Matrice des « grandes réalisations », le programme politique sur la base duquel Paul Biya a été élu le 9 octobre dernier, le lancement des grands projets constitue la priorité du régime Biya en ce début de septennat. La première moitié de l’année en cours s’est écoulée, sans qu’on en voie un seul être mis en route. Puis, depuis un certain temps, il y a comme une accélération avec la pose de la première pierre du barrage hydroélectrique de Memve’ele le 15 juin dernier et celle annoncée, de la construction du barrage de Lom Pangar.
Par ailleurs, l’Etat du Cameroun vient de signer une convention de prêt de 241,4 milliards avec un bailleur de fonds chinois, qui représentent le financement de la phase I de la construction de l’autoroute Yaoundé-Douala. Mais, ce sont les contours de cet autre projet annoncé, qui sont le prétexte de la présente réflexion. Pourquoi ? Parce qu’il est manifeste, qu’alors que le Cameroun a contracté un prêt auprès de ses partenaires pour le lancement du projet, beaucoup de zones d’ombres entourent encore son opérationnalisation.
L’Etat du Cameroun court le risque de s’être engagé dans un projet qui peut devenir un véritable serpent de mer, si les prévisions du départ sont faussées. Manifestement sur ce dossier, le gouvernement fait preuve d’une précipitation qui peut s’avérer dommageable. Tout semble être en effet décidé dans la précipitation, sans qu’on ne prenne le temps nécessaire de boucler les études préliminaires, de comparer les différentes options possibles, avant de prendre la bonne décision. La raison de cet empressement des autorités que cachent mal leurs balbutiements doit certainement avoir pour origine, la pression exercée depuis le Palais d’Etoudi où aujourd’hui plus qu’hier, on tient à voir les promesses présidentielles traduites en actes concrets, au mépris de certaines précautions d’usage. Mais en exerçant autant de pression sur ses collaborateurs afin qu’ils fassent coïncider leur action avec sa parole politique, Paul Biya sur le dossier de cette autoroute, engage le Cameroun dans un projet interminable qui peut à la longue être un gouffre à sous pour le pays tout entier. Un véritable tonneau des danaïdes ! Non seulement l’Etat risque de s’y endetter plus que de raison mais en outre, il y a un risque si rien n’est fait, que nos enfants ne voient cette route achevée, de leur vivant. Dans l’histoire de notre pays, les exemples de ces projets mal ficelés qui ont couru sur de longues années et qui ont parfois coûté plus de cinq fois leur coût prévisionnel, ne manquent pas.
La construction de la route Ayos-Bonis qui vient à peine de s’achever en fait partie. Promesse électorale de Paul Biya en 1992, les études en vue de sa construction avaient débuté en 1997. Répartis en trois lots distincts ce n’est que 15 ans plus tard qu’elle est achevée, après des difficultés liées à son financement, en raison d’un coût qui dépassait les prévisions. La Conac avait estimé dans son rapport à ce sujet qu’on y a accumulé 67 mois de retard. Le reflexe de la volonté présidentielle qui consiste à décider, à annoncer de la mise en œuvre d’un projet sans prendre en compte les prévisions des études préalables ou la capacité réelle du pays à l’assumer, pose en effet bien plus de problèmes qu’il n’en résout. Autre exemple, en guise de résultat de cette improvisation généralement causée par le politique : le boulevard de Mfandena à Yaoundé dont la construction avait été décidée en 2010 sur un coup de tête et qui jusqu’aujourd’hui, est inachevé. A vouloir tout politiser, Paul Biya entraîne bien trop souvent le Cameroun vers l’improvisation. Vivement, que l’autoroute Yaoundé-Douala, ne soit pas un autre serpent de mer du Renouveau !