Avion présidentiel - Réparation: Me Akéré Muna dévoile un mensonge d'Etat
Yaoundé, 04 Septembre 2013
© Dominique Mbassi | Repères
L'ancien bâtonnier reconnait enfin que l'Etat camerounais n'a pas perdu tous ses 31 millions de dollars dans le processus d'acquisition d'un avion présidentiel.
Me Akéré Tabeng Muna s'est donc résolu à rompre le mutisme qu'il s'était imposé sur l'affaire de l'avion présidentiel. Depuis le début de ce qu'il est convenu d'appeler affaire BBJ-2, l'ancien bâtonnier du barreau camerounais était jusqu'ici resté fermé comme une huitre, se dérobant à toute sollicitation visant à éclairer la lanterne de la Justice ou de l'opinion.
Au cours des enquêtes préliminaires ouvertes dès 2008 au siège de la police judiciaire sur l'acquisition avortée d'un avion pour les déplacements du Président camerounais, les enquêteurs de la sous-direction des enquêtes économiques et financières l'ont attendu en vain.
Cité par le Ministère public comme témoin-clé de l'accusation lors des procès Marafa et Atangana Mebara, l'ancien bâtonnier du barreau camerounais ne se présentera pas devant le prétoire. D'aucuns, pour justifier sa non-comparution, parlent de pressions exercées à un très-haut niveau de l'Etat pour le tenir loin de ces procès hyper médiatisés, qui tiennent l'opinion publique nationale et internationale en haleine. Son témoignage, précieux pour toutes les parties aux procès, aurait sans doute change l'issue des deux affaires.
S'il rechigne ainsi à honorer les rendez-vous avec la Justice de son pays, a fortiori Me Akéré Tabeng Muna ne réserve pas à la presse le moindre pan de son agenda pour le moins surchargé. Sollicite au moins à deux reprises, il a toujours poliment décliné la sollicitation de l'auteur de ces lignes soucieux de faire parler celui qui apparait comme la clé de l'affaire le témoin qui, peut-être mieux que la Justice, connait la vérité sur le BBJ-2.
Dans un texte signé de sa belle plume publié en juillet 2012 par le quotidien Le Jour, Me Akéré précise que c'est sur instructions du Chef de l'Etat, données successivement à deux Secrétaires généraux de la présidence de la République, qu'il a reçu mandat en 2005 pour gérer les procès de Camair contre Gia International aux Etats-Unis.
M. Atangana Mebara, au cours de son procès en 2011, corrobore: «Autant que je me sou¬vienne, c'est une note interne, adressée au Chef de l'Etat par les services du Secrétariat général, en l'occurrence la division des affaires judiciaires, qui a reçu l'approbation du Président de la République pour que le mandat soit confié à Me Akéré».
Le choix porté sur Me Akéré, explique l'ex-SG/PR, tient à ce qu’il «il présente l'avantage d'une bonne connaissance des lois et procédures anglo-saxonnes, et d'une expérience certaine de gestion de dossiers à l'international».
L'illustre avocat qui a hérité de la défense du Président camerounais dans l'affaire des biens mal acquis peut effectivement se targuer d'avoir «réussi à inscrire tardivement l'Etat du Cameroun comme créancier en plaidant le fait que ce dernier n'était pas au courant de la mise en faillite de la GIA International Ltd et constituait une entité complètement différente de la Camair».
Le conseil du Cameroun réussit là un véritable tour de passe-passe. Car, pour l'acquisition du BBJ-2, l'Etat camerounais n'a jamais entretenu une relation directe avec Gia, mais par un intermédiaire nommé Camair. En tout cas, son entrée dans la liquidation de Gia International permet au Cameroun de récupérer, outre le deposit de 4 millions de dollars versé à Boeing, un autre de 500 000 dollars à Jet Aviation pour les habillements intérieurs, 500 000 dollars versés à M. Assene Nkou par Gia et 2 millions de dollars versés par Gia à la Camair, un avion d'une valeur de 16 millions de dollars et 800 000 dollars en espèces. Soit au total 23,8 millions de dollars récupérés par l'Etat.
En échange, le Cameroun, par le truchement de cet Accord (à lire plus loin dans son intégralité) paraphé par ses avocats, s'interdit toute poursuite judiciaire ultérieure contre l'un quelconque des différents protagonistes de l'affaire. Ce qui fragilise la déclaration faite lundi devant la presse par Me Akéré selon laquelle M. Yves Michel Fotso, pour n'avoir pas travaillé pour l'Etat, n'était pas concerné par l'Accord. Une posture qui laisse songeur sur l'opportunité d'asséner ces, vérités aujourd'hui, et surtout à dose homéopathique.
Au-delà, le mutisme de Me Akéré a contribué à essaimer au sein de l'opinion que l'Etat avait déboursé 31 millions de dollars, et au finish n'avait ni argent ni avion. Une thèse très loin de la vérité mais d'autant plus répandue que M. Issa Tchiroma Bakary, le Ministre de la Communication autoproclamé porte-parole du gouvernement, aidé par quelques affidés, en était un fervent défenseur. Sans doute, comme le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance du Mfoundi, ils n'ignoraient pas que le BBJ-2 était prêt à être livré en 2002 (lire textes page de gauche).
De là à faire croire à l'opinion que les procès Marafa, Atangana Mebara, Fotso et autres, qui leur ont valu de lourdes peines d'emprisonnement, visaient à faire la lumière sur l'achat avorté d'un avion destiné à l'usage du Président, il y a loin de la coupe aux lèvres.