Avenir politique: Cavaye Yeguié Djibril en sursis

Yaoundé, 13 Mars 2013
© Omer Mbadi Otabela | Repères

En prenant l'initiative d'une candidature aux sénatoriales, le Président de l'Assemblée nationale force la main à M. Paul Biya obligé de clarifier ses choix plus tôt que prévu. Mais la manœuvre est loin de réussir.

Les observateurs scruteront avec un intérêt non dissimulé les travaux de la commission nationale d'investiture des candidatures du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Leur attention se portera vraisemblablement sur les présences ou absences à cette réunion du bureau politique, censées désigner les prétendants du parti aux charges de sénateur. Pour des raisons tenant plus à l'équité, l'entrée en compétition de MM. Cavaye Yeguié Djibril, Sali Dahirou, Thomas Tobbo Eyoum ou de Mme Delphine Medjo devrait les exclure de ce cénacle qui doit se tenir ce jour au plus tard, pour arrêter la liste définitive des candidats. Certains pourraient y voir une sorte d'exclusion de ces membres particulièrement le Président de l’Assemblée nationale qui mobilise l’attention depuis la manifestation de sa volonté de briguer un mandat de Sénateur.

C'est que M. Cavaye Yeguié Djibril a en quelque sorte remué les eaux d'un fleuve que l'on don¬nait pour tranquille. Mais surtout il révèle une ambition jusque-là bien dissimulée d'être le recours en cas de vacance du pouvoir. En effet, la mise en place du Sénat change l'équilibre des forces constitutionnelles, le Président de l'Assemblée nationale perdant la prééminence au bénéfice du Président de la haute chambre. Ce dernier est constitutionnellement la deuxième personnalité de l'Etat et le successeur en cas de vacance du pouvoir. Une fonction que Cavaye Yeguié croit dévolue à sa personne, et, que Paul Biya l'a laissée assumer pendant une vingtaine d'année.

En tout cas, personne ne peut penser qu’il y ait plus de confort à être Président du Sénat plutôt que celui de l’Assemblée nationale. Les avantages matérielles sont les mêmes, et même si protocolairement le Président du Sénat est un cran au dessus, sur le plan fonctionnel, l'Assemblée nationale gardera son rôle d'animatrice principale de l'activité législative.

La démarche du PAN peut donc être celle d'un collaborateur du Président alerte sur les changements et disponible à parer à toutes les éventualités, y compris celle qui amènerait Paul Biya à lui confier la présidence du Sénat. Ou celle d'un fils du Grand-Nord qui veut rester au centre du jeu de la transition pour veiller sur les intérêts des siens.

S'achemine-t-on vers une défiance entre les deux principaux personnages de l'Etat? A défaut d'évoquer une crise ouverte, la situation actuelle est à tout le moins, la marque la plus visible d'une divergence dans une relation de confiance réciproque qui résiste aux vicissitudes de la vie politique nationale depuis au moins deux décennies. Les apartés entre les deux hommes au salon VIP de l'aéroport international de Nsimalen ne sont que la manifestation ostentatoire de cette complicité jusque-là sans nuages.


NOUVEAU CYCLE POLITICO-INSTITUTIONNEL

Car, les occasions de s'entraider n'ont pas manqué. En domestiquant l'arène parlementaire dont une longue fréquentation lui a permis de maîtriser les arcanes, le «Très Honorable» a donné un sacré coup de main au chef de l'exécutif. Particulièrement lors des raccommodages constitutionnels de 1995 et 2008. Pour montrer son indéfectible soutien, Cavaye Yeguié Djibril prend ses distances avec le fameux mémorandum, sur les problèmes du Grand Nord, s'attaque de front à Marafa Hamidou Yaya en rupture de ban avec le système, dénonçant au passage «une tentative de prise en otage de l'opinion nationale».

Derrière cette outrecuidance de circonstance, M. Cavaye Yeguié Djibril, qui paraît en sursis, joue en fait son avenir politique. A 73 ans, le PAN redoute probablement la sélection des primaires en vue des législatives, cette épreuve s'avérant de plus en plus compliquée pour lui. Enfin, il n'est pas sourd au débat en cours dans sa région d'origine, sur le retour du poste de Premier Ministre dans le septentrion (voire Repères du février 2012). Une perspective qui rebattrait les cartes dans la distribution des hautes charges républicaines au terme des législatives et municipales de cette année, à la faveur d’un remaniement ministériel d’ampleur inaugurant un nouveau cycle politico-institutionnel.


14/03/2013
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