BARRAGE DE POLICE ET "PÉAGE" AU CAMEROUN
Ce n'est plus un secret. Même les profanes les plus célèbres le savent. Si c'était encore un secret, ce serait sans doute celui d’un polichinelle. Au milieu de la nuit noire, on l'aperçoit. Les labyrinthes les plus obscurs et les ténèbres les plus effrayants ne peuvent le dissimuler. Alors, de quoi s'agit-il exactement? Levons donc le voile sur un phénomène qui, jadis épiphénomène, s'est érigé en archétype de la société camerounaise; une société où le vice est devenu vertueux, où les contre-modèles ont remplacé les modèles, sous le regard d'une équipe dirigeante elle-même "trempée" jusqu'au cou et conduisant un bateau quasiment à la dérive, et sous le regard d'un peuple complètement amorphe, toujours prêt à se dérober de son véritable destin en déclarant : "On va faire comment?"
Mon intention n'est pas d'informer les Camerounais sur un phénomène qu'ils connaissent par cœur, mais d'attirer de nouveau leur attention et celle de tout citoyen du monde sur cette bien triste réalité. En effet, tout Camerounais ancré dans les réalités du terroir sait désormais que la fusion et la confusion règnent entre "Barrage policier" et "Péage", au point où ces deux notions pourraient partager une même entrée au sein d'un Dictionnaire local des synonymes. Et pour cause, on a du mal à déterminer si les barrages de police sur les routes camerounaises ont pour but d'exercer un contrôle de routine selon les règles de la loi ou plutôt de collecter des fonds, d'extorquer de l'argent aux chauffeurs. Lorsqu'on parle de "péage" dans une société "normale", nous savons tous qu'il s'agit d'une station où chaque conducteur doit payer les droits de passage. Au Cameroun, cela s'élève à 500 FCFA.
De même, lorsqu'on parle de "barrage de police" dans un pays "normal", il s'agit d'un barrage où les policiers ou gendarmes sont appelés à exercer un contrôle sérieux sur les pièces des véhicules, celles des chauffeurs, voire des passagers à bord pour ce qui est des véhicules de transport en commun, etc. Mais dans un pays comme le Cameroun où l'anormalité s'est substituée à la normalité au point de devenir elle-même une norme, ceux qu'on appelle vulgairement "forces de l'ordre" ont tôt fait de semer le désordre en transformant les barrages policiers en station de péage, sans doute sous l'impulsion et avec la bénédiction d'hommes de l'ombre haut placés qui en tirent des bénéfices on ne peut plus juteux.
Policiers ou gendarmes d'un côté, chauffeurs de
l'autre, sont devenus les complices de cette arnaque organisée, les
seconds étant des victimes consentantes. On se fait des tapes sur les
épaules, le dos ou la fesse; le tout accompagné de paroles sans
consistance, d'un sourire narquois ou d'un rire de stentor. Quelle
connivence! Le bourreau et la victime sont tombés amoureux. La tenue du
gendarme n'est désormais qu'un masque qui cache le véritable visage de
l'individu qui l'arbore et qui le différencie des autres usagers. Et
puis, plus rien. Si vous voulez, dans votre avenir au Cameroun, exercer
le métier de collectionneur frauduleux de pièces ou de billets de 500
FCFA, inutile de trop vous torturer le cerveau; devenez juste policier
ou gendarme. Votre avenir sera radieux. Cela vous fait rire, n'est-ce
pas? Essayez et vous verrez.
Désormais, dans les Ecoles de formations des policiers et gendarmes
camerounais, l'apprentissage du métalangage par les futurs
récipiendaires leur permet juste de valider leurs Unités d'Enseignement
afin d'obtenir un diplôme de fin de formation. Car je ne vois pas
pourquoi un futur lauréat se casserait la tête à assimiler un
métalangage qui ne lui servirait peut-être à rien dans la vie
professionnelle, sauf pour la connaissance de son domaine de compétence.
Puisque une fois sur le terrain, l'extorsion de 500 FCFA à chaque
chauffeur suffit pour banaliser tout l'apprentissage reçu au cours de la
formation. C'est vraiment un autre visage du Cameroun à l'envers. En
attendant, on observe et on répète tous ensemble: "On va faire comment?"
C'est vraiment pathétique pour un peuple au bord du gouffre, qui est
miné par tellement de maux qu'une journée entière ne suffirait pas à les
énumérer.
Des agents publics, policiers de surcroît, dont la mission est de mettre de l'ordre se sont transformés en fauteurs de trouble sans foi ni loi du jour au lendemain, en escrocs exerçant "sous le soleil", se remplissant purement et simplement les poches, jouant avec la sécurité de tous les citoyens camerounais. Le pire est qu'ils ne sont pas inquiétés. Pourtant, les textes qui régissent leur métier sont sans équivoque. Seulement que dans la pratique, c'est tout le contraire. Dès lors, on comprend que la bénédiction dont ils sont récipiendaires viendrait des sommets insoupçonnés. Entre-temps, tous les Camerounais – spectateurs passifs et anesthésiés sans doute - attendent que quelque chose se passe, comme si on était au cinéma. "On va faire comment?", répétez tous après moi... Etc. Etc.