Bibi NGOTA: Le régime panique !
© DALLE NGOK PIERRE CAILLOU | Aurore Plus
Jamais de mémoire de journaliste, une affaire n'a autant ébranlé les dignitaires camerounais et le régime depuis les émeutes de février 2008. L'affaire Bibi Ngota ne fait que commencer et prend déjà des contours macabres ? Entre la mort en prison du journaliste et la rumeur véhiculée depuis mercredi dernier par sms et de bouche à oreille selon laquelle Laurent Esso serait décédé, le journal la Météo avait donné le ton auparavant en titrant: «Laurent Esso ne mourra pas seul».
Voila comment une malheureuse affaire, née de l'ego d'un secrétaire général de la république qui a instrumentalisé les services de police et la justice a débouché sur une affaire d'Etat, ou le pouvoir paniqué a manqué de retenue en déclarant par la bouche de Issa Tchiroma que le journaliste décédé à la maison d'arrêt de Kondengui dans la nuit du 21 au 22 avril 2010 était un patient séropositif qui a succombé des suites de maladies opportunistes.
L'opinion publique, la presse, l'ordre des médecins et aussi la famille du défunt s'en sont indignés: «Nous avons été humiliés et choqués d'apprendre à travers les médias publics, que notre frère est décédé de VIH sida à la suite d'une sérologie positive effectuée à l'infirmerie de la prison. Non seulement nous disons haut et fort que notre frère n'était pas séropositif, car, les examens effectués à son entrée et qui comportaient entre autres la tuberculose, le VIH sida, l'hypertension, la hernie, seules la hernie et l'hypertension étaient positives. Et puis même, à supposer que mon frère était séropositif le ministre de la communication avait-il le droit de divulguer sans notre avis préalable les examens cliniques de notre frère ?»
Ledit rapport avait été adressé a-t-on appris du Mincom, au Vice Premier ministre, ministre de la justice et garde des sceaux. En effet, la déclaration du Mincom intervient au moment où le journaliste Félix Cyriaque Ebolé Bola, commis pour prendre part à l'autopsie devant être effectuée sur la dépouille de Bibi Ngota par les médecins légistes de l'hôpital central de Yaoundé la semaine dernière, dit n'avoir pas pris part à l'autopsie.
Selon ce dernier, il est arrivé à l'hôpital lorsque l'autopsie avait déjà été faite. Et du coup, le gouvernement se sentant coincé, a commandé précipitamment un rapport qui devait apporter tous les éléments jugés contradictoires à la thèse de la négligence jusqu'ici évoquée par la famille du défunt à l'endroit du personnel hospitalier du pénitencier de Kondengui.
Voici la substance de ce rapport lu par Issa Tchiroma : "J'ai l'honneur de vous présenter les circonstances et la cause du décès du nommé Ngota Ngota Germain Cyrille. Il s'agit d'un patient de 39 ans reçu à l'Infirmerie le 11 mars 2010 au lendemain de son incarcération pour la visite médicale de routine. A la date sus indiquée, l'examen médical a mis en évidence l'hypertension artérielle (190/120) et la hernie inguinale gauche non compliquée. Le dépistage volontaire du VIH/SIDA proposé à l'intéressé s'est révélé positif mais ce dernier n'était pas venu retirer le résultat. A l'issue de l'examen médical d'incarcération, le détenu avait été mis sous traitement antihypertenseur, la prise en charge de la hernie devait se faire ultérieurement en attendant le retour à la normale de la tension artérielle.
Le rendez-vous avait été pris pour le 29 mars 2010 pour le contrôle et le suivi du traitement. A cette date, il a honoré le rendez-vous, l'évolution clinique était favorable, la tension artérielle étant revenue à la normale (140/90). Il lui a été demandé de poursuivre le traitement. Le 05 avril 2010, le patient se présente à nouveau en consultation pour une fièvre élevée et l'éruption cutanée généralisée, il est tout de suite admis en observation à l'infirmerie pour des investigations complémentaires et une prise en charge appropriée. C'est ainsi que les résultats de la sérologie VIH/SIDA positive sont annoncés au patient. II séjourne à l'Infirmerie pendant quatre (04) jours. L'évolution de la maladie est favorable sous traitement et l'intéressé rejoint son quartier de la prison le 08 avril 2010 avec des médicaments à prendre par voie orale. Au même moment, les examens complémentaires en vue de déterminer s'il est éligible au traitement antirétroviral sont demandés. Le 15 avril 2010, le patient est de nouveau admis en observation à l'infirmerie pour une fièvre au long cours et altération de ?? general. Il y reçoit les soins appropriés et décède finalement dans la nuit du 21 au 22 avril 2010 alors que les résultats des examens complémentaires étaient attendus.
Ceux-ci seront disponibles le 23 avril 2010. A l'analyse, on constate que le patient avait une infection généralisée dans un contexte d'Immunodépression sévère. Au total, le détenu Ngota Ngota Germain Cyrille était un patient bien connu dans notre structure de santé avec des antécédents d'hypertension artérielle non contrôlée et une hernie inguinale simple. Les examens de laboratoire effectués à l'incarcération ont révélé une sérologie VIH positive. Il convient de signaler que l'intéressé était sans assistance familiale, le coût de ses soins était supporté par la prison. Au regard de ce qui précède, le sus nommé est décédé des suites d'infections opportunistes dans un contexte où le système immunitaire était complètement effondré. La prise en charge s'est faite selon l'algorithme national en la matière, l’infirmerie étant une structure prenant en charge les personnes vivant avec le VIH/SIDA."
Questions
A l'évidence ce rapport a été apprêté pour apaiser une opinion nationale et internationale échaudée par la bestialité dont a fait preuve le régime contre un homme seul.
Pourquoi le médecin de la prison de Kondengui a-t-il choisi de mettre ce résultat à la disposition de sa hiérarchie et non pas de sa famille au moment où il était encore en vie ?
Un tel scénario cynique a été orchestré pour entretenir la diversion dans une affaire aussi grave, qui se déroule dans un Etat qui a perdu tout sens de l'humain. En prononçant ainsi la deuxième mort de Bibi Ngota avant même le début de ses obsèques, le gouvernement vient de franchir le seuil de l'intolérable dans un Etat qui se révèle sans respect envers les morts et où l'on peut publiquement violer le secret médical. Les médecins ne s'y sont pas trompés en montant au créneau pour dénoncer cette forfaiture...