chef avaient compris,
qu’ils allaient devoir essuyer d’innombrables rafales, dévastatrices.
Car dans les mots de l’homme, il n’y a pas de jérémiades de la victime
pleurant sur son sort ou la quête d’un éventuel sauvetage, mais la
menace de mettre sur la place publique ce qu’il sait, pour nuire à ceux
d’en face.
La riposte qui s’organise va dans un premier temps, travailler à circonscrire l’origine de la menace, pour la juguler. Incarcéré à la prison centrale de Kondengui, l’ex-Minatd va subir impassible, les affres d’une fouille approfondie de sa cellule, en compagnie de ses codétenus. Tout lui est retiré, jusqu’à son stylo, avait-on alors rapporté. Jusqu’à lors, on était convaincu en haut lieu que c’est du fond de sa cellule que Marafa écrivait ses lettres. Mais très vite, on réalise qu’il n’en est rien car, le mécanisme de diffusion des lettres s’opère en dehors.
Des pressions sont exercées sur certains directeurs de publication de journaux, on envisage même la possibilité d’empêcher le tirage dans les imprimeries, des journaux qui publient les lettres de Marafa. Mais on se ravise aussitôt, pour ne pas faire trop de vagues. Car on se rend vite compte que le foyer de diffusion des lettres est insaisissable et surtout que c’est par voie électronique que ces documents circulent. Selon des informations recueillies d’une source bien informée, les services de renseignement adressent une note au chef de l’Etat où elles avouent leur impuissance à contrer le mécanisme de diffusion de ces lettres, en raison des nombreuses précautions que l’ex-Minatd a prises avant de se faire arrêter. Non seulement semble t-il, il a confié ces notes –on parle de centaines- à plusieurs personnes dignes de confiance mais en outre, les chancelleries occidentales et notamment, l’ambassade américaine dont on n’ignore pas les liens privilégiés qu’elle entretient avec lui, en a reçu des copies.
2. Premier à comparaitre devant l e tribunal criminel spécial
Ainsi donc, sitôt que le pouvoir s’en est rendu compte, il a changé de stratégie optant pour la négociation, en raison du caractère explosif du contenu de certaines d’entre elles. Qui envoyer aller négocier avec Marafa Hamidou Yaya ? Une question qui a longuement taraudé les esprits, en haut lieu. Finalement, on opte pour le choix de deux personnalités dont on présume que l’autorité, l’âge et la stature peuvent suffire à faire entendre raison, au « prince peulh » dont la fierté est connue et qui est déterminé à en découdre avec Biya.
Finalement toutes ces tractations auraient accouché d’un modus vivendi. L’arrêt des lettres, contre un processus devant progressivement conduire à la libération de Marafa Hamidou Yaya, après sa comparution devant un tribunal. Depuis plus d’un mois, il y a eu comme une accélération du processus de la mise en place du tribunal criminel spécial.
La session parlementaire du mois de juin a été consacrée en partie à en adopter les textes réglementaires. Faut-il y voir un signe allant dans ce sens ? On peut penser que oui, tant il est une constante dans la vie politique nationale : celle que rien ne se fait au hasard. L’empressement affiché en haut lieu pour rendre opérationnel aussi vite que possible, le tribunal criminel spécial doit, en suivant cette logique être tributaire de l’engagement pris en haut lieu face à Marafa. Toutes choses qui laissent penser en suivant l’accélération de la procédure depuis quelque temps, qu’une libération de l’ex-Minatd est possible dans les prochains mois.