Si voler est un acte banal qui se vit dans la rue, les magasins et autres places marchandes, ce geste, lorsqu’il s’agit d’un bébé dans un hôpital hautement sécurisé, pose problème.Aussi, se rend-on compte, au fur et à mesure que le temps passe, que ce phénomène s’est solidement enraciné dans les formations hospitalières du Cameroun. Les raisons sont diverses : les mères stériles qui veulent à tout prix en avoir, les couples homosexuels qui butent devant les difficultés d’adoption en Europe et les réseaux maffieux et satanistes, qui sacrifient l’innocence pour fructifier leurs affaires, accéder à des positions de pouvoir et d’influence. Sans oublier ceux qui exploitent des organes humains à des fins commerciales.
1- Les faits.Le couple Jonas et Hélène Tchoumi, résidant dans la ville de Douala, n’oubliera pas février 2012.
En l’espace de deux semaines, il a vu son destin se chambouler sans pouvoir en contrôler le mouvement. Tout commence le 07 février lorsqu’Hélène Tchoumi décide de conduire son nourrisson, à peine âgé d’un mois, à l’hôpital de la Cité des palmiers pour des examens. Cette phase achevée, elle se rend à Ndokoti où elle doit rejoindre son mari. «Je me suis assise à un call box pour l’appeler, et c’est là que j’ai trouvé une dame à l’allure avenante», se souvient-elle. Face à la foule des personnes attendant leur tour pour appeler, la femme assise propose son téléphone portable à Hélène. Gênée, elle confie son bébé à la bienfaitrice, le temps de passer son coup de fil.
«A la fin, elle m’a proposé de prendre un pot. Ce que j’ai aussitôt accepté, vu que j’attendais mon mari. Elle portait toujours mon bébé, et le trouvait très beau lorsqu’on m’a rappelé du call box pour m’apprendre que j’avais oublié le carnet d’hôpital du bébé», relate-telle. Sans la moindre méfiance, elle retourne donc sur ses pas. Lorsqu’elle revient, l’inconnue a fondu dans la nature avec le bébé en abandonnant son téléphone portable sur la table.
Après deux semaines de recherches infructueuses, le couple se résout à étaler son problème dans les médias. Deux jours après le passage à l’émission «Regard social», diffusée sur Equinoxe TV le 21 février 2012, la brigade de gendarmerie de Pouma, alertée par une source qui a accepté de coopérer dans la recherche de la voleuse, se saisit du dossier. S’ensuivra une chasse à l’homme de deux jours dans cette zone. Les gendarmes mettent la main sur la petite Thérèse Diane Mouli Nguetti, le bébé d’Hélène et de Jonas Tchoumi, née le 09 décembre 2011 à l’hôpital du district de la Cité des palmiers. Une action rendue possible grâce à l’exploitation du téléphone portable abandonné par dame Ngi Nsohi Momasop.
La voleuse passera aux aveux complets, dans les
locaux de la légion de gendarmerie du Littoral. «C’est moi qui ai volé
le bébé, avoue-t-elle face aux journalistes. A 18 ans, j’ai eu un enfant
qui est décédé trois mois plus tard. Depuis cette période jusqu’au
moment où je vole le bébé, j’étais sans enfant. On m’a dit que c’était
un sort qu’on m’avait jeté.»
Les leaders de la société civile et les gendarmes détiennent une toute
autre version de l’affaire. «On a découvert qu’elle a volé le bébé pour
un client en Europe, mais comme l’enfant n’avait pas encore d’acte de
naissance afin de lui établir un passeport et un visa, elle n’a pas eu
le temps de l’exfiltrer plus tôt», révèle Madeleine Afite, présidente
d’une association de défense des droits de l’homme ayant étroitement
travaillé avec les forces de l’ordre lors des recherches.
Pendant que l’enfant est en captivité mais aussi les jours qui suivront sa récupération par les forces de l’ordre, des individus téléphonent régulièrement pour décourager le père dans sa recherche de la manifestation de la vérité : «Tous les soirs, ils m’appelaient pour me dire de laisser tomber cette affaire, qu’on pouvait s’arranger, que j’allais avoir beaucoup d’argent. Mais je n’ai jamais cédé à tout ça.» Madeleine Afite le soutiendra dans sa détermination : «Quand il est venu me voir avec cette histoire, je lui ai dit que son enfant était plus important que tout ce qu’on lui proposait, et qu’il n’avait pas à marchander son enfant avec des personnes sans foi ni loi.»
Comme la petite Diane Thérèse, un autre bébé volé à une famille de Yaoundé fut rattrapé à l’aéroport de Nsimalen, le 24 février dernier, par des éléments du commissariat central n°1. Les ravisseurs, apprend-on de source policière, un couple de Camerounais, avaient déjà trouvé des clients en Europe pour le nourrisson. «Les bébés sont vendus entre 15 et 20 millions de Fcfa aux couples en Europe, souligne Madeleine Afite, pour combler le besoin en enfants des couples stériles d’Africains ou même d’Européens.»
Le phénomène des vols de bébés au Cameroun, qui a pris de l’ampleur en l’espace de quelques mois, a permis de mesurer l’ampleur de ce trafic criminel dans le pays. «Ce n’est pas un fait nouveau au Cameroun, explique Moïse Nyemb, commissaire de police retraité ayant travaillé au service de recherche et de diffusion d’Interpol. Les enfants ont toujours disparu, été volés. Et la direction que prennent ces innocents est connue de tous au sommet de l’Etat : ce sont des bébés qu’on vend à l’étranger à des familles, à des réseaux de trafics divers, à des maisons closes et même à des sectes satanistes qui font des sacrifices de bébés pour leurs rituels.»
Une illustration est faite ici avec Henriette N. (nom d’emprunt), qui vit à Douala et a requis l’anonymat. «En 1998, j’étais enceinte et ma belle-famille m’a demandé d’aller accoucher à Yaoundé. Rendue là-bas, j’ai donné la vie et ils ont pris l’enfant. Ils m’ont remis une somme de 400.000 Fcfa en m’expliquant que le bébé avait été vendu à quelqu’un en Europe. Mon fiancé était là, et il n’a rien dit. J’ai compris que c’était une décision familiale qui me dépassait et je suis rentrée à Douala sans mon enfant.» Madeleine Afite raconte également l’histoire d’un prêtre catholique de l’archidiocèse de Douala, qui fit enlever deux enfants dans cette ville pour les vendre à Lyon, en France : «Le jour du baptême de ces enfants, une photo fut prise et, lorsque les acheteurs se rendirent compte qu’ils étaient suivis, ils quittèrent la région jusqu’aujourd’hui.»
Un autre père de famille, qui a requis l’anonymat parce que craignant pour sa vie et celle de sa famille, vit au quartier PK 14 à Douala et a vécu la disparition de son enfant. Il tombe sur les ravisseurs après de longs mois de recherche, mais est contraint de battre en retraite parce qu’il perçoit l’ombre d’hommes puissants derrière ce rapt. «Quand j’ai découvert la trace de mon enfant, raconte-t-il, ils m’ont imposé le silence si je voulait le revoir. Je devais me taire, sinon ils allaient simuler un vol et mon fils allait être tué comme un vulgaire voleur, victime de la justice populaire.» Il se résigne donc, et attend jusqu’à ce qu’un jour, son enfant revienne à la maison.» A l’en croire, les commanditaires du rapt de son enfant occupent encore des positions influentes dans les sphères du pouvoir. Ils sont à l’affût de la moindre fausse note pour le châtier, ainsi que son enfant qui a aujourd’hui dépassé la quarantaine. «Ils voulaient vendre mon enfant à des sectes satanistes, mais ma perspicacité les a fait reculer», analyse le père de famille.
D’après Moïse Nyemb, qui a également travaillé aux renseignements généraux, les enfants volés au Cameroun sont vendus à des couples homosexuels, en Europe, et alimentent d’autres trafics. Malgré la perspicacité des forces de l’ordre, plusieurs entraves aux investigations viennent doucher l’enthousiasme. «La police est très informée, mais a les mains liées. Les policiers tombent sur ce type de trafic, mais subissent des pressions de la part de chefs qui demandent parfois de laisser tomber l’affaire, ou de relaxer les suspect; dans le meilleur des cas. S’ils s’obstinent, on leur retire l’enquête et ils sont potentiellement en danger s’ils ouvrent la bouche ou, pire, on les efface», explique Moïse Nyemb.
Selon lui, dans les hôpitaux, ce trafic est tellement fort que même les serviettes utilisées les femmes à l’accouchement sont également prisées sur le marché des trafiquants : «Il y a un commerce physique et un commerce spirituel des enfants. Mais ce sont des choses difficiles à montrer et à expliquer à des esprits qui ne sont pas initiés à la compréhension de ces choses. Mais elles existent bel et bien.» D’après Moïse Nyemb, «les bébés sont innocents et leur sang est très prisé par ceux qui fréquentent les cercles ésotériques. Et puis, il faut savoir que les orphelinats sont aussi des lieux d’approvisionnement massif pour les trafiquants. Si on dénombre les enfants qui rentrent dans ces structures, on fera face au problème de traçabilité plus tard parce qu’on ne sait où ils vont ni ce qu’ils deviennent, plus tard.»
Les ramifications du phénomène s’étendent à des
endroits insoupçonnés. En dehors des sphères du pouvoir, que cite Moïse
Nyemb, il y a également les représentations diplomatiques, considérées
comme des plaques tournantes de ce trafic. «Lorsqu’un enfant est volé
dans un domicile ou un hôpital, soutient Madeleine Afite, c’est à
l’ambassade qu’on lui délivre les papiers sans le moindre retard. Dans
mes recherches, j’ai découvert que les acquéreurs, qui sont en Europe,
ont de solides appuis dans ces ambassades.» Et de relater la scabreuse
histoire d’une dame n’ayant pas les moyens de payer sa facture
d’hôpital, et qui a vu son bébé confisqué dans une maternité de Douala.
«Quand elle est revenue avec l’argent, on lui a simplement dit que son
bébé avait disparu. Après enquêtes, on a découvert qu’il y avait une
famille en attente en Europe qui a sauté sur l’occasion.»
Les chiffres du trafic des bébés et des enfants volés aux familles
camerounaises ne sont pas officiels. «Le réseau est bien huilé et
suffisamment intelligent pour donner ces chiffres ; ils ne sont pas fous
de les communiquer», indique M. Nyemb qui indique que les statistiques
sur ce trafic peuvent donner froid dans le dos, tant elles sont élevées.
D’après les sources policières, 94 enfants ont été volés dans les
hôpitaux au cours de l’année 2011. Un chiffre démenti par le ministre de
la Santé publique, André Mama Fouda, qui parle de 4 et indique que les
hôpitaux camerounais sont très sécurisés. D’après le policier, 1 fois
sur 10, un enfant est placé dans une famille. «Le reste des fois, ils
servent les intérêts des satanistes.»
2-Les gens: Sébastien Eya’a et Darlyse Nkolo sééparés de leur bébé par un médecin
Ce couple, qui se dit traqué aujourd’hui, partage son quotidien entre la peur, la détresse et les auditions dans les commissariats. «Depuis que cette histoire a commencé, on n’a jamais dormi deux jours de suite au même endroit», commence Sébastien Eya’a Meba’a, père d’un bébé disparu au Centre médico-social encore appelé «hôpital de la Caisse» à Yaoundé. Darlyse Nkolo, sa compagne, y avait été admise autour du 3 février 2012. Elle va accoucher le lendemain, mais le sexe du bébé ne lui sera pas communiqué. «J’ai demandé à voir mon bébé, se souvient-elle, l’infirmière m’a dit que je ne le pouvais pas tout de suite mais plutôt le lendemain.»
Ledit 5 février, après avoir longuement insisté, les infirmières lui apprennent enfin qu’elle peut aller voir le fruit de ses entrailles en pavillon de néonatologie. Elle se rend dans cette salle, où elle rencontre un pédiatre qui se montre intrigué par sa présence en ces lieux. «Il m’a demandé ce que je faisais là, ce que je voulais et qui j’étais. Quand j’ai décliné mon identité, il m’a demandé d’aller voir dans les berceaux si mon bébé s’y trouvait, avec à son poignet le nom de la mère, Nkolo.» Elle s’exécute, fait enfin la connaissance du nourrisson avec qui elle blague un peu, constatant qu’il avait tout pris de son père. Mais, à peine avait-elle pris son bébé dans ses bras que le même médecin vient le lui arracher, indiquant que ce n’était pas le sien qui, lui, se trouvait dans une autre salle. «Je n’ai rein compris, alors qu’il portait effectivement mon nom à son poignet.»
Elle se met donc à la recherche de son bébé qui, d’après les informations fournies par les infirmières, une heure après l’accouchement, est de sexe masculin. En vain. Les choses s’accélèrent dès le lendemain, le 6 février 2012. L’hôpital lui demande de partir. Face à son obstination, la direction de l’hôpital insiste et met sa menace à exécution le 7 à 18h. Beaucoup d’autres événements vont se produire dans l’espace : «Mon carnet d’hôpital sera trafiqué, mon lit sera changé et on va même me demander d’aller chercher des couches pour mon bébé. Plus tard, le pédiatre viendra m’informer que mon bébé va bien et que nous quitterons l’hôpital bientôt.»
Darlyse Nkolo est expulsée, mais fait de la résistance jusqu’à 2h du matin, le lendemain. «Les gens de l’hôpital nous ont pris pour des voleurs de bébé, des imposteurs. Le directeur de l’hôpital a même dit que je n’ai jamais accouché dans cet hôpital.»
Sur insistance de sa mère, l’infortunée se résout à
rentrer à la maison. Le 10 février, le directeur de l’hôpital de la
Caisse prend contact avec un journaliste, à qui il indique que le bébé Nkolo se trouve à la morgue de son hôpital.
L’homme de média contacte à son tour l’avocat du couple et lui
communique cette information. «Nous sommes partis à la morgue, on a
refusé de nous remettre le corps du bébé qu’on dit être le nôtre. Ce qui
fait qu’à ce jour, on n’a jamais vu ce bébé. Et on n’en sait rien sur
son sexe parce que le nôtre, c’est un garçon», indique Sébastien Eya’a
Meba’a. Du côté de la direction de l’hôpital, c’est le mutisme total.
Aucune réponse aux questions de journalistes, aucune explication
officielle non plus.
Depuis ce temps, le père indique avoir été agressé à Mimboman, le 27
février au soir alors qu’il rentrait de l’église. L’enquête, ouverte par
la police judiciaire, a permis une confrontation à laquelle aucun
responsable de l’hôpital n’a assisté en dehors des 20 infirmières qui
ont accouru. «On en a reconnu 4, indique e père, et elles ont toutes
déclaré aux enquêteurs qu’elles nous avaient reçu. Mais les policiers
nous ont menacé, ne voulant même pas nous écouter.»
Le couple malheureux vit aujourd’hui traqué, et doit régulièrement changer de maison. Il n’a plus confiance à la police ni aux autorités, qui se bouchent les oreilles face à leur détresse. Les traits tirés, fatigués de changer d’asile, ils se méfient de tout. Mais Sébastien et Darlyse s’en sont remis à l’enquête de la gendarmerie, dont les conclusions restent attendues. Et ils promettent d’organiser un sit-in devant l’hôpital, si celles-ci ne satisfont pas leurs attentes.
3-Décryptage: Claude Abe "Il est dangereux d’accoucher dans un hôpital"
Le sociologue décrypte le phénomène du vol des bébés et préconise quelques remèdes pour son éradication.
Qu’est-ce qui peut justifier, selon vous, la disparition des bébés qu’on vit ces derniers temps dans les familles et les hôpitaux ?
Il faut dire que c’est un phénomène qui est lié à la modernité
insécurisée que nous vivons aujourd’hui. On peut mobiliser un certain
nombre de facteurs et de motivations, qui rendent compte de la survenue
de ces vols de bébé. D’un côté, on a ceux qui le font pour alimenter un
certain nombre de ménages qui éprouvent des difficultés d’adoption parce
que, comme vous le savez, la question de l’adoption n’est pas un
élément fort dans la culture de chez nous. Du coup, certaines personnes,
voyant ces difficultés à adopter, préfèrent informaliser leur démarche
en s’accaparant illicitement des enfants.
Il faut lier aussi ce problème à un certain nombre de pratiques qui
existent dans les cercles ésotériques. Par exemple, on parle du repas du
Graal dans certaines structures sectaires où des éléments de l’anatomie
des bébés sont très prisés, pour des rites initiatiques. Il faut
également y voir le fait que c’est une situation qui rejoint deux autres
phénomènes : celui du trafic des êtres humains et celui de la vente des
ossements et des organes humains, qui sont très connus dans notre pays.
On a donc affaire à un ensemble d’entrepreneurs qui ont trouvé pour
fonds de commerce le trafic des bébés ; ce qui nous met en face du
défaut de respect et de considération de l’humaine condition. Ce qui
fait qu’aujourd’hui, tout est relatif, permis, possible. On pourrait
dire ici qu’on est même dans logique d’interdire d’interdire d’attaquer
l’humaine condition.
Cette situation ne crée-t-elle pas un déficit de crédibilité des hôpitaux ?
Il est clair qu’il y a un déficit de confiance en nos hôpitaux. Il y a fort à parier que les matrones vont avoir du travail, de nos jours. C’est-à-dire qu’on va se retrouver avec les bonnes vieilles méthodes parce que ça devient dangereux aujourd’hui d’accoucher dans un hôpital. Il en est du cas Vanessa Tchatchou comme de celui de l’hôpital de la Cnps. Du coup, il est fort à parier que les hôpitaux, puisqu’il s’agit d’un ensemble de circuits, de réseaux dans lesquels ils contribuent et participent, que les couples évitent de se retrouver dans les formations hospitalières. Ce qui est dommage parce que, en réalité, dans les hôpitaux, le plateau technique permet qu’on puisse réaliser un accouchement sans un certain nombre de risques. Il y a lieu de penser, à partir de ce moment-là, que l’hôpital étant devenu un lieu dangereux, marqué négativement au niveau de la société comme étant un espace où prospèrent des trafics de bébés, le déficit de confiance produise une peur de l’hôpital.
Aujourd’hui, un doigt accusateur est pointé du côté des orphelinats qu’on présente, aussi, comme des lieux d’approvisionnement des voleurs de bébés, tant la traçabilité des orphelins est difficile à remonter…
Je ne voudrais pas, d’entrée de jeu, dire que les orphelinats soient un maillon de la chaîne de ce trafic qui se joue autour des bébés et des enfants. Mais il faut relever, aujourd’hui, qu’il y a un certain nombre d’acteurs qui instrumentalisent les structures d’encadrement des orphelins et qui les utilisent comme des paravents derrière lesquels prospère un autre type d’activités. Cela interpelle les pouvoirs publics parce que, aujourd’hui, il faut constituer un certain nombre de brigades d’inspection qui surveillent et contrôlent l’activité des orphelinats. Lorsque les enfants sont placés dans les orphelinats, très souvent, on ne s’y intéresse plus. On les a laissés à ces endroits et, plus tard, on ne revient pas faire une évaluation pour savoir ce qu’ils ont devenus, où ils sont partis et ce qu’ils font. Ce laisser-aller dans la gestion des orphelinats, et derrière l’articulation de l’idée de solidarité et de charité, fait qu’on voit prospérer des réseaux qui alimentent le trafic des enfants.
Y a-t-il un moyen de circonscrire ce phénomène, au regard de son évolution et de la puissance des réseaux de trafic ?
De nombreux moyens existent pour le circonscrire. Il me semble que le ministère des Affaires sociales et celui de la Promotion de la famille, sont suffisamment outillés en termes de personnels pour protéger la famille et les nourrissons. Mais la manière dont les choses se déroulent, dans ces ministères, ne permet pas qu’ils produisent un travail qui protège la famille. Il faut constituer des brigades d’inspection mobiles qui travailleraient à l’intérieur des orphelinats et des hôpitaux parce que, aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a un besoin de resocialiser nos hôpitaux qui sont devenus des structures asociales, participant à la destruction de vies humaines.
Cela peut-il faire reculer les réseaux ?
Je pense que ça peut les faire reculer, parce que l’impunité nourrit un certain nombre de comportements qui n’ont rien à voir avec ceux auxquels on devrait s’attendre. Il faut aussi dire qu’un certain nombre de réseaux maffieux, qui alimentent ce trafic, existent au Cameroun. Il est donc intéressant d’entreprendre une investigation, qui ne se limite pas à une simple enquête policière, pour comprendre quels sont les tenants et les aboutissants et éradiquer le phénomène. Il faut également sensibiliser la société, pour que, lorsqu’on a vu un individu qui trimballe un bébé alors qu’on a jamais vu sa femme enceinte, que des gens soient à mesure de toucher les autorités compétentes. Et puis il y a le fait que, derrière, un ensemble de mains est tapi qui organise un complot contre la famille et les catégories vulnérables au Cameroun.