Attaques contre Biya : Tchiroma et Belinga réagissent en silence


Cameroun/Attaques contre Biya : Tchiroma et Belinga réagissent en silence Les critiques acerbes de la France et des Etats-Unis dirigées contre le chef de l’Etat et son régime, laissent atones le Mincom et le directeur du cabinet civil.

«Vieux dictateur», «justice arbitraire», «justice fantoche» : le quotidien français Libération ne tarit pas d’invectives contre le chef de l’Etat camerounais. Où sont passés les avocats défenseurs du régime que sont Issa Tchiroma Bakary et Martin Belinga Eboutou, si souvent prompts à défendre l’indéfendable, à justifier l’injustifiable et à expliquer l’inexplicable ?

Pourquoi le porte-parole du gouvernement et le directeur du cabinet civil restent-ils atones, comme tétanisés, face au tir nourri de la France et des Etats-Unis, par leurs représentations diplomatiques interposées, qui s’indignent de la manière dont Paul Biya et son régime administrent la justice dans le cadre de la lutte contre les atteintes à la fortune publique ? Les ambassadeurs de France et des Etats-Unis, Bruno Gain et Robert P. Jackson dénoncent en effet, d’une manière crue, frontale et sans langue de bois diplomatique, la prise en otage de l’institution judiciaire camerounaise par l’Exécutif.

S’en prenant à l’«Opération épervier», le 10 octobre dernier à Yaoundé dans une allocution prononcée à l’occasion de la clôture du programme renforcement de l’engagement civique, notamment à la manière dont les juges rendent leurs décisions, Robert P. Jackson a troqué sa redingote de diplomate contre une casquette de pourfendeur du biyaïsme.

John Fru Ndi, le Chairman du Social Democratic Front (Sdf) des années 90, n’aurait pas fait mieux. Prenant en cela le relais de son homologue français, il s’est vertement attaqué au fonctionnement de l’institution judiciaire camerounaise et, au-delà, a laissé entrevoir les conséquences que sa perte de crédit engendre relativement aux investissements étrangers au Cameroun.

«Nous avons vu le pouvoir judiciaire être détourné pour annuler des prêts dûment consentis par des banques, geler des comptes bancaires sur des motifs fallacieux et, à plusieurs reprises, reporter des procès ou des décisions. Encore une fois, ces mesures entravent les investissements étrangers dans le pays et ternissent l’image du Cameroun».

Enfonçant le clou de la critique contre le fonctionnement de l’institution judiciaire, le diplomate américain est formel : «que ce soit à dessein ou non, le processus a également encouragé les critiques qui estiment que le pouvoir exécutif intervient, et donc affaiblit encore le système judiciaire camerounais», constate Robert P. Jackson.

Le système judiciaire camerounais faisait déjà hurler le très réservé ambassadeur de France au Cameroun. Le 05 octobre 2012, au terme du verdict du Tgi du Mfoundi par lequel le Français d’origine camerounaise, Thierry Michel Atangana, écopait de 20 ans de prison ferme, Bruno Gain, tout en s’interdisant de commenter la sentence, son pays n’ayant nulle intention de s’ingérer dans le processus judiciaire en cours, se permettait néanmoins d’observer que la peine infligée à son compatriote «était particulièrement lourde».

Justice fantoche

C’est donc du côté de la même France, précisément du quotidien de gauche Libération, que viendra l’artillerie lourde. Dans sa livraison du 22 octobre 2012, cette publication se déchaîne contre le chef de l’Etat camerounais, ses institutions et sa gouvernance. Sous le titre : «Deux Français dans les cachots de Biya», il ressasse les déboires judiciaires de Michel Thierry Atangana et Lydienne Yen-Eyoum, qui «croupissent depuis des années dans les geôles camerounaises, victimes de la justice arbitraire du régime. Sans que Paris ne s'émeuve». Le quotidien évoque une «justice fantoche, une justice arbitraire» entre les mains d’un chef d’Etat qu’il qualifie de «vieux dictateur».

Ces tirs nourris contre le régime et sa justice interviennent, faut-il le rappeler, au lendemain du 14e sommet de la Francophonie qui s’est tenu le 13 octobre 2012 à Kinshasa. Des assises en marge desquelles Paul Biya et François Hollande se sont entretenus avec, en bonne place, le fonctionnement de la justice camerounaise vue sous l’angle des décisions controversées qu’elle rend. La condamnation à 20 ans supplémentaires de Thierry Atangana, en l’occurrence.

Le mutisme affiché par le président camerounais en rapport avec ce dossier, à en croire la Lettre du Continent, prouve à suffire l’embarras d’un chef de l’Etat englué dans d’interminables contradictions et autres atermoiements d’une fin de règne vue sous le prisme des mécanismes de succession évoqués avec son interlocuteur.

Fidèle à son image de pourfendeur du régime Biya, Libération a, une fois de plus, fait mouche. Déjà, en 1995, un article du journaliste franco-américain Stephen Smith dénonçait la dérive absentéiste de Paul Biya sur la scène nationale et internationale. Il décrivait «un vacancier au pouvoir à Yaoundé» qui «séjourne un tiers de l'année à l'étranger et se retire quatre jours par semaine dans son village natal, lorsqu'il est au pays… Un ancien séminariste qui, depuis son arrivée au pouvoir, ne jure que par le mysticisme rosicrucien, au point d'avoir nommé son médecin personnel et ‘grand frère’ de la Rose-Croix, Titus Edzoa, secrétaire général de la présidence».

Le reporter de Libé assimilait le Cameroun de Paul Biya à un pays où «l'inertie a été érigée en art de gouverner».

Ces derniers mois, MM. Tchiroma et Belinga Eboutou nous avaient habitués à des répliques homériques, chaque fois que le système qu’ils servent était ébranlé par les critiques. Sur la sortie des diplomates français et américain, sur les deux pages au vitriol de Libération, silence dans les rangs. Comme si, en haut lieu, ordre avait été donné de faire le mort pour laisser passer la bourrasque…

© Mutations : Evariste Menounga


31/10/2012
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