Les populations locales remettent en cause les déclarations de Samuel Dieudonné Ivaha Diboua au journal de 20 h à la Crtv-radio.
« Compte tenu des informations que nous avions reçues, nous avons pris certaines mesures pour parer à toute éventualité », déclarait le gouverneur de la région de l’Est dimanche 17 novembre 2013 sur les antennes du poste national de la Cameroon radio and television (Crtv). C’est sur le tarmac de l’aérodrome de Bertoua qu’il résumait ainsi le dispositif sécuritaire qu’il venait de survoler par hélicoptère à Gbitti, village situé à environ 43 km de Ketté, chef-lieu de l’arrondissement éponyme, et théâtre depuis la veille aux environs de 18 h 30 d’une invasion par les rebelles de la Séléka appartenant à la branche d’Abdoulaye Miskine plus connu sous le nom de Martin Koumtamadji, sous le régime du défunt président centrafricain Ange-Félix Patassé.
Ces déclarations ont provoqué des haut-le-cœur chez les proches des populations de Gbitti que nous avons rencontrées depuis le déclenchement de ces évènements et même ce lundi 18 novembre 2013 à Bertoua. « Nous nous demandons si le gouverneur a déjà visité Gbitti avant ces troubles. S’il l’avait fait, il aurait constaté qu’aucune disposition sécuritaire n’a jamais été prise pour, comme il dit, parer à toute éventualité. Si cela avait été le cas, et avec le flot d’informations que nous mettions à la disposition des autorités camerounaises sur les menaces qui pesaient sur notre village et sur nos vies, Gbitti n’aurait jamais connu cette invasion », fulmine l’un de nos interlocuteurs, proches d’une des victimes abattues.
En effet, et le gouverneur de l’Est le reconnaît, « depuis un certain
temps, nous avions reçu certaines informations qui faisaient état d’un
groupe armé qui se préparait à attaquer nos bases au niveau du Cameroun,
venant du côté de la Rca. […] C’est ainsi que depuis quelques jours,
ces informations persistaient et les assaillants sont passés hier
(dimanche 17 novembre 2013, ndlr) aux environs de 18 h pour s’attaquer
au village de Gbitti dans la Kadéy ». Selon les populations locales, «
en fait de dispositif sécuritaire, nous avons en tout et pour tout pour
notre protection permanente depuis plusieurs années trois policiers et
sept éléments de la base du bataillon d’intervention rapide (Bir) de
Ketté qui se relaient toutes les semaines.
Tous, en plus des douaniers, ont d’ailleurs fui devant l’assaut d’un important nombre d’hommes en tenue militaire et lourdement armés venus de leur base arrière de Banga, premier village centrafricain après la rivière Bombé qui sépare le Cameroun de la Rca à ce niveau. Pendant longtemps, nous avons été molestés et séquestrés avant l’arrivée des renforts de l’armée camerounaise qui sont venus déclencher les hostilités ». Selon un communiqué du ministère de la Défense, « le bilan des accrochages est de cinq morts, plusieurs blessés et un prisonnier du côté des assaillants, un mort et un blessé du côté de nos éléments, un mort et un blessé au sein de la population civile camerounaise ».
Gbitti fait partie des localités constamment exposées à la menace d’attaques centrafricaines surtout de la branche armée du Front démocratique du peuple centrafricain (Fdpc) d’Abdoulaye Miskine qui avait fait alliance avec la Séléka aujourd’hui au pouvoir. Depuis que l’ex-rébellion est au pouvoir en Rca, on note un divorce entre les deux entités sans que l’on sache pourquoi. Toujours est-il que les tenants actuels du pouvoir à Bangui ont fait de l’arrestation de Martin Koumtamadji une priorité et engagé une lutte armée contre son mouvement. C’est au cours d’un de ces combats que le fondateur du Fdpc serait blessé. Et c’est pour se soigner qu’il avait traversé la frontière pour se retrouver à Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est, où il serait cueilli en septembre 2013 par des éléments de la Direction de la surveillance du territoire (Dst) et conduit à Yaoundé.
L’assaut de Gbitti, selon des témoins, avait alors pour but de revendiquer sa « libération ». Ce qui vient de se passer à Gbitti ne surprend que les esprits peu ou prou éveillés. Il y a quelques mois, l’ancien président centrafricain a fait des confidences à l’hebdomadaire Jeune Afrique. Des confidences qui auraient dû aiguiser l’attention des autorités camerounaises. Et si Gbitti n’était qu’un galop d’essai ?