Baisse de la note de la dette française : quel impact sur l’économie camerounaise ?

Baisse de la note de la dette française : quel impact sur l’économie camerounaise ?

Cameroun - Baisse de la note de la dette française : quel impact sur l’économie camerounaise ?La contraction de l’activité économique qui peut s’en suivre en France pourrait faire diminuer le volume des échanges commerciaux avec le Cameroun.

Ce qui arrive à la France au plan financier et économique ne saurait laisser les Camerounais indifférents. Parce que pour le Cameroun,  la France n’est pas n’importe quel pays. C’est en effet le  premier partenaire bilatéral du Cameroun, son premier fournisseur et son deuxième client, à la lumière de la structure des échanges commerciaux entre les deux pays. On comprend dès lors pourquoi, vendredi dernier, lorsque l’agence de notation financière Standard and Poor’s rétrograde la France de la note AAA à AA+, avec une perspective négative à long terme, on peut imaginer que ce n’est pas la grande sérénité dans les milieux d’affaires au Cameroun.

En termes simples, pour les non initiés, lorsque sa note financière était estampillée AAA, la France empruntait de l’argent à moindre coût sur les marchés de la dette. Ce qui vient de se passer n’est donc pas une bonne chose car la prime de risque qui va lui être demandée pour lui prêter désormais de l’argent sera plus élevée. Autrement dit, les marchés obligeront l’Etat français à payer plus cher l’argent dont le pays a besoin.

Un peu comme si on demande à un malade de porter un fardeau plus lourd. On pourrait donc assister à une envolée de la charge de la dette. Selon les confrères du journal Les Echos, une hausse des taux d'intérêt de 1 point coûterait immédiatement à la France deux milliards et près de 15 milliards d’euros à long terme. Les investisseurs étant déjà informés des risques qu’ils prennent en prêtant de l’argent à l’Etat français dont la signature est discréditée. Si la France a donc du mal à emprunter, quelles peuvent en être les répercussions sur les économies de la zone franc en général et sur l’économie camerounaise en particulier. Nous avons rencontré le Pr Roger Tsafack Nanfosso à ce sujet.

« Une baisse des commandes pourrait affecter nos entreprises »

Les explications du Pr Roger Tsafack Nanfosso, économiste, enseignant à l’Université de Yaoundé II.

Comment réagissez-vous à la dégradation de la note souveraine de la France vendredi dernier par l’Agence de notation Standard and Poor’s ?

Cette baisse de la note de la France est un coup dur. La dégradation de sa note par Standard and Poor’s  signifie une détérioration du crédit que la France avait jusque-là sur les marchés financiers et donc, sa capacité à emprunter de l’argent sur ces marchés à des taux modérés, voire faibles. A partir du moment où il y a une dégradation de la crédibilité de la France, on peut s’attendre sur les marchés financiers à un accroissement des taux d’intérêt qui seront servis pour tout emprunt venant de ce pays. Toutes les institutions françaises vont subir les contrecoups de cette dégradation. Il y aura une difficulté nouvelle à emprunter.

La France est un important partenaire pour les pays africains de la zone franc comme le Cameroun. La dégradation de sa note pourrait-elle avoir un impact sur nos économies ?

Pour l’instant, cette dégradation ne nous concerne pas directement. Mais, on pourrait ressentir des conséquences indirectes. Nous serions concernés si la détérioration du crédit de la France sur les marchés financiers  conduisait à un renchérissement effectif des emprunts français sur ces marchés.

Pourquoi ?

Parce que si la France et les institutions françaises ont désormais du mal à emprunter, il y a des chances qu’on observe un rétrécissement de l’activité économique en France. S’il y a un rétrécissement de l’activité économique en France, il y a de fortes chances que les échanges commerciaux entre la France et les pays de la zone franc, de la zone CEMAC, donc du Cameroun, soient affectés.

Pour un pays comme le Cameroun, il faut savoir que la France est son premier partenaire bilatéral. C’est notre premier fournisseur et c’est notre deuxième client. Les statistiques du commerce extérieur du Cameroun montrent qu’avec la France en particulier, nous avons un déficit commercial. Ce déficit commercial s’établit autour de 240 ou 242 milliards de F CFA. Ce signifie que si d’aventure il y avait un rétrécissement de l’activité économique en France, les entreprises françaises qui commercent avec le Cameroun, si elles étaient impactées, leur capacité à acheter les produits camerounais serait affaiblie, et si cette capacité est affaiblie, les moyens financiers qu’on peut tirer de ce pays-là vont diminuer. L’activité économique dans nos entreprises pourrait être touchée. On pourrait alors avoir une baisse de leurs activités en termes d’exportations du fait de la diminution des commandes. On pourrait donc avoir des problèmes de salaires et d’emplois dans ces entreprises-là. En réalité, on peut craindre que les conséquences affectent l’économie réelle chez nous.

Faut-il donc être pessimiste ?

Non, je ne serai pas pessimiste pour l’instant, pour au moins deux raisons. La première raison est que selon l’expérience américaine, la note des Etats-Unis a été dégradée par la même agence de notations, mais les Etats-Unis ne se sont jamais aussi bien portés que depuis que leur note a été dégradée. Par exemple, il est beaucoup plus facile qu’avant pour les Américains depuis que leur note a été dégradée d’emprunter sur les places financières internationales, précisément parce que leur monnaie, le dollar, joue un rôle de valeur refuge pour le monde entier.

Mais, ce qui est vrai pour le dollar ne l’est pas pour l’euro….

Ce n’est pas le cas pour l’euro. C’est pour cela que nous devons suivre attentivement ce qui se passe en Europe pour savoir quels sont les secteurs qui pourraient être impactées. Et de ce point de vue, quand on regarde  nos échanges avec l’Union européenne, on se rend compte qu’ils concernent le pétrole le cacao, le café, le bois en général. Et nous importons les produits semi ouvrés, les intrants pour nos entreprises et industries. Cela signifie que si d’aventure, on avait un ralentissement de l’activité économique, le déficit dé 242 milliards dont j’ai parlé tantôt pourrait se creuser, et s’il se creuse, il y aura un problème dans la capacité de nos entreprises à réaliser un certain nombre d’ambitions quelles affichaient. 

Sur le plan monétaire, il y a une partie de nos réserves en devises logée au Compte d’opérations du Trésor français. La parité entre le F CFA et l’euro pourrait-elle être affectée ?

Je répète que pour l’instant, il n’y a rien à craindre de mon point de vue. Le Compte d’opérations est bien garni. Un pays comme le Cameroun a entre 1 400 et 1 500 milliards de F CFA de devises en réserve là-bas. Le potentiel français pour garantir la crédibilité du F CFA en zone CEMAC n’est pas entaché par la dégradation de sa note. La capacité de la France à assumer son rôle au sein de la zone franc n’est pas non plus  entachée par cette baisse. Ce qui me préoccuperait, c’est notre capacité à être attentif aux différents signaux qui seront émis par l’économie française dans les quatre, cinq ou six mois à venir, pour savoir quels sont les secteurs que nous devons surveiller de près car c’est le ralentissement de l’activité économique en France qui pose un problème à nos pays, c’est-à-dire la transmission des difficultés de la finance à l’économie réelle.

© Source : Cameroon Tribune


17/01/2012
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