Au nom de la justice, M. Le président !Afin que nul n’ignore…
C’était au deuxième semestre de l’année 1997. Une fin de matinée. Dans mon bureau aux volets clos à Bastos- Vallée, Yaoundé, j’avais fini de faire écouter a deux jeunes amis journalistes, le très regretté Richard Touna du Messager et Valentin Siméon Zinga de la Nouvelle Expression, la cassette audio que m’avait fait parvenir la veille le ministre René Owona , en poste à la Présidence de la République, par mon regretté ‘’ ami et frère’’ Antar Gassagay, alors secrétaire d’Etat, et qui était son protégé. J’étais moi-même à l’époque vice-président national de l’UNDP, l’Union nationale pour la démocratie et le progrès. Le Ministre René Owona et moi nous étions rencontrés quelques jours plus tôt à un cocktail à la résidence du premier conseiller de l’ambassade de France. Il m’avait pris en aparté pour me dire qu’à la présidence, la dureté de mes critiques du président Biya dans les journaux étonnait. Il faisait notamment allusion aux termes de la lettre ouverte que j’avais publiée quelques jours auparavant dans les colonnes du Messager, suite a l’incarcération du Professeur Titus Edzoa. Il me dit : ‘’ Le Président est quand même ton grand-frère. Dans notre tradition Beti, on ne parle pas ainsi à un aîné. Et tu sais qu’il t’aime bien et trouve que c’est un gâchis que tu aies choisi de ne pas être avec nous’’ (Sic). Je lui répondis que je réagissais aux actes du régime, le Président semblant désormais préférer suivre ceux de ses collaborateurs qui étaient des vrais esprits diaboliques. Et lui de me dire : ‘’ Tu vois juste. C’est une situation qui me préoccupe au plus haut point et nous devons coordonner notre action pour arrêter cette dérive. Je vais te faire parvenir quelque chose par Antar, vois comment tu peux l’exploiter a cet effet ’’. C’est ainsi que quelques jours plus tard, Antar vint me remettre une large enveloppe qui contenait la fameuse cassette audio dans laquelle Amadou Ali, alors secrétaire général de la présidence de la République et Edouard Akame Mfoumou, ministre des Finances, se promettaient de faire passer Titus Edzoa sous un ‘’rouleau compresseur’’ fait d’une succession d’accusations factices pour justifier l’embastillement de ce dernier. Après audition de la cassette, je demandai à mes deux jeunes amis s’il fallait en rendre le contenu public. Richard Touna, de sa voix profonde qui résonne encore a mes oreilles s’écria : ‘’ Il doit être rendu public , au nom de la justice, M. le Président !’’, comme il m’appelait! Valentin en professionnel de l’information argua de la nécessaire information du public. Je fis sur le champ les copies de la cassette et les leur remit pour publication. Et dans les jours qui suivirent, à travers leurs organes de presse respectifs, le peuple camerounais fut informé du funeste projet ‘’ rouleau compresseur’’ dont le nouveau procès intenté contre le professeur Edzoa n’est que l’une des phases d’exécution.
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Le cri de cœur de Richard Touna aviva en moi la conscience de l’ignominie en préparation et du pervertissement de la Justice, symboles de tout un système de pouvoir. En milieu d’après-midi ce jour-là, je me rendis à la Librairie des Peuples Noirs à Tsinga pour rencontrer Mongo Beti et lui faire écouter la cassette. Ce grand saint laïc en fut si écœuré que d’emblée, il accepta de prendre la tête d’un mouvement citoyen que nous nommâmes ‘’ Colicite, Comite pour la libération de Titus Edzoa’’, dont je lui suggérais la mise en place, pour défendre, non pas l’individu Titus Edzoa, mais pour la défense d’un citoyen et de la Justice qui ne devait pas être ravalée au rang d’un instrument de règlement de comptes politique. Au moment de le quitter, il me demanda : ‘’ Monsieur Bedzigui, pensez- vous que Biya est au courant de telles manigances ? C’est tout de même un intellectuel formé aux Humanités… Ce n’est pas un de ces ‘’brevetés’’ sortis de l’ENAM comme cet Amadou Ali à l’esprit encore empreint de barbarie – pensant sûrement aux paroles de la première version de notre hymne national . Et d’ajouter : ‘’ Biya ne va quand même pas faire pire que ce que Ahidjo a fait a ses opposants !’’… Je lui répondis que de toutes les façons, ceux qui ainsi organisaient cette ignominie pensaient ainsi assouvir ce qu’ils croyaient être son désir et sa soif de punition d’Edzoa, coupable à ses yeux de la faute mortelle d’avoir oser ambitionner de prendre sa place. Je lui assurai que de ce pas, j’allais m’assurer qu’il était alerté, bien que je n’en eus pas le moindre doute…
C’ est ainsi qu’en le quittant, je m’en allais directement chez le patriarche Emah Basile à Etetak à qui je fis écouter la cassette. Il afficha son étonnement et me dit qu’il allait en parler à Biya dès qu’il pourra le rencontrer. Dans la nuit, je pris la route de Foumban pour dans la matinée être au palais du sultan des Bamoun. Le sultan me reçut vers dix heures du matin. Je lui fis part du but de ma démarche qui était de l’amener à utiliser son influence sur Biya pour prévenir un crime annoncé contre la Justice, puisque que dans les mailles du tourment se trouvait être pris Michel Thierry Atangana dont le géniteur était … un des frères directs du sultan, ce qui faisait qu’en réalité, Thierry Michel Atangana se trouvait être de sang un prince Bamoun. Je lui expliquai que beaucoup laissaient penser que son neveu se voyait enrôlé dans ce réglement de comptes maquillé de judiciaire pour une raison sordide : Akame Mfoumou, qui avait une prise directe sur le procureur Mvondo Evozo’o ‘’chargé du dossier, tenait à lui faire payer l’affront d’avoir repoussé sa fille … Et de la même manière qu’Hérodiade avait demandé et obtenu de son père Hérode la tête de Jean Le Baptiste, Akame Mfoumou entendait offrir à sa fille sur un plateau la vie détruite de Michel Atangana ! Notre République était-elle si différente de ‘’ L’Enfer’’ décrit par Dante, le grand écrivain italien du 17ème siècle? J’en doute, avec pour preuve que ces démarches n’eurent aucun effet pour arrêter la machine infernale qui avait été lancée pour non seulement détruire Titus Edzoa et Michel Atangana, mais pour aussi marquer notre Justice du sceau de l’infamie dont nous aurons du mal à l’exorciser.
Deux semaines avant que je ne remette à la presse la cassette du ‘’rouleau compresseur’’, Maigari Bello Bouba, président de l’UNDP, me trouvant au siège du parti une après-midi, m’invita à son bureau. Il me dit : ‘’ Compte tenu de ton rang dans le Parti, fais attention à tes positions publiques sur l’affaire Titus Edzoa. Ali m’en a parlé…’’, s’agissant de Amadou Ali dont il est très proche. Et de poursuivre : ‘’ Il m’a dit qu’il sera arrêté demain et envoyé en prison pour au moins quinze ans !’’… Le professeur Edzoa avait été mis quelque temps auparavant, sans motif valable, en résidence surveillée par Edgar Mebe Ngoh, alors préfet du Mfoundi, meurtre rituel qui lui vaut les faveurs en nomination dont il jouit depuis lors. ’’Quinze ans’’ semblaient correspondre à la durée des deux mandats que Biya entendait encore rester au pouvoir, avant qu’il ne change d’avis pour vouloir y rester à vie, raison qui justifierait la manœuvre d’embastillement à vie d’Edzoa. ..
Ce jour-là, la nuit venue, les éléments en faction à l’entrée de la résidence d’Edzoa qui étaient Eton et me connaissaient me laissèrent entrer pour un ultime entretien avec ‘’ mon ami et mon frère’’. Après lui avoir fait part des propos d’Amadou Ali que Bello Bouba m’avait rapportés, je lui demandai s’il ne pensait pas qu’il était temps que soit mise en œuvre son exfiltration, puisqu’il n’était pas encore sous le coup d’une poursuite ou d’une condamnation judiciaires, et que nous avions pris des contacts dans les milieux diplomatiques à cette fin. Il me répondit : ‘’ Célestin, jamais je ne fuirai, car je ne me reproche de rien. Je suis prêt s’il le faut à souffrir pour mon pays. Un jour les Camerounais comprendront le sens de notre dissidence et de notre combat. Si ceux là qui veulent me faire emprisonner vont au bout de leur intention, je les attends. Sois sûre qu’un jour, la justice immanente sera rendue …’’ Je venais d’entendre ‘’ la voix de Jacques de Molay…’’. Mon ami entamait sa ‘’montée du Mont Carmel, marchant vers l’Est’’, le soin étant laissé ‘’ à tous les enfants de la Veuve, debout, de défendre la Justice’’, -comprenne qui pourra…
Lorsqu’au cœur de la nuit dans son salon particulier, nous nous sommes donnés une ultime accolade, nous savions que nous ne nous reverrions pas de sitôt… Le lendemain dans la matinée, 3 juillet 1997, ils sont venus l’arrêter. Le 9 juillet 1997, j’adressais à travers Le Messager n° 635, une lettre ouverte à Biya où je lui disais : ‘’ Le monde entier est … informé que l’unique camerounais membre de l’une des sociétés savantes les plus prestigieuses du monde a été jeté dans un cachot sans raison … au terme d’une succession de violations des droits humains et du respect de la dignité d’autrui. Convenez avec moi que le traitement infligé au Professeur Edzoa relève de la persécution visant l’élimination d’un de vos adversaires politiques’’….
Quelques semaines plus tard, au terme d’un procès violant toutes les règles de procédure criminelle en matière de droit de la défense, il a été condamné à ‘’quinze ans de prison’’ comme prédit par Amadou Ali, au prétexte d’une ‘’ tentative’’, nous disons bien ‘’tentative’’ de détournement de deniers publics… alors que c’était pour lancer le fonctionnement du Fonds routier, organisme créé par décret du président de la République qu’il avait ordonné que quelques centaines de millions de francs soit mis à la disposition de cet organisme, et non dans son compte personnel, par un prélèvement sur les fonds Stabex de quatre milliards de francs Cfa débloqués par la Communauté européenne pour les parties sinistrées de la filière Cacao. Je souligne au passage que la Sacherie qui était le plus gros créancier de l’ONCPB et qui comptait sur le payement de sa créance sur ces fonds pour financer son plan de restructuration, s’en vit refuser le bénéfice par le ministre de tutelle, ce qui plaça son directeur général que j’étais à l’époque devant nul autre choix que celui de démissionner de mes fonctions.
Amadou Ali, le deus ex machina de cette grossière machination fermait les yeux sur le réel détournement, celui-là d’un milliard de francs Cfa prélevé sur ce fonds par un ‘’ très haut membre du gouvernement’’ dont je tairai le nom et qui est connu de tous, par un gonflement de la facture d’un numéro spécial sur le Cameroun présentée par un éditeur de presse basé à Paris. Le verdict avait été fixé à l’avance pour justifier l’embastillement du programme de Titus Edzoa, par une instrumentalisation d’une Justice aux ordres. N’ y a-t-il pas là une raison d’être triste sur le drame que vit notre pays ?
Mode opératoire
Certaines personnes témoins de ces épisodes sont encore en vie. Je m’exprime sous leur contrôle. D’autres comme le regretté Richard Touna et Antar Gassagay sont déjà parties… peut-être parties très tôt pour ne pas assister à l’abomination qui se déroule sous nos yeux et pour laquelle nous serons tous coupables si, comme cela s’observe depuis des années, nous restons passifs, ou pire encore, si certains magistrats, à âme perdue et en violation de leur serment, cautionnent ce qui tient d’un crime contre l’humanité des individus ici suppliciés.
Car par extension, le traitement inique aujourd’hui infligé au Professeur Titus Edzoa, à Lapiro de Mbanga, Liman Oumate et aux autres prisonniers politiques que compte aujourd’hui le Cameroun doit éveiller notre conscience à une triste et accablante réalité contre laquelle un sursaut citoyen s’impose : la Justice dans notre pays est désormais ravalée au rang d’outil de liquidation des adversaires et des contestataires politiques, soit pour servir des intérêts étrangers, soit pour assouvir les haines cachées et la volonté d’épuration ethnico-politique de certaines composantes de notre population que certains rêvent d’exclure du champ politique des années à venir.
Le mode opératoire auquel recourt ce régime est tout simplement répugnant : voudrait – on vous liquider politiquement qu’on vous colle sur le dos un motif criminel infamant. Vous êtes ainsi jeté en pâture à une opinion publique que la dégradation et l’incertitude des conditions de vie a fini d’user le sens critique et a transformé en meute assoiffée de boucs émissaires. L’institution judiciaire est ici vu comme un outil pour parvenir à ce résultat. Que restera-t-il de son honneur et de la fierté de ses traditions, d’elle et de la force qu’elle confère à l’Etat et du respect qu’elle est censée inspirer à la Nation au point d’en être l’un des piliers ?
Parcourez avec moi le tableau de notre goulag qui n’a rien à envier au système de terreur mis en place par Staline et… Ahidjo contre les supposés opposants à leur régime ; à l’époque on parlait de subversion, aujourd’hui on parle de malversation. Edzoa et Engo qui, il faut le savoir, étaient les deux personnes qui assuraient le coach mental de Biya au plus aigu de sa confrontation avec Ahidjo, pour avoir tenté de s’affirmer politiquement, sont embastillés au prétexte de ‘’ tentatives de détournement de fonds…
Lapiro de Mbanga et le maire Kingue de Njombe effleurent-ils la tranquille atmosphère d’exploitation coloniale établie par les néocolonialistes français sur la filière Banane dans le Moungo qu’ils sont jetés en prison et frappés de lourdes peines. A la manœuvre ici se trouve le proconsul et protecteur des intérêts néocolonialistes au Cameroun qui trônent du côté du … MINAT, avec la bénédiction de qui on sait. Olanguena Awono, Siyam Siwé, Zachaeus Forjindam, Abah Abah, Atangana Mebara et autres ont-ils la mauvaise idée de se consulter sur l’après 2011 à une époque où Monsieur Biya n’a pas encore révélé son plan de coup d’Etat constitutionnel en s’encroûtant à vie au pouvoir et surtout, sont – ils soupçonnés de disposer de moyens financiers considérables et donc de ce fait, potentiellement très dangereux, contrairement à l’opposition clochardisée avec laquelle l’autre aime à s’organiser des divertissements électoraux périodiques, qu’on les charge sur une charrette pour une décapitation judiciaire collective. Le ridicule ne tuera pas, par exemple de voir la charge contre Olanguena passer de 8 milliards de francs Cfa à 400 millions Fcfa, de parler de quelques millions de francs Cfa s’agissant de Fordjidam après vingt ans de développement et de gestion du Chantier naval, et de Nguini Effa pour la même durée, d’appliquer à des décisions de gestion prises par Siyam Siwé et Ewodo Noah un caractère criminel alors qu’elles relevaient de prérogatives de gestion relevant de la fonction de directeur général, lesquelles décisions si elles sont critiquées, donneraient au maximun lieu à une destitution du poste de directeur général et en tout cas, ne saurait en aucun cas, dans aucun pays civilise, de morale et de pratique politique et judiciaire saines, donner lieu à une peine ‘’d’emprisonnement a perpétuité’’, alors que monsieur Mendo Ze, naguère directeur général de la CRTV, dont les acrobaties de gestion étaient aussi visibles que le nez sur le visage, mène une existence paisible, un fait qui à lui seul indique que ce n’est pas un souci d’assainissement des mœurs de gestion qui justifie le vent qui souffle, mais une intention politique d’épuration. Si les opérations imputées à certaines des personnes mises en causes revêtent un caractère contestable, elles auraient justifié qu’en leur temps, elles fussent sanctionnées par leur conseils d’administration, leurs ministères de tutelle ou la sortie du gouvernement, au lieu de venir aujourd’hui servir au peuple une danse du ventre avec arrières pensées funestes.
L’ activisme actuel amène même à se demander s’il ne vise pas à détourner l’attention des Camerounais sur les véritables champs de la prédation où se constituent des fortunes cachées et qui sont, pour n’en citer que quelques unes, telles que la gestion depuis vingt cinq ans des recettes pétrolières, les contrats d’achats d’armes et d’équipements militaires qu’on a vu à profusion pendant que le ‘’ Justicier actuel’’ trônaient au ministère de la Défense, les privatisations qui ont vu des bizarreries telles que le transfert de propriété sans appel d’offres des Minoterie à Baba Danpoulo, de la SODECOTON à la SMIC, la SOCAR – Société camerounaise d’assurance — reprise sans appel d’offres… par un agent général de son ancien réseau !!!, telles que la privatisation de la SONEL entre les mains de ENRON qui a fait faillite et n’existe plus ici aux USA, ce qui est présenté au Cameroun comme un partenaire technique étant en réalité une coquille vide qui recrute les cadres envoyés au Cameroun par les petites annonces et sans aucune expertise à transmettre , la CAMSHIP et la CAMAIR dont les flottes se sont évaporées du jour au lendemain, de la REGIFERCAM offert aux forceps à Bollore qui n’avait aucune expérience dans le férrovisere au détriment de COMAZAR, un professionnel sud-africain, du CENEMA, Centre national d’expérimentation du matériel agricole, organisme public désormais établi comme fournisseur de matériel agricole aux plantations de qui vous savez, sans oublier de la CNR, Caisse nationale de réassurance et l’ONCPB, Office national des produits de base qui ont du jour au lendemain disparu avec des actifs financiers chiffrés à des milliers de milliards Fcfa, de l’attribution des concessions forestières, l’or vert du Cameroun.… à la nébuleuse contrôlée par le… ‘’Fils et conseiller de l’ombre de son père’’… Et la liste peut-être allongée à l’infini.
Ambitions exacerbées, lignes de résistance, nettoyage ethnico-politique
Dans la deuxième moitié des années 90, l’axe Akame- Amadou Ali était perçu comme une grave menace dans le proche entourage de Biya. C’est la perspective plus qu’inquiétante de voir ce tandem réussir dans ses intentions qui remplissait d’effroi Réné Owona. Lorsqu’ il vit cet axe du mal à l’œuvre dans la destruction de Titus Edzoa, il prit conscience de ce dont ils seraient capable s’il arrivait que le pouvoir tombât entre leurs mains. Et bien qu’il ne fut pas particulièrement ami à Titus Edzoa, il jugea qu’il était bon pour le pays d’éliminer ces deux crétins en rendant publiques leurs menées secrètes. Il rejoignait ainsi les lignes de la résistance souterraine à l’influence néfaste qu’ont depuis une vingtaine d’années certains se parant d’un masque surfait de probité en tirant avantage de la fragilité schizophrénique du chef de ce régime, utilisant l’institution judiciaire et les magistrats pour paver la voie de la réalisation de leur rêve de capter le pouvoir.
Monsieur Biya, en laissant les mains libres à Amadou Ali pour qu’il renvoie Edzoa devant les juges au terme d’une … ‘’ instruction’’ qui aurait dure… douze ans, délai qui par lui-même est une preuve flagrante de dysfonctionnement de la Justice, à une attitude qui est à assimiler au geste de Mobutu expédiant Patrice Lumumba à Moise Tshombe sachant que la haine de ce dernier pour Lumumba ne sera assouvie que par l’anéantissement de celui-là. Comme dans un drame de Shakespeare, ce qui se joue sous nos yeux a deux acteurs majeurs, monsieur Biya et son âme damnée Amadou Ali qui joue une pièce où les ressorts sont les bas instincts de haine, de vengeance, d’ambitions échevelées, de soif inassouvissable de pouvoir, dans toutes leur laideur morale. L’inculpation à répétition de Titus Edzoa et l’instrumentalisation de certains éléments de la magistrature ne sont qu’un maquillage au demeurant grossier de cette Vérité essentielle que j’entends révéler en posant deux questions.
La première s’adresse à monsieur Biya. Je l’effleurai déjà dans la lettre ouverte que j’ai évoquée plus haut et je l’interpellais en ces termes : ‘’ Au-delà des interpellations de l’intellectuel, je m’interroge en tant que chef traditionnel Béti sur la férocité et l’acharnement dont font désormais l’objet tous ceux… qui expriment leur désaccord politique avec le Renouveau… Cette férocité se traduit par une constante volonté d’abaisser , de porter atteinte à la dignité, d’infliger aux uns et aux autres des tortures autant morales que physiques. Et pourtant, lorsqu’il a fallu que vous consolidiez votre pouvoir, vous avez bénéficié d’un soutien sans faille … soutien justifier par votre projet politique … où vous parliez alors de démocratie et de développement ’’ (SIC).
Douze ans plus tard, je reformule la même question :’’ Si nous condamnons sans réserves les malversations et autres prévarications qui ont été secrétées et nourries par votre régime pendant deux décennies et à la tentation desquelles, par imitation de l’exemple venant d’ ‘’en haut ’’, ou croyant servir les intérêts de cet ‘’ en haut’’, certains se sont livres, qu’est ce qui peut justifier la haine qui semble être aujourd’hui nourrie pour ces élites qui vous ont servies, certains n’hésitant pas à vendre leur âme à l’occasion des cirques tenant lieu d’élections, haine qui vous mènent au point de travailler à leur liquidation politique en les livrant au bûcher de certains individus qu’on sait garder des arrières pensées de revanche ? ’’
La seconde question s’adresserait à Amadou Ali, celui qui est son âme damnée et joue à ses côtés le rôle que Beria jouait à côte de Staline, à savoir l’exécuteur de basses œuvres et manœuvres : « Pensez-vous que le processus de nettoyage ethnique des figures pouvant jouer un rôle sur la scène politique dans les années à venir dans lequel vous êtes engagés, tantôt en assouvissant les instincts de destruction des vies exacerbées de votre maître pour ces jeunes intrépides naïfs du G11, tantôt en vous cachant derrière un ’’ épervier’’ a l’acuité visuelle sélective, car on est surpris de ne l’avoir jamais vu voler ni au dessus de la Caisse de stabilisation des produits pétroliers dont le directeur général est Ahmadou Talba, ni au-dessus de la SODECOTONou la FECAFOOT dirigées par un certain … Iya Mohamed, ni au-dessus de certaines opérations ou programmes gérés au niveau de certains ministères comme l’Administration territoriale ou, depuis des années, celui de l’Elevages et les industries animales, pensez-vous donc, Cher compatriote, que cette volonté de nettoyage ethnique de cadres de certaines régions passe inaperçue ? ‘’
Certains se disent même qu’un mécanisme au profil plus qu’inquiétant est déjà mis en place. En effet si aujourd’hui survient une sortie de piste à la Bongo ou Eyadema du président actuel, on assistera au scénario ci après : l’intérim de la présidence de la République sera assuré par… Cavaye Djibri, le président de l’Assemblée nationale, les élections seraient organisées par le… Ahmidou Marafat, ministre de l’Administration territoriale, les résultats seront proclamés Ahmadou Ali, ministre de la Justice …. Je laisse chacun déduire ce qu’ont en commun ces trois personnages… Il ne s’agit pas, loin s’en faut, d’un ordonnancement fortuit. Une perspective d’une telle importance en ce qu’elle porte comme germe de tensions politiques ne peuvent échapper à celui qui en est le maître d’œuvre, le président Biya. Dans cette configuration, l’acharnement mis à écarter de la scène certains, en même temps que d’autres en revanche sont chargés en attributs et symboles, et de prestige , et de pouvoir, donne tous le sens aux deux questions que je pose ci-dessus.
Et si même cet ordonnancement était fortuit, compte tenu de l’effet que les solidarités primaires d’essence régionales ont sur les dynamiques politiques dans notre pays, on peut imaginer qui seraient les bénéficiaires de l’appui du système, et qui seraient les exclus… si l’occurrence que j’évoque se réalisait. Le déséquilibre ici est flagrant et l’impartialité est mise en danger ; le respect de loi n’est pas garanti, surtout quand on a vu les libertés que certains de ces personnages se sont offertes avec celle-ci il y a quelques mois avec l’enlèvement et la détention administrative arbitraire de notre compatriote Liman Oumate. On peut entrevoir d’ici ce que serait un Cameroun dont ils s’accapareraient les rênes du pouvoir par des procédés non- démocratiques.
Rêver de Justice, enfin…
La fonction de la Justice dans les sociétés modernes est de limiter l’exacerbation des mauvaises pulsions des hommes que sont la haine et l’instinct de destruction des autres. C’est la raison de l’exigence d’une institution Justice indépendante de ceux là qui, à un moment donné, contrôles les rênes de l’Etat. La Justice devient dès lors le ciment qui pérennise le lien social en garantissant aux membres d’une communauté humaine l’équité et le respect de leur humanité sans lesquels cette communauté sombre dans les affres de l’infra-humanité qui nous rapproche des animaux..
Je parle d’infra-humanité en pensant à l’acharnement dont est victime aujourd’hui Titus Edzoa. Une de mes connaissances apprenant que la fin de la peine qui lui a été infligée s’approchant, certains s’apprêtaient à ouvrir un second procès à Edzoa pour le maintenir en détention m’a téléphoné de France avec les mots : ‘’ Ces gens-là sont désormais de véritables animaux !’’… Cri de cœur, donc d’émotion, mais aussi hélas… constat navrant et pitoyable du naufrage moral dans lequel s’enfonce notre société ou de ‘’nouveaux barbares’’ dictent une loi de haine et d’amoralité, imprimant dans la pierre de l’histoire de notre pays une tradition de perversion de la Justice dont les traces si elles ne seront pas indélébiles, requerront un long temps pour être effacées.
Il est manifeste que les observations ainsi faites révèlent un courant de fond et des lignes de fracture politique potentielle profondes. Le drame que vit le Professeur Edzoa ne doit pas être compris comme le sort d’un individu. La manière donc il se réglera édifiera l’avenir de notre pays. Si les forces de compromission de la Justice ont le dessus, ce seront les fondements même de notre nation qui seront en danger, car alors tous les repères moraux et d’humanité auront été démolis. Notre pays verra ainsi le poison de la haine s’établir dans les esprits et la première étincelle pourra donner lieu à des déchaînements de violence que nous avons, contrairement à nos voisins, su éviter ces dernières années. Il est extrêmement dangereux que ceux qui ne voient notre pays qu’à travers leurs ambitions et soif de pouvoir prennent en otage ou aliènent l’institution judiciaire.
C’est aux hommes en robe de défendre l’honneur menacé de leurs institutions. Ni moralement, ni civiquement, ni humainement, ils n’ont le droit de laisser la Justice être otage et utilisée par des politiciens aux visées étriquées, car ces politiciens passeront, mais la Justice elle devra rester. En jugeant du piédestal de leur indépendance et de leur sens de l’humanité, ils marqueront l’Histoire de notre pays d’une pierre blanche, celle de la préservation d’une tradition judiciaire qui n’aura pas à rougir aux yeux des grands juges qu’auront été le roi Salomon et Hamourabi. Et le peuple sera fier d’eux, d’avoir contribué ainsi à consolider un des piliers de ce temple de fraternité qu’est et doit demeurer notre nation et notre pays.
Célestin BEDZIGUI
Chairman, Cameroun Democratic Project
En exil aux USA.