Assemblée Nationale: l’immunité de Cavaye menacée

YAOUNDE - 22 JUIN 2015
© Yves Marc Kamdoum | La Météo

 

En prison depuis vendredi dernier en début d’après midi, l’ancien garde du corps du président de la Chambre basse exige une confrontation avec son oncle.

 

 

Cavaye Y. Djibril, President de l'Assemblee Nationale
Photo: (c) Archives
 
À en croire des sources introduites, le neveu et désormais ex-aide de camp du président de l’Assemblée nationale (Pan) est depuis le 19 juin, pensionnaire de la prison militaire de Yaoundé à Kondengui. Selon nos informations, malgré son isolement dans ce pénitencier spécialisé, le capitaine de gendarmerie Bouba Simala n’entend pas se laisser écraser par son ancien patron qui l’accuse d’«incitation au braquage, d’actes de terrorisme, de tentative d’enlèvement». D’après l’entourage de l’officier subalterne, il se murmure que l’ancien bras droit du Pan entend organiser sa défense et prouver ainsi que tout ce qui est porté à sa charge vise simplement à faire diversion. Aussi, envisage-t-il une confrontation avec l’honorable plaignant pour la manifestation de la vérité.
 

Seulement, pour l’auditionner, la 3ème personnalité de la République devrait en principe, perdre son immunité. En d’autres mots, Cavaye Yeguié Djibril devrait préalablement faire une déposition chez le juge d’instruction et se présenter physiquement comme citoyen, et non comme député, lors de la confrontation. Ce qui, en tout cas, devra sans doute consacrer le déclenchement d’une affaire de nature à défrayer la chronique judiciaire et certainement faire des vagues devant le tribunal militaire, au vu de la gravité des charges ainsi énoncées par le plaignant.

 

Déjà, de nombreuses incongruités sautent à l’œil nu. L’on pense notamment à l’«arrêté présidentiel» signé du Pan limogeant celui qu’on a toujours présenté comme son ombre pendant 20 longues années. Pour des juristes que La Météo a approchés, cet «arrêté présidentiel » n’existe dans aucun texte, démontrant par la même occasion que la République est tenue par des hommes de la rue ! 

 

Autre incongruité, et pas des moindres qu’on assimile à un rouleau compresseur, c’est l’instruction du Pan au ministre de la Défense (Mindef) qui s’en est suivie. En effet, dans l’article 2 de son fameux arrêté, Cavaye Yeguié Djibril indique que «le ministre de la Défense, compétent pour connaitre des actes de terrorisme, d’incitation au braquage et à l’enlèvement que l’intéressé a bien voulu commettre à l’endroit du président de l’Assemblée nationale, prendra toutes les dispositions conformément à la loi en vigueur». Traduction, en faisant pratiquement  injonction au patron de la Défense, le président de la Chambre basse se pose d’ores et déjà en justicier, instrumentalisant sans sourciller le Mindef et par ricochet, orientant l’instruction judiciaire.


Pan bis.

Bouba Simala désormais en prison, il n’est pas certain que celui qui aura passé deux décennies au service de son parent, accepte de se laisser embastiller sans se répandre. Les observateurs les plus au fait du dossier parlent d’une bataille entre le gendre du Pan et le neveu du Pan, homme de rang au moment de sa prise de service chez le Pan, aujourd’hui officier. Cavaye aurait donc décidé de sauver la tête de son directeur de cabinet et sacrifié son garde du corps. Vrai ou faux ? Toujours est-il que l’infortuné, on le suppute, ne saurait manquer d’histoires cocasses sur les petits dossiers de son tonton qui vont des marchés compliqués aux «assassinats» politiques, en passant par des affaires de famille, de galipettes et autres manœuvres obscures. Pour quelques proches, sans attendre que la justice se saisisse du dossier, Cavaye Yeguié Djibril aurait voulu noyer son chien en l’accusant de rage... Et en termes de petites magouilles dans les concours administratifs au Cameroun, le capitaine de gendarmerie en a certainement plein le ventre. Il suffirait de voir comment M. Cavaye a été appelé à la remorque lorsqu’il a fallu faciliter l’admission de l’épouse du capitaine Bouba Simala à l’École normale supérieure de Maroua.

 

Pour la petite histoire, il se raconte que, se sachant pourtant détentrice d’un faux baccalauréat A4 n°419022 délivré en 2002, Malouma Zie Martine épse Bouba Simala n’a pas hésité à se servir du nom de Cavaye pour obtenir son diplôme de sortie. Mal lui en  prit, car le ministre de l’Enseignement supérieur va opposer une fin de non recevoir à sa requête. Bien qu’admise en 1er année du cycle des Sciences de l’Éducation, elle n’a  pu obtenir la licence à la fin de l’année académique 2010-2011, ce qui conformément au régime des études à l’École normale supérieure de Maroua, ne lui permet pas d’obtenir son diplôme de sortie (Dipen I).

 

En fait, sur la foi d’une correspondance du recteur de l’université de Maroua, datée du 16 novembre 2012, adressée au patron de l’Enseignement supérieur, il est rapporté qu’après l’authentification du faux Bac de Malouma Zie Martine, les responsables de l’université n’ont pas pu soumettre son diplôme de fin de formation à la signature du Minesup. Ce qui n’a pas empêché qu’elle soit intégrée administrateur d’Assemblée et nommée chargée d’études, avec rang de directeur, à l’hémicycle. À lui seul, ce cas démontre à suffire combien les liens entre Bouba Simala et Cavaye Yeguié Djibril étaient soudés. C’est dire si le procès s’annonce riche en rebondissements. Avec la nouvelle loi anti terrorisme, il ne serait pas surprenant que le Pan retrouve son neveu en prison.

 

Yves Marc Kamdoum



23/06/2015
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