Le 8 août dernier, deux fillettes ont trouvé la mort dans des circonstances pour le moins suspectes. Plus de trois mois après, l’enquête piétine, la communauté nationale adopte un silence coupable. Les parents éprouvés abandonnés à leur triste sort. Et les suspects nullement inquiétés.
Al’heure qu’il est, les fillettes Epanya devraient avoir repris les classes comme tous les enfants de leur âge. Elles auraient déjà composé la première séquence ; elles devraient raconter tous les soirs leurs expériences de l’école et de la vie à leurs parents ; les Epanya devraient dîner tous les soirs avec elles comme depuis qu’elles sont entrées dans leurs vies.
Hélas, non. Depuis le 8 août dernier, le couple Epanya dîne dans la solitude, «orphelins» qu’ils sont devenus, de leurs fillettes. Ils ne dorment plus, non pas parce que comme tout parents attentionnés, ils gardent un oeil ouvert afin de veiller au sommeil de leurs fillettes. Ils ont perdu le sommeil comme n’importe quel parent ayant perdu son enfant.
Dans leur cas, ils sont inconsolables parce que les circonstances de la mort de leurs fillettes ne sont pas élucidées. Pire, elles ne semblent intéresser personne. Ni la justice chargée de rendre précisément une justice équitable aux citoyens, lesquels sont égaux devant la loi, ni la communauté nationale qui ne s’inquiète pas de ce que de plus en plus, des individus se croient capables de toucher à un enfant sans être inquiétés.
Même si l’affaire est encore en instruction, on ne peut s’empêcher d’interroger le silence des autorités judiciaires en charge qui n’ont pas jugé nécessaire de rassurer le corps social de ce drame qui a secoué la capitale économique. Pour être des juges, ils n’en sont pas moins des hommes et des femmes.
Face au désarroi des parents et à l’indignation des populations, ils devraient faire preuve d’humanité, ou au moins rassurer
les parents et l’opinion qui commencent à avoir des doutes sur la bonne
conduite de l’affaire. Comme cela se fait ailleurs, une conférence de
presse par exemple du juge d’instruction pour informer l’opinion, non
pas du contenu de l’enquête, mais de son niveau d’avancement, des
difficultés rencontrées et éventuellement pour lancer un appel à témoins
au cas où la vérité était trop maquillée.
Selon toute vraisemblance, les filles Epanya auraient été victimes d’un horrible meurtre maquillé en noyade, intervenu après des violences sexuelles par pénétration anale. Un ou des pervers auraient cruellement abusé des enfants avec les conséquences que l’on sait. Selon le père des enfants, ses filles auraient été les victimes faciles d’adeptes de pratiques satanistes. Quoiqu’il en soit, les légistes ont déterminé que la mort de ces enfants n’était pas naturelle.
Donc, quelqu’un ou des gens ont tué ces enfants. Au-delà du fait que donner la mort est un crime sévèrement réprimé dans
toutes les sociétés humaines, il se trouve que c’est à des enfants qu’on
a ôté la vie le 8 août dernier. Or, quelle que soit la société, on ne
touche pas à un enfant. Un enfant, c’est sacré. Ceux qui font du mal aux
enfants sont des parias, des marginaux, des malades et doivent être
traités comme tel.
Au-delà de la douleur des parents Epanya, ces meurtres sont révélateurs
de la déliquescence de notre société. Tout silence face à ce drame est
un aveu de complicité.
Où sont passés les parents du Cameroun ? Où sont les avocats, confrères de Me Epanya si durement éprouvé ?
Notre société est-elle à ce point déshumanisée que même le réflexe corporatiste souvent si fort chez les avocats a foutu le camp ? Comment des hommes de droit peuvent-ils se murer dans un silence aussi assourdissant au moment où toges et toques devaient être en action dans les prétoires pour exiger la manifestation de la vérité ?
Où sont les autorités administratives ? Où est le maire territorialement compétent ? Où est le président de la République ?
Paul Biya, tout président de la République qu’il est, n’en est pas moins un parent. Père de Paul Junior et Anastasie Brenda, il devrait se montrer sensible au destin de parents maltraités. Imagine-t-on ici oùailleurs quelqu’un toucher à un cheveu de Brenda, la violer et la tuer et commencer à jouer avec les enquêteurs afin de mieux brouiller les pistes, sans que la République se mobilise pour mettre hors d’état de nuire le malfaiteur?
Tout de même ! La communauté nationale s’est mobilisée derrière la jeune Vanessa Tchatchou dont des méchants, aussi cruels que les meurtriers des filles Epanya avaient soustrait le bébé. C’était un formidable élan de solidarité nationale qu’elle avait amplement mérité, comme tout parent qui serait frustré de son enfant. Certes, les trafiquants sans scrupules ont trouvé le moyen de faire échec à la mobilisation nationale en noyant le poisson, mais l’opinion nationale et internationale sait désormais qu’il existe des ogres avaleurs d’enfants dans notre pays, qui opèrent de jour, à visage découvert.
Il est naïf de croire que cette mobilisation derrière Vanessa Tchatchou a été sans importance pour baisser la garde. L’ennemi ne dort jamais. Ce qui a été vrai pour la jeune Tchatchou vient de se vérifier pour les Epanya. Et se vérifiera encore pour tous les parents, si nous laissons le loup se balader dans la bergerie.
Les filles Epanya, comme tous les enfants, méritaient de vivre. Les gens qui touchent aux enfants sont des dangereux criminels qui n’hésiteront pas à récidiver. Se taire, les laisser tranquilles est une invitation, un encouragement pour qu’ils continuent à poser des forfaits de la même nature.