Belgique- Cameroun: Thierry Amougou "la « Ouatarramania » et la « Gbagbomania » ont divisé la diaspora camerounaise"
Macro économiste, Maître de conférences à l’Université catholique de Louvain, il est membre du GRIASS (Groupe de Recherches Interdisciplinaires sur l’Afrique Subsaharienne), du CRIDIS (Centre de Recherches Interdisciplinaires Démocraties, Institutions, Subjectivités) et membre de la Fondation Moumié. Dans cet entretien à bâtons rompus, Thierry Amougou que nous avons rencontré à Louvain-La-Neuve en Belgique,dresse le portrait robot de la diaspora camerounaise. Il ne mâche pas ses mots
Monsieur Thierry AMOUGOU vous êtes une des figures marquantes de la diaspora camerounaise. Quel regard posez-vous sur les actions menées par la diaspora lors de la dernière visite du Président camerounais à Paris ?
Déjà bonjour et bonne année 2013 malgré le fait que l’on soit déjà en février. Je pense que dire et souhaiter du bien et du mieux est valable à tout moment. C’est pour moi un plaisir toujours renouvelé de répondre à vos questions.
J’aimerai faire une précision d’ordre sémantique et/ou conceptuelle avant de répondre précisément à votre question. La diaspora camerounaise, pour faire simple, est un ensemble d’abord démographique qui représente tous les Camerounais à l’extérieur du Cameroun et cela dans tous les secteurs d’activités. Il y a donc aussi de la diaspora camerounaise dans tous les pays africains différents du Cameroun et les pays non occidentaux autres que le pays africains. Il y a même des Camerounais diasporiques par intermittence car ils alternent la vie au Cameroun et la vie à l’extérieur du Cameroun.
Votre question fait sûrement allusion à la diaspora camerounaise au sein des pays occidentaux. Là encore une autre précision s’impose car on peut y distinguer la diaspora camerounaise politiquement engagée et la diaspora camerounaise politiquement non engagée ou qui se veut comme telle si l’on tient compte du fait que le silence est une forme d’opposition ou de caution au régime. Dans la diaspora politiquement engagée, il y a les excroissances extranationales des partis politiques camerounais au pouvoir et de l’opposition, la composante militante et silencieuse, des organisations de la société civile et ce que j’appelle la diaspora camerounaise critique, militante et non silencieuse. Cette dernière est un conglomérat où on peut retrouver toutes les variantes que je viens de signaler. Je vais donc vous parler de la diaspora critique, militante et non silencieuse.
A mon humble avis, la dernière visite du Président Biya en France a montré quelque chose de paradoxale de l’ordre de la double face de Janus. C'est-à-dire la très grande force et la très grande faiblesse de la diaspora camerounaise critique envers le régime camerounais actuel. C’est ce double visage qui caractérise les actions qui ont été menées ici et là lors de la dernière visite de Mr. Paul Biya en France.
Quelle est donc la très grande force de ce que vous appelez la diaspora camerounaise critique, militante et non silencieuse ?
C’est son unité morale et politique dans la continuité de sa critique radicale du Biyaïsme et son amour de la démocratie. C’est cette posture critique de nature radicale par rapport au régime Biya, sa capacité à mettre en forme active sa subjectivité politique par rapport au régime en place, et sa stature militante en faveur de la démocratie, qui constituent les arguments de force de cette frange de la diaspora camerounaise en Occident. A ce niveau-là il y a une union sacrée qui a permis à cette diaspora critique d’exister, de dire ce qu’elle pense par des écrits et des manifestations le long de la trajectoire du parcours présidentiel en France. La diaspora critique est sous cet angle une entité sociopolitique homogène au sens où elle prend le mal camerounais à la racine. Aussi, lorsque, à la sortie de son entretien avec Mr. Hollande, le Président camerounais déclare « C’est le peuple camerounais qui m’a élu au milieu de 20 ou 30 autres candidats », la diaspora dont je parle trouve cela scandaleux car le peuple camerounais sur lequel s’adosse Mr. Biya pour dire qu’il a été élu, est justement mis à la touche depuis trente ans par des modifications constitutionnelles taillées sur mesure, des élections truquées, des interventions de l’armées pout tuer les populations qui manifestent leur mécontentement, et par ELECAM. De même, prendre les problèmes à la racine montre que l’Opération Epervier est le résultat authentique de la nature profonde du pouvoir de Yaoundé. Bref, c’est cette posture critique radicale déclinée de façon rhétorique, déclamatoire ou physique qui fait l’identité englobante, ensembliste et unificatrice de la diaspora camerounaise critique, militante et non silencieuse.
Quelle sont ses grandes faiblesses ?
Sa grande faiblesse est qu’elle se retrouve chaque fois dans une situation de faux départ par rapport à la problématique camerounaise parce qu’elle ne s’est jamais construite comme un corps ou des corps politiques capables d’être dans les starting-blocks et prendre le départ vers sa vitesse de croisière. Je ne suis pas en train de parler d’un problème de leader unique qui manquerai ou d’insinuer qu’une seule organisation serait plus efficace. Je pense que ce qui est fondamental et névralgique pour sa survie, son efficacité et sa crédibilité, est d’assurer l’éviction urgente en son sein des égoïsmes animaux, des rivalités malhonnêtes des compétences des uns et des autres, les concurrences de leadership de plusieurs responsables d’associations, le tribalisme et la mauvaise foi caractérisée. L’égoïsme animal dont je parle est particulièrement dévastateur au sein de la diaspora critique car des actions qui vont dans le même sens se critiquent mutuellement par leaders interposés jusqu’à la ménopause des arguments dont la fatuité déclamée et non prouvée n’a d’équivalent que la Vérité du Christ que les croyants ne discutent point. La logique ici est simple. Elle est une variante de l’enfer ce sont les autres de Jean-Paul Sartre. Si ce n’est pas moi le point de départ d’une action, alors cette action-là est automatiquement contre le peuple camerounais, elle est une trahison dudit peuple. Seul ce qui est de moi est pour le peuple camerounais et son salut. Des initiatives non excluantes et non exclusives les unes des autres subissent donc d’abord une destruction endogène à la diaspora critique. Cela fait une grande partie du travail que doit faire le pouvoir. La diaspora camerounaise critique aide ainsi elle-même le pouvoir en s’affaiblissant par des luttes intestines.
Une autre faiblesse ?
Je vais en citer plusieurs autres avec votre autorisation. La diaspora camerounaise critique, militante et non silencieuse est composée d’activistes politiques, de militants, d’intellectuels, d’artistes, d’étudiants, de lycéens et de bien d’autres catégories. Même si plusieurs personnes peuvent avoir en même temps toutes ces casquettes-là, une autre faiblesse est la non reconnaissance unanime que chacun de ces acteurs a sa place et que, suivant ses compétences, est utile et joue un rôle très important dans la construction d’une conscience politique et l’avancée d’un combat. L’action de l’activiste est autant importante que celle de l’intellectuel, de l’artiste, du militant et du politicien professionnel. Une faiblesse de la diaspora est de penser que l’action se limite au modèle « commando » ou alors que le modèle « commando » n’est pas utile. Quand Ledoux Paradis fait une chanson critique, il fait une action politique autant que quand Willy de Paris fait la satire du pouvoir via son travail d’humoriste. L’action est multiforme et multi-variée. Plusieurs devraient réviser ce qu’on entend par action et par portée intergénérationnelle de celle-ci sur le plan politique. Certaines actions ont leur intensité dans leur durée même et pas au-delà tel « le commando » du CODE et du CCD. D’autres durent au-delà de l’action et structurent les consciences comme un livre de Mongo Béti, l’intervention de Um Nyobè aux Nations-Unies ou encore le refus de la vengeance par Mandela via la commission vérité et réconciliation. Tout a sa place, son temps et ses fonctions tribunitiennes spécifiques.
L’action « commando », quoiqu’elle soit aussi importante que toutes autres actions critiques, deviendrait une grande limite de la diaspora dont nous parlons si elle devient son seul mode d’expression. L’action « commando » doit être un aspect d’un programme global où les idées suivent comme socle d’un projet de société étant donné que nous n’allons pas gérer le pays avec le « commando » mais avec le projet collectif qui le sous-tend. D’où le fait qu’une autre limite est que l’action « commando » dont je reconnais l’importance dans la contestation et la critique, limite, ce qui est inévitable en politique, les possibilités de débats et de discussions avec les adversaires politiques.
Qui plus est, le « commando » a une grande propension à produire le martyr et le héros alors que le but du politique est d’éviter aux populations une vie de héros et de martyr. Pleurer et exalter Um Nyobè ou Moumié ne veut pas dire que l’on souhaite voir d’autres destins brisés à la Um Nyobè au Cameroun ou en Afrique. Le martyr et le héros sont les produits des échecs du politique dont le but est de faire coexister en paix des hommes et des femmes aux idées et projets contradictoires. Mandela comme héros est le résultat d’un échec du politique autant que le Christ sur la croix.
Une autre limite très importante de la diaspora camerounaise, critique, militante et non silencieuse, est le spectre qui plane sur elle de devenir une simple excroissance extra-camerounaise des partis politiques camerounais d’opposition. Dans cette situation en train de s’installer sûrement et solidement, la diaspora camerounaise perd son autonomie en tant qu’entité politique autonome et capable d’originalités, pour devenir l’arrière-cour des partis politiques camerounais d’opposition. Cette dynamique que plusieurs pensent être une force car elle donne des relais sur le terrain camerounais, est tout simplement l’acte de décès d’une diaspora capable de critiquer librement le pouvoir camerounais, étant donné que tous ces partis politiques d’opposition y ont participé d’une façon d’une autre : la diaspora devient l’idiot utile du village politique camerounais. La discipline de parti va rejaillir sur toutes les associations de la diaspora camerounaise et nous ne saurons plus quand cette diaspora parle si c’est elle qui parle ou alors l’UPC, l’UDC, le SDF, l’UNDP ou le MRC. La diaspora camerounaise va ainsi devenir un creuset des contradictions qui minent les partis d’opposition camerounais dont elle va être le prolongement extranational. Elle n’aura plus aucune force de négociation car ces partis-là la prendront pour acquise automatiquement à leur cause puisque plusieurs leaders en sont membres. Quel candidat cette diaspora va soutenir sachant que tous les partis politiques cités en auront un ? C’est dans l’avenir la condition certaine d’un éclatement inévitable.
Que les choses soient biens claires. Je donne ici mon avis en disant qu’une diaspora politique crédible, forte et avec une nouvelle capacité de proposition et de négociation ne peut exister si cette diaspora est totalement affiliée à des partis politiques camerounais d’opposition. Je pense qu’elle peut l’être si elle est indépendante du parti au pouvoir et des partis d’opposition. C’est pourquoi je me situe au niveau de la diaspora critique, militante et non silencieuse mais de la société civile. J’ai dirigé la Fondation Moumié dans ce sens et j’espère qu’elle restera sur cette trajectoire. Je ne dis pas qu’il ne faille pas tisser des alliances avec des partis politiques camerounais. Chacun a le droit de faire ce qu’il veut. Je demande d’exercer au préalable son droit d’inventaire étant donné que ces partis d’opposition sont aussi responsables du délabrement profond du pays. Il faut d’abord évaluer leurs actions depuis trente ans aux côté du Renouveau National afin de définir des modalités de collaboration qui ne tombent pas dans les mêmes travers qui ont tué le pays. C’est selon moi dans ce sens qu’il faudrait travailler comme l’a commencé Jean-Bosco Talla avec sa grande palabre à GERMINAL.
Enfin, il me semble aussi important de signaler que le combat mené ne doit pas dériver vers la détestation et la haine de ceux qu’on appelle les intellectuels dans cette diaspora camerounaise car là où l’on commence par brûler les livres, on finit toujours par brûler des hommes comme le dit le philosophe. Mao a brulée les livres puis des hommes dans sa révolution culturelle tout comme Hitler a brûlé les livres ensuite les hommes dans son projet Mein Kampf. Pour Staline c’est l’homme le problème plus d’hommes point de problèmes. Les goulags ont ainsi joué le rôle d’épuration de la société soviétique de ses intellectuels. Tout le monde a sa place et toutes les actions menées sont importantes. La diaspora camerounaise critique, militante et non silencieuse ne doit pas incarner la figure de la colère, de la terreur et de l’idée de vengeance mais celle d’un espoir d’une vie meilleure pour tous, de réconciliation et de dialogue.
D’après vous qu’est-ce qui explique ces faiblesses ? D’où viennent-elles ?
Les querelles internes sont un signe de vie par rapport au silence plus grave dans la vie et l’harmonie d’une famille. Je pense que ces faiblesses peuvent être surmontées car il s’agit d’une affaire d’hommes qui se parlent encore. D’où viennent ces faiblesses ? Elles viennent des problèmes déjà énumérés. Je ne réponds pas à la question car vous me demanderez ensuite d’où viennent ces problèmes énumérés ? Je pense que plusieurs causes peuvent être mises en avant.
Premièrement, l’ambition personnelle et les rivalités qui sont inévitables dans chaque mouvement. L’UMP vient de nous en donner l’exemple en France via la guéguerre Fillon versus Copé : les hommes sont ondoyants et divers comme le disait Montaigne.
Deuxièmement, les parcours différents des uns et des autres, au lieu d’être une richesse d’expériences différentes, s’abîment très souvent en postures inconciliables mettant les uns du bon côté de l’histoire et les autres du mauvais côté de celle-ci. L’histoire n’a ni bon ni mauvais côté. L’histoire ce sont les faits, les évènements, les acteurs et leurs actes. La mémoire est l’utilisation politique de l’histoire pour exalter, transmettre certaines valeurs et exiger une reconnaissance. L’historien ne juge pas mais informe, donne une connaissance factuelle. C’est le politique, l’idéologue et le religieux qui jugent. Ne confondons donc pas mémoire et histoire et encore moins nous et « bonne histoire » puis eux et « mauvaise histoire ».
Troisièmement, la diaspora camerounaise est, dans certains de ses aspects, une reproduction extranationale de toutes les tares de la société camerounaise actuelle tant au sommet de l’Etat qu’au sein du peuple. Le besoin d’accumulation immédiat et illicite, que j’appelle libido accumulative, s’y trouve, le tribalisme, les pratiques de « feymania » ainsi que les rivalités entre les partis camerounais d’opposition dont les représentants en font partie s’y trouvent aussi. Des anciens membres du RDPC s’y trouvent aussi en grand nombre.
Quatrièmement, les rivalités territoriales par rapport à la place de pôle central de la contestation extranationale au régime existent entre Bruxelles, Londres, Paris ou New-York. D’où parfois l’occurrence de situation ubuesques comme des mêmes thèmes traités le même jour dans les mêmes salles.
Cinquièmement, les conflits Libyen et ivoirien ont profondément raviné et augmenté la fragmentation de cette diaspora car ce que j’appelle la « Outarramania » et la « Gbagbomania » ont divisé la diaspora en pros-Gbagbo qui se considèrent comme du bon côté de l’histoire et les pros-Ouattara indexés comme des traîtres du mauvais côté de l’histoire. Ce conflit structure encore de nos jours la diaspora camerounaise dont je parle.
La multiplication d’associations au sein de cette diaspora est-elle une faiblesse ou un atout ?
C’est plutôt un signe de liberté et de vitalité. Je ne le pense pas un seul instant si chacun reste à sa place et pondère plutôt le sens commun des actions que les luttes de leadership qui entraînent que la diaspora critique comme force politique se saborde inévitablement. La multiplication d’associations est l’expression de la liberté, d’objectifs et de postures différents mais complémentaires. Ce sont les maux cités plus haut qui font que la multiplication d’association devienne une faiblesse alors qu’elle est fondamentalement un atout. Le Christianisme, si nous prenons cet exemple-là où la diaspora a joué un rôle central dans sa construction historique, est parti d’une multitude de mouvements opposés et écrivant chacun son évangile, à la grande Eglise. L’éclatement du mouvement chrétien est donc première et son unicité seconde même si aujourd’hui elle n’est toujours pas parfaite. Ce qu’il faut savoir c’est que ce mouvement a pris plus de trois siècles de balbutiements parsemés de guerres intra-chrétiennes et de meurtres à foison. Le peuple camerounais ne peut attendre aussi longtemps la naissance d’une diaspora crédible. L’opposition débridée ne mène nulle part car l’acte oppositionnel a aussi besoin de rationalité instrumentale.
D’aucun parle de certaines actions menées comme du trouble à l’ordre public. Qu’en pensez-vous ?
Cette diaspora a en face d’elle des affabulateurs et des ministres passés maîtres dans la bouffonnerie afin de jouer le fou du roi. La diaspora camerounaise doit éviter ce registre-là car c’est aussi une dimension qu’elle combat. Je veux aussi, via votre question, dire merci aux pays occidentaux qui nous laissent évoluer librement car nous serions en Corée du Nord, a Cuba ou Russie que les actions de la diaspora camerounaise critique seraient assez difficiles à mettre en place. Je ne pense pas que ce que le CODE appelle « commando » soit du trouble à l’ordre public si on pousse le raisonnement un peu loin. Ce qu’ont fait le CODE et le CCD n’est rien d’autre qu’une manifestation critique et contestataire d’un régime. C’est peut-être le terme « commando » qui fait peur aux gens. Il faut le prendre comme une (sur)- conceptualisation ou un (sur)lecture d’une action de contestation d’un régime au sens d’un espace public. « Le commando » est une sur-conceptualisation d’un lapsus fondateur.
En conséquence, lorsqu’on parle d‘ordre public, il ne faut pas oublier que c’est un ordre qui n’a de sens que si ceux qui constituent le public sont d’accord avec. La grève dans les villes occidentales est exactement de même nature que ce qu’ont fait le CODE et le CCD car il y a une autorisation de manifester son désaccord. Je peux aller plus loin en vous disant que quand un Président Camerounais foule le sol français, il y transporte aussi tous les problèmes du Cameroun à tel point que l’ordre public en France devient un désordre public pour les Camerounais qui, ainsi, ont le droit de refuser cet ordre qui protège leur bourreau.
Les fans de Biya disent que la diaspora opposée au Renouveau est constituée des Camerounais clochards en Occident car le Président a rencontré la vraie diaspora qui réussit le 1er février dernier à Paris
La population camerounaise clochardisée depuis trente ans est moins en Occident qu’au Cameroun où elle l’est devenue par l’action du Renouveau National. Et, en dehors de quelques exceptions qui confirment la règle, on voit bien ce que signifie réussir au Cameroun et ce que cela coûte au pays tout entier. Je ne savais pas qu’il y avait une diaspora camerounaise de sans-culottes. Que ceux qui avancent ce type de choses se souviennent de ce que les sans-culottes ont fait au roi de France et à toute sa cours. Si ma mémoire est bonne, cette allégation est de Madame Pauline Biyong dont la réussite se mesure à son action dans ELECAM et à ce que représente ELECAM. La poutre qui se trouve dans le regard de cette dame est la division consacrée du pays en ayant-droit à la mangeoire et non ayant-droit à la vie. Comme le disait le Christ, l’homme de la Bible, il faut d’abord enlever la poutre qui obstrue ses propres yeux avant de pointer celle qui encombre ceux de l’autre. Ce n’est pas de sa faute mais celle de la déformation liée à sa spécialisation : continuer à mettre le peuple de côté en le divisant afin que la poule aux œufs d’or continue à pondre. Je pense qu’il faut laisser ce genre de délire rhétorique et ceux qui les véhiculent la liberté de mourir tant de leur propre venin que de l’infection intestinale qu’entraîne leur médiocrité intrinsèque.
Si la réussite de la diaspora se résume à rencontrer Biya, alors la vraie diaspora doit être à la prison centrale de Yaoundé ou la prochaine à y entrer car tous ceux qui ont rencontré Biya dans leur vie y sont réellement en montrant ainsi la nature de leur réussite et la vérité machiavélique de l’homme du 6 novembre. Rencontrer Biya ne fait pas automatiquement de ceux qui le rencontrent ses adeptes même s’ils y sont sûrement majoritaire, étant donné qu’ils reçoivent des invitations des ambassades du Cameroun qui, ainsi, assurent le tri entre « bons camerounais de la diaspora » qui soutiennent le régime, et « mauvais camerounais » parce que critiques envers le régime. L’invitation que donne l’ambassade du Cameroun en France aux « bons Camerounais » et pas aux « mauvais Camerounais » devient ainsi une barrière à l’entrée du le territoire camerounais qu’est son ambassade en France. C’est donc le système d’exclusion qui frappe plusieurs à l’intérieur du pays qui se reproduit dans son prolongement extérieur via des ambassades devenues expertes en contrôle partisans parce que prises dans la nasse de la curialisation des rapports sociaux entre le pouvoir de Yaoundé et la société camerounaise. Lorsqu’on va applaudir Biya ou qu’on le caresse dans le sens du poil parcequ’on a reçu cinquante euros alors qu’on est contre sa politique, cela s’appelle de l’opportunisme tout simplement en reniant ses convictions : c’est la plus grande pauvreté car liée à une clochardisation morale induite par le Renouveau.
Et que dites-vous de ces camerounais du pouvoir ou pas qui disent que la diaspora politiquement opposée à Biya n’aime pas son pays ?
Si aimer son pays c’est dire que Biya est un démocrate alors qu’il torture la Constitution, ordonne des tirs à balles réelles sur les populations et refuse une commission électorale indépendante, alors cette diaspora n’aime pas le Cameroun.
Si aimer le Cameroun c’est dire que le pays va bien alors qu’il est PPTE, que le chômage de masse frappe, que les populations n’ont ni eau, ni électricité, alors cette diaspora n’aime pas le Cameroun ?
Si aimer son pays c’est croire aux grandes réalisations et aux poses des premières pierres après trente ans de pouvoir sans dernières pierres, alors cette diaspora n’aime pas le Cameroun.
Si aimer le Cameroun c’est penser que l’opération Epervier ne traite pas des résultats du régime lui-même en recyclant ses propres déchets politiques pour renaître, alors cette diaspora n’aime pas le Cameroun. Je peux continuer une telle énumération jusqu’à demain.
Pourquoi avez-vous quitté la Présidence de la Fondation Moumié alors que ce rôle vous allait si bien ?
J’ai aussi des raisons personnelles qui m’ont motivé à passer la main à quelqu’un d’autre afin de continuer. Ce qui est important ici est moins le spectre de mes motivations personnelles que les convictions intimes qui rendent capables de laisser la tête d’une organisation en milieu de mandat. Pour laisser la main à quelqu’un d’autre, et c’est mon cas, il faut être capable d’humilité en se considérant, non comme la fin d’un combat, mais comme un moyen, comme un instrument à un moment donné dudit combat. Pour passer la main, il faut s’inscrire dans une dynamique dont le but est moins de mourir-là que de permettre à la structure que l’on dirige d’acquérir une dynamique autonome afin qu’elle soit capable de continuer sans vous. Dans ma conception de la vie associative, le rôle des leaders est de rendre pérennes les institutions qu’ils dirigent et non d’installer une personnification sclérosante et handicapante. J’estime avoir fait ce que j’ai pu pour que la Fondation Moumié devienne pérenne. D’autres vont continuer le travail avec d’autres idées, d’autres énergies et d’autres façons de travailler. J’ai aussi voulu retrouver mon statut de personnalité indépendante plus en cohérence avec ma posture d’universitaire et de citoyen engagé avec sa liberté de poser son regard critique sur tout ce qu’il veut soumettre au crible de la critique scientifique. C’est pour cette raison que je n’ai aucune carte d’un parti politique et que je n’en ai jamais eu car je ne suis pas un homme de parti politique. Je suis quelqu’un qui réfléchit sur les choses et le monde loin des positions dogmatiques.
Cette question du passage de témoin montre aussi
une autre faiblesse de la diaspora camerounaise au sein de laquelle il
faut se demander pourquoi rien ne bouge à la tête des associations.
C’est une autre faiblesse qui rappelle ce qui se passe au Cameroun,
c'est-à-dire l’ivresse du pouvoir à la tête du pays et des partis
politiques dits d’opposition. Nous critiquons Biya qui ne laisse pas la
place mais aucune association de la diaspora, en dehors de la Fondation
Moumié, ne change de leader car plusieurs de ceux qui les dirigent sont
dans la logique de Paul Biya et de son opposition où rien ne bouge à la
tête de partis et du pays. La diaspora camerounaise doit éviter le
syndrome du chef éternel et de l’homme fort car l’Afrique et le Cameroun
en souffrent beaucoup depuis des années.