Avant le match du 14 avril : Biya mène par 30 sénateurs à zéro

Cameroun/Avant le match du 14 avril : Biya mène par 30 sénateurs à zéroL`opposition doit remonter 30 buts déjà inscrits par l`arbitre, avant même le coup d`envoi de la rencontre. Elle ne se contentera d`une simple participation pour qu`on ne lui colle pas l`étiquette de «trouble fête». Qui sont-ils, ces nains politiques qui vont mourir politiquement en participant à un tel match dépourvu de fair-play?

Aux électeurs illégitimes, Sénateurs illégitimes! C`est la maxime qui semble se dégager bien avant tout débat au fond dans la désormais affaire des sénatoriales qui fait convulser les esprits depuis la convocation du corps électoral, survenue comme un nouvel exploit de prestidigitateur. Ces élections, organisées même normalement supposent que 70 sénateurs seront élus, et Paul Biya aura le loisir d`utiliser son pouvoir discrétionnaire peur désigner 30 sénateurs supplémentaires à son goût.

A l`analyse, même si ces derniers sont issus de n`importe quel bord, il est évident qu`ils seront à jamais reconnaissants à l`endroit de leur bienfaiteur qu`ils n`oseront trahir pendant «des siècles et des siècles». C`est d`emblée un déséquilibre inqualifiable.

Et du coup, l`idée qu`on se faisait du Sénat se transforme en celle d`une seconde chambre d`enregistrement, alors que sa présence se justifiait non seulement par le souci d`éviter l`hégémonie parlementaire du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir, mais par l`objectif de rééquilibrage politique.

L`anecdote est que ce nouveau venu à l`hémicycle du plateau Atemengue sera dès le premier jour confronté à un problème crucial : celui de l`espace, quand on sait que depuis plusieurs années les députés sont à l`étroit au palais de l`Assemblée Nationale et qu’un nouveau palais annoncé n`a jamais été réalisé. C`est dire si nous sommes en plein dans l`improvisation qui caractérise le Renouveau; qu`est ce qui justifie d`ailleurs cette urgence subite?

Quelle valeur pour un Sénat choisit dans l`illégalité par des Conseillers municipaux qui ne tiennent plus que par des décrets et non par le mandat que le peuple leur a accordé? C`est la question la plus appropriée qui contredit toutes les tentatives de «masturbation intellectuelle» qu`on entend depuis quelque temps pour tenter de vaincre sans convaincre les esprits naïfs.

En procédant à ces élections sans les Conseillers régionaux qui constituent les autres membres du corps électoral, c`est déjà une entorse, même si la loi le prévoit. L`urgence d`un Sénat n`est pas supérieure à celle du Conseil Constitutionnel et autres qui devaient être mis en place, il y a 17 ans.

La situation actuelle est le produit de la mesquinerie, de l`entourloupe et du banditisme politique de ceux qui nous dirigent... Depuis quelques années déjà, dans ses discours, le Chef de I`Etat fait état de la mise en place de la décentralisation, des institutions prévues par la constitution, etc. Un beau jour, un décret a transformé les termes provinces en régions. Ceux qui ne connaissent pas bien l`homme, pensaient logiquement par cet acte à l`imminence de la mise en place du Conseil Régional.

La suite, est celle qu`on connait. Aujourd`hui, ils apprennent à leurs dépens qu`avec le Renouveau, contrairement à la Bible, «heureux sont ceux qui ne croient pas sans avoir vu». On a continué le jeu de massacre par la modification de la Constitution en 2008 qui prévoyait la possibilité d`élire les sénateurs sans les Conseillers régionaux.

En réalité, on pouvait encore tolérer que ces élections se fassent sans les Conseillers régionaux, mais élire les sénateurs par des Conseillers municipaux qui ne le sont plus que par décret est un péché mortel contre la démocratie, fût-elle «avancée» ou «apaisée», car en réalité, tout se fait dans le dos du peuple. Et quand on sait qu’un sénateur devrait être un homme respecté, reconnu par sa rectitude morale, un homme ayant réellement ces qualités devrait s`abstenir de participer à cette mascarade de peur d`être marqué à vie par le sobriquet d` «usurpateur mal élu». Bref de sénateur contrefait ou frelaté.

Les «versets sataniques» d`Issa Tchiroma

Alors qu`on se demandait encore comment Paul Biya concevait le fait de dialoguer avec les opposants pour n`en faire qu`à sa tête, le porte-parole du Gouvernement a effectue une sortie à la CRTV, la télévision du contribuable camerounais, pour scandaliser l`opinion avec des explications à la Machiavel.

Tout en relevant que le Sénat est une structure budgétivore, le Ministre de la Communication explique la tenue des sénatoriales cette année par la bonne santé économique du Cameroun. Seulement, la grande leçon, c`est les vraies raisons politiques de la convocation du corps électoral selon le Gouvernement auquel il appartient. Ainsi, on apprendra de Issa Tchiroma qu` «en politique, quand on a un avantage, il faut s’en servir (...). Lorsqu`on a un avantage on ne négocie avec personne (...). En politique on ne fait pas de cadeau. L`opposition n`accepte pas de faire de cadeau au Gouvernement, le Gouvernement non plus (...). L`opposition fait de la surenchère verbale, de la surenchère exorbitante...».

Loin d`être une définition, cette philosophie du Renouveau n`est autre qu`une mentalité savamment installée pour gouverner le Cameroun avec les cadeaux et les gâteaux. Traduction, Paul Biya, bien évidemment, en tant que distributeur, a le pouvoir de faire à sa guise, sans avoir peur d`une opposition qui n`est capable que de «surenchère verbale», et rien de plus. Puisqu`il a cet avantage, il «ne doit négocier avec personne», même pas avec la Constitution.

Point n`est besoin de faire un croquis pour enfin comprendre les pratiques tant décriées du Renouveau qui ne sont nullement l`œuvre du hasard ou de naïveté; même si de temps en temps on parle d`une main tendue... empoisonnée. On l`a vu avec la tripartite, la Constitution de 1996, la Commission Electorale Indépendante, ELECAM, les présentes sénatoriales, etc.

Comme dans un amphithéâtre, Issa Tchiroma Bakary a décodé la vision du Renouveau s`agissant du jeu politique : «La politique a une règle, mais cette règle n`est pas toujours écrite», a-t-il déclaré. Quelle est donc cette règle qui se démarque de la définition de la politique qui est l`art de gérer la chose publique. Quelle est donc cette politique si ce n`est la maîtrise de l`art de jongler avec les institutions?

Pour l`heure, on espère au moins que l`arrivée des sénateurs était au moins prévue dans la présente loi de finances puisqu`il s`agit bien d`un important chapitre de dépenses publiques.

© Ouest Littoral : Ponus


09/03/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres