Autoroute Yaoundé-Nsimalen:Une lettre incendiaire adressée à Paul Biya
Le 14 Août 2015, juste au moment où le Chef de l’Etat s’apprêtait à se rendre en séjour privé en Allemagne, Les familles installées sur la localité de Nsimalen Au lieu-dit « Ongol’Zock » posaient la doléance de l’indemnisation et de l’accaparement de leurs terres au Chef de l’Etat. Encore en Allemagne, le Chef de l’Etat Camerounais, d’après des sources revient en territoire camerounais dans quelques jours. Que va-t-il prendre comme décision ?
Au regard de la situation, le Préfet MBEMI NYAKNGA, Administrateur Civil Principal, aura certainement à faire dans les prochains jours. Son rôle longuement cité dans les retards constatés et les mauvaises évaluations du projet de construction de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen. Aujourd’hui, un journal dénommé « Sans Détour », l’accuserait même d’être fortement impliqué dans la corruption pour l’attribution des titres fonciers dans le département de la Mefou-et-Afamba.
En Exclusivité la lettre envoyée à Son Excellence Paul Biya
République du Cameroun.Région du Centre
Département de la Mefou-et-Afamba.Arrondissement de Mfou Chefferie de 3e Degré du Village Nsimalen-Aéroport. BP 123 Yaoundé-Cameroun
Les familles installées sur la localité de Nsimalen Au lieu-dit « Ongol’Zock »
A la haute attention de Son Excellence
Monsieur le Président de la République du Cameroun
Nsimalen, le 14 Août 2015
Objet : Problèmes soulevés par la mesure d’expropriation de 100 ha de terrains aux
populations du lieu-dit « Ongol’Zock » (Nsimalen), aux fins de recasement
des populations touchées par le projet de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen
Excellence, Monsieur le Président de la République
Nous, Chefs des familles installées au lieu-dit « Ongol’Zock », une localité de la chefferie de 3eme degré du village Nsimalen-Aéroport, dans l’arrondissement de Mfou, Département de la Mefou-et-Afamba, venons très respectueusement auprès de votre haute autorité, solliciter votre arbitrage au sujet des problèmes que soulève la mesure d’expropriation de 100 hectares de terrains à nos populations, aux fins de recasement des populations touchées par le projet de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen.
Nos populations formulent deux principales préoccupations face à cette mesure ; préoccupations qui subsistent malgré toutes les séances de travail que nous avons déjà eues avec les membres de la Commission de constat et d’évaluation.
Premièrement, la contenance superficielle de 100 hectares (soient plus des trois quarts de la totalité des terres du site d’ Ongol’Zock) place nos populations dans une sérieuse insécurité foncière, au point qu’il faille envisager leur recasement.
Deuxièmement, l’exécution de cette mesure d’expropriation par la Commission de constat et d’évaluation que préside M. le Préfet de la Mefou-et-Afamba est entachée de nombreuses irrégularités, au regard de la législation en vigueur qui encadre les mesures d’expropriation soit prise. « Ongol’Zock » (Enclos d’éléphants) est un site qu’occupe une partie du clan Mvog-Meye plus de deux siècles, étant parti, dans sa migration, de « Nlo Evoé » (Actuel site de l’Aéroport International de Yaoundé-Nsimalen), d’où a été déguerpi l’autre partie du clan. A ce jour, la localité d’ Ongol’Zock compte au moins 50 familles, pour une population estimée à plus de 350 âmes (Sources du recensement familial effectué en 2013). Avec la forte croissance démographique qui est ici visible, il faut s’attendre à une population de près de 1500 habitants dans les dix prochaines années (le taux d’accroissement annuel de la population au Cameroun est de 2,6%).
Visiblement enclavé, du fait de la concentration des populations aux abords de la route, ce site sert encore provisoirement de seul vivier agricole de toute cette population, et commence déjà d’ailleurs
à accueillir certaines familles qui se délocalisent de la grande agglomération. Cette délocalisation ne va pas tarder à s’accroitre au regard de la croissance démographique dont les prévisions viennent d’être précisées ci-dessus. C’est donc de manière provisoire que nos familles continuent de cultiver des champs dont les produits servent aussi bien pour la consommation domestique, que pour la commercialisation, favorisant ainsi la survie de nos économies domestiques, avec entre autres, la possibilité de scolariser nos enfants. Vous l’avez compris, le site qui nous sera pris est la mamelle nourricière de toutes les familles de ce village.
Par conséquent, en retirant brusquement 100 hectares, soient plus de deux tiers de la totalité de la superficie de ce site, comme le montre la carte satellitaire produite par les services du cadastre, les populations vont connaitre une grave insécurité foncière qui entrainera de manière soudaine une extrême précarité. Dépossédées de leurs terres agricoles, les populations n’auront plus d’espace pour les cultures vivrières saisonnières. Et si cette mesure d’expropriation est effective dans les mois qui viennent, non seulement les familles perdront leurs champs de l’actuelle campagne agricole, mais aussi la prochaine campagne agricole n’aura pas lieu, si un recasement absolument logique de toutes ces populations n’est pas envisagé à l’immédiat. Sans revenus fixes, elles ne pourront pas non plus s’approvisionner suffisamment en vivres dans les marchés les plus proches. Il y aura donc dans un très bref délai une grave insécurité alimentaire, et finalement une extrême pauvreté due à la raréfaction des ressources. Bien plus, de nombreuses familles perdront la totalité de leur patrimoine foncier dans cette expropriation. Ce qui entrainera un exode massif de populations vers des destinations inconnues et par conséquent une brusque dislocation du clan dont les populations sont de tradition sédentaire. Ce déséquilibre social et culturel des familles pourra s’accompagner d’autres situations difficiles qu’il faudra affronter de manière soudaine. Le sentiment de n’appartenir à nulle part pourra par exemple créer de nombreux mécontents dont certains pourraient très facilement être recrutés par les bandes criminelles et pourquoi pas des marchands d’illusions comme ces groupes terroristes. La jeunesse, dont l’avenir va devenir de plus en plus incertain, sera la principale cible de tous ces réseaux terroristes. Nous voulons insister sur le caractère soudain de tous ces phénomènes. Doit-on alors faire l’expérience de voir réaliser une telle catastrophe pour ensuite s’activer à trouver des solutions palliatives ?
Par ailleurs, nous signalons que le seul village de Nsimalen (et pratiquement le même clan Mvog-Meye) a déjà fait l’objet de grandes expropriations successives, très proches dans le temps. Le décret présidentiel N°88/355 du 16 mars 1988 portant ‘incorporation au domaine privé de l’Etat des terrains nécessaires aux travaux de construction de l’aéroport international de Nsimalen » stipulait dans son article 1er : « Sont incorporés au domaine privé de l’Etat les dépendances du domaine national dénommées zones A, B, C et D de superficies respectives 5 694 016 m2, 47 188 m2, 1628 m2 et 165 816 m2 situées à Nsimalen, Arrondissement de Mfou … », soit un total de 5 908 648 m2 ( près de 600 hectares). Rappelons que pour le recasement des populations touchées par l’autoroute Yaoundé-Nsimalen, le site de recasement d’Ekoko II (16 hectares) se trouve à Nsimalen, et est contigu à celui de Ongol’Zock, puisqu’appartenant à la même grande famille. Sans compter que l’autoroute qui passe par Nsimalen a également provoqué d’importantes expropriations, celle envisagée actuellement, en raison des problèmes ci-dessus signalés, risque de s’accompagner de vives tensions sociales, résultats non pas de l’incivisme des populations, mais de leur instinct de survie.
D’ailleurs, nos populations ne manquent pas de se demander : « combien de personnes touchées dans la Mefou-et-Afamba recase-t-on pour solliciter autant de terrains ? ». Et pour les recaser, doit-on recourir à l’expropriation d’autres populations qui demanderont à leur tour d’être recasées ? A-t-on vraiment trouvé la solution lorsqu’on décide de déshabiller Paul pour habiller Pierre ?
S’agissant du second problème, le Décret 87/1872 du 18 décembre 1987 portant application de la loi 85/9 du juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités
d’indemnisation prévoit ce qui suit : « Lorsqu’il (Le ministre en charge des domaines) juge le projet d’utilité publique, il prend un arrêté déclarant d’utilité publique les travaux de projets et définissant le niveau de compétence de la commission de constat et d’évaluation » (article 3) ; « Dès réception de l’arrêté déclarant les travaux d’utilité publique, le Président de la commission de réception de l’arrêté déclarant les travaux d’utilité publique, le Président de la commission de constat et d’évaluation le notifie au (x) Préfet (s) et magistrat (s) Municipal (aux) de la localité concernée. Une fois saisi, le Préfet, en assure la publicité par voie d’affichage par voie d’affichage à la Préfecture, au service départemental des domaines, à la Marine, à la Sous-préfecture, au Chef-lieu du district et à la Chefferie du lieu de situation du terrain, ainsi que par tous autres moyens jugés nécessaires en raison de l’importance de l’opération » (article 9).
Ladite publicité n’a jamais été faite : le 06 juillet 2015, une délégation conduite par Monsieur le préfet de la Mefou-et-Afamba arrive dans notre village. Dans son allocution, Monsieur le Préfet annonce sa visite comme une visite d’information au sujet de la mesure d’expropriation pour cause d’utilité publique, des terrains au lieu-dit « Ongol’Zock », pour le recasement des populations touchées par le projet de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen.
Rappelons qu’à cette date les populations concernées n’avaient jamais été informées par quelque moyen que ce soit, de l’existence d’un arrêté du Ministre des Domaines, Du Cadastre et des Affaires foncières, déclarant d’utilité publique un site dans leur village, comme elles tiennent à le préciser dans leur village, comme elles tiennent à le préciser dans leur allocution à M. le Préfet à l’occasion de cette visite (Annexe 1). Pourtant, les représentants des familles d’Ongol’Zock avaient, dans une démarche citoyenne, adressé une correspondance à Madame le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières en date du 14 Novembre 2013, contre une démarche (Annexe 2), avec une ampliation à Monsieur le Préfet de la Mfou-et-Afamba, contre une décharge (Annexe 3), au moment où la rumeur sur cette mesure se rependait comme poudre dans leur village. Cette correspondance est restée sans réponse connue de notre part. Par ailleurs, une audience avait été accordée par M. le Préfet au porte-parole des familles ce même 14 Novembre 2013, pour faire entendre de vive voix les préoccupations. Au sortir de cette audience, l’information sur l’existence d’un Arrêté n’avait pas filtré.
Ces rumeurs se sont par la suite précisées avec la mission d’un émissaire du bureau d’étude dénommé EMAC Consulting auprès de notre chefferie en date du 06 Mars 2015 (Annexe 4). Après cet évènement, le Chef de village et les populations, au terme d’une réunion de consultation, avaient adopté la résolution de saisir la très haute hiérarchie par lettre. Cette lettre, qui avait été validée au cours d’une autre réunion à laquelle le chef de village avait pris part (Annexe 5), devait être acheminée par ce dernier. Malheureusement, il faut regretter qu’elle soit restée bloquée à la chefferie pour des raisons que Sa Majesté le Chef de village n’a plus eu le temps d’expliquer aux populations.
Or, dans la foulée de sa visite du 16 juillet 2015, M. le Préfet annonce en même temps le démarrage des travaux de la commission de constat et d’évaluation qu’il préside. Ces travaux, selon lui, devaient démarrer le 20 Juillet 2015 (soient 04 jours seulement après la visite d’information), et l avait maintenu cette mesure, malgré le rappel fait par les populations des dispositions de l’article 10 du Décret ci-dessus cité qui stipule : « En vue de leur participation à toutes les phases de l’enquête, les populations concernées sont informées au moins 30 (trente) jours à l’avance du jour et de l’heure de l’enquête par convocations adressées au chefs et notables et par les moyens indiqués à l’article précédent » (Article 10). C’est ce qui a justifié la signature d’une pétition par les représentants des familles, pour demander à cette Commission de constat et d’évaluation de se conformer à la législation en vigueur. Cette pétition a été déposée au Secrétariat de M. le Préfet, à Mfou, au matin du 20 Juillet 2015, contre décharge (Annexe 6). A la même occasion, les représentants des familles d’Ongol’Zock, après investigations, retiraient enfin à la Délégation Départementale du Mindcaf à
Mfou, l’Arrêté N°000464/MINDCAF/SGD1 du 17 Juillet 2013 « déclarant d’utilité publique les travaux d’études et d’aménagement des sites destinés au recasement des populations affectées par les mesures d’urbanisme ou la construction de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen, dans les Départements de la Mefou-et-Afamba et de la Mefou-et-Akono » (Annexe 7).
Au regard de ce document, un certain nombre de constats se dégagent :
1°) L’Arrêté de Madame le MINDCAF est caduc depuis le 16 Juillet 2015 (date de la visite d’information de m. le Préfet dans notre village), conformément à l’article 13 du Décret ci-dessus cité qui stipule : « L’arrêté de déclaration d’utilité publique devient caduc, si, dans un délai de deux ans à compter de la date de sa notification au service ou organisme bénéficiaire n’est pas suivi d’expropriation effective. ».
2°) M. le Préfet de la Commission formée par l’Arrêté ci-dessus cité, affirme ne pas être en possession de l’arrêté de prorogation de la déclaration d’utilité publique, qui aurait dû être signé aussitôt la validité du précédent expirée, ainsi que prévoit le même article ci-dessus cité. Jusqu’à la dernière rencontre de nos porte-parole avec la Commission en date du 03 Août 2015, cet Arrêté de prorogation n’était pas disponible dans les Services de la Préfecture à Mfou.
Toutefois, depuis le 20 Juillet 2015, les populations d’Ongol’Zock sont sous la pression de la Commission de constat et d’évaluation qui affirme agir dans l’urgence, alors qu’elle a eu deux ans pour exécuter l’Arrêté du MINDCAF. Cette pression nous amène à constater un fonctionnement illégal de cette Commission.
Bien plus, en l’absence d’un arrêté de prorogation de la déclaration d’utilité publique, parce que elle-même illégale, du fait de la caducité de l’Arrêté qui l’a constituée. De ce fait, les populations manifestent leur inquiétude à collaborer avec une telle commission, surtout lorsqu’on sait qu’il n y a que l’existence d’un Arrêté du MINDCAF qui garantit la crédibilité de l’information sur la disponibilité des crédits d’indemnisation, ainsi que tout cela est précisée dans l’article 2 du décret ci-dessus cité. Nos inquiétudes sont encore plus croissantes lorsque nous nous souvenons des irrégularités qui avaient alors entouré les expropriations sur le projet de l’aéroport international de Nsimalen, et lorsque nous suivons dans l’actualité, les irrégularités qui entourent les expropriations dans les autres localités à travers le triangle national. Voilà pourquoi notre souhait est que la législation en vigueur sur l’expropriation pour cause d’utilité publique soit respectée, pour autant que le Cameroun soit un Etat de droit, au cas où cette mesure est maintenue.
Au regard de ce qui précède, fidèles à la démarche citoyenne que nous avons choisie de suivre depuis que nous sommes informés de cette mesure, nous recourons à l’arbitrage de la très haute hiérarchie de notre pays pour que d’une part, une aussi importante expropriation nous soit épargnée de si tôt. Notre doléance à ce niveau va dans le sens d’une réévaluation de ce projet : la Mefou-et-Afamba étant grande, le second site de recasement pourrait très bien être à hauteur de 16 hectares, et surtout, quand on sait que c’est la même grande famille qui supporte le coup de toutes les expropriations qui ont été effectives à Nsimalen depuis l’arrivée du projet de l’aéroport international. D’autre part, si cette doléance venait à ne pas être entendue, ou alors, quelle que soit la forme que pourrait prendre ce projet, nous souhaiterons que ceux qui auront la charge de le conduire se conforment à la législation qui encadre les expropriations pour cause d’utilité publique, le Cameroun étant un Etat de droit.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.
Ampliations :
* Premier Ministre Chef du Gouvernement
* Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières
* Gouverneur de la Région du Centre
* Préfet de la Mefou-et-Afamba
* Chef de 3e Degré du village Nsimalen-Aéroport