Assemblée nationale : Un malaise estimé à 20 milliards F Cfa
Écrit par Valentin Siméon Zinga
Lundi, 06 Décembre 2010 08:24
Les
députés supportent de moins en moins le traitement qui leur est fait.
Leurs requêtes, parfois bruyantes, butent sur un exécutif puissant et
peu généreux. Enquête.
En la circonstance, le « palais des verres » portait
visiblement mal son appellation. De conciliabules éclairs entre le
président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre pour
d’insondables concessions en faveur du Parlement. Plus qu’un indicateur :
une décade après la rencontre rendue impérieuse entre Cavaye Yegue
Djibril et Philémon Yang, les députés étaient encore incapables de se
prononcer sur les résultats concrets obtenus par l’exécutif…
Quelques jours plus tôt, l’examen du projet de loi des finances pour l’année 2011 venait d’être suspendu au niveau de la commission des finances de la Chambre. Expression d’un significatif désaccord autour des « dépenses communes », chapitre de la loi considéré comme l’un des plus généreusement fournis. Problème : les députés exigent que le gouvernement consente à y prélever quelque deux milliards F Cfa destinés à renforcer une trésorerie parlementaire réputée éprouvée depuis de longues années. Si, du moins, on en croit des députés qui s’appuient sur la stagnation du poids de l’enveloppe. Le ministre des Finances, alerté, dit son incapacité à céder aux desideratas des députés. Ces-derniers, décidés à ne rien céder, obligent l’exécutif à recourir à l’arbitrage du « chef du gouvernement ». Les députés les plus optimistes croient savoir que la descente, selon la procédure d’urgence, du locataire de l’immeuble étoile à l’hémicycle devait procéder si ce n’est à un règlement, du moins à quelques réglages. Selon quelles modalités ? A hauteur de quels espoirs ? Les observateurs devront se contenter de sous-entendus. En l’occurrence, la reprise de l’examen du projet de loi des finances 2011. Rideau…
L’épisode concentre en vérité la face visible d’un iceberg de frustrations dans les allées de l’hémicycle. Illustration : depuis mai 2010, l’exécutif a été saisi de plusieurs correspondances par lesquelles les députés affirmaient leur volonté de rompre avec les pratiques en vigueur autour des crédits affectés à la réalisation des « micro-projets ». Dans le détail : les parlementaires souhaitaient que prenne fin l’attribution annuelle de quelque huit millions F Cfa à chacun, destinés officiellement à résoudre des questions d’infrastructures de chaque circonscription, selon une tendance générale. Simultanément, ils espéraient voir institués des « droits de tirage » en leur faveur. En clair : il devrait s’agir de la possibilité laissée à chaque député de faire inscrire au budget de l’Etat, selon une fréquence annuelle, des projets à hauteur de cent millions F Cfa par député. Et donc, par circonscription. Il devrait s’agir de doter le Cameroun de salles de classe, de centres de santé supplémentaires. Dans un pays où la tendance, pour les ministres, est de privilégier leurs régions d’origine. Et donc de contribuer à renforcer les lignes de déséquilibre, synonyme d’injustices selon de nombreux élus. Bilan des courses : dix-huit milliards F Cfa si l’exécutif devait accéder à la requête des parlementaires. Des études ont, semble-t-il, été menées. Empreintes de prudence et de réserves. Certitude : ce n’est pas en 2011- année de « budget fictif », selon des mauvaises langues - que le gouvernement lâchera du lest en la matière. Une bataille définitivement perdue face à l’exécutif?
A tout le moins : un front de plus, dans lequel sont engagés des députés si souvent nombrilistes. Les repères ne manquent pas. Ils se plaignent déjà de leurs émoluments et de leurs traitements. Qui nourrissent tant de complexes, au regard des réalités sous-régionales (lire encadré). Quelque huit cent mille F Cfa mensuels d’indemnités parlementaires pour le député « ordinaire ». Huit millions F Cfa annuels au titre de crédit automobile. Et encore : ce « crédit », déjà peu compatible avec les exigences de terrain qui nécessitent des véhicules robustes, selon des députés, devait, pendant de longues années, être remboursé. Avant que cette clause soit levée. Sans parler des indemnités de session. D’abord inexistantes, elles s’élèvent à un million deux cents mille francs, soit l’équivalent de quarante mille F Cfa par jour. Certains y ajoutent le peu de consistance des frais de mission : quarante mille F Cfa par jour pour les députés non membres de bureau ; soixante mille F Cfa pour les membres du bureau à l’intérieur du pays. Ou encore quelque deux cents soixante-quinze mille F Cfa par jour hors du Cameroun. S’y greffent des complaintes tenant à l’impossibilité pour les élus de disposer de véritables cabinets parlementaires au vu du traitement qui leur est consenti. Et une institution installée dans une logique de main tendue vers… le président de la République, ultime recours le cas échéant. Y compris lorsqu’il s’est souvent agi de la présence camerounaise dans la scène de la diplomatie parlementaire où s’affiche un président de l’Assemblée nationale, dont les proches disent admirer et plaindre son sens consommé de la débrouillardise stoïque : quelque cinq cent mille francs F Cfa de frais de mission par jour à l’étranger, « sans fonds de souveraineté comme les membres du gouvernement ». Un chapelet de complaintes qui a fini par faire de l’Assemblée nationale un mur des lamentations, certes audibles des seuls initiés… Et à en ruiner le sens l’audace politique s’agissant de ses fonctions qui sont de légiférer et de contrôler l’action du gouvernement ? Plus sûrement : une clé parmi d’autres du verrouillage du système politique par l’exécutif.
Document
1 véhicule tout terrain des élections équivalent à 12 millions Fcfa
Indemnité parlementaire (salaire) 3 millions par député par mois
Secrétariat parlementaire
Carburant
* Tchad
Dès l’élection, un Pick up neuf double cabine 4x4
Les membres du bureau ont en outre droit à uneVX pour les cérémonies
Indemnité parlementaire : 1,2 million F Cfa
Secrétariat parlementaire
Carburant
300 000 F de frais de session par jour et par député (les sessions sont étalées sur six mois l’an)
* Gabon
Un véhicule 4x4 neuf
Indemnité parlementaire : 3,5 millions par député et par mois
Fonds de souveraineté : 50 millions par député par session
Un secrétariat parlementaire
* Congo
Indemnité parlementaire : 2 millions par député et par mois
Un véhicule double cabine neuf (mais le député rembourse 50% en hors taxe))
Secrétariat parlementaire
Indemnité parlementaire : 3 millions par député et par mois
Véhicule neuf (tout terrain 4x4)
Indemnité de session 400 000 F par jour et par député
* Cameroun
- Indemnité parlementaire : 800 000 F Cfa par député et par mois
- Crédit achat véhicule 8 millions F Cfa par législature
- 40 000 F Cfa par jour de frais de session
- 225 000 F Cfa par jour hors du pays
- 60 000 F Cfa par jour dans le pays pour les membres du bureau