Majorité présidentielle :Chassé - croisée
Regard sur les positions des différents alliés de Biya pour une entrée au gouvernement.Ce n’est pas que dans le camp du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) que se mène la lutte pour
l’entrée au gouvernement. Entre les partis de la majorité, les alliés de fortune et autres opportunistes, ça se bouscule. Dans un contexte marqué par des soupçons de menaces de déstabilisation du pays par des forces obscures, la Déclaration de Yaoundé signée de sept candidats malheureux à la présidentielle (Fru Ndi, Dzongang, Kah Walla, Momo, Muna, Ndam Njoya et Ayah Paul) le 17 octobre dernier, a semé la confusion dans les esprits. Et dans son message de remerciement à la nation, Paul Biya a davantage aiguisé les appétits en indiquant son souci d’ouverture caché dans le terme «ensemble».
Du coup, une nouvelle majorité présidentielle est née et n’entend pas se faire prier pour accepter la main tendue. Sept hommes, Jean Baptiste Ayissi Ntsama, Paul Christophe Owona, Dieudonné Bizolé, Benoît Olivier Essomba, Marc Léopold Mvogo, Guy Roger Ndinibol Malanga et Narcisse Abé, tous des acteurs inconnus de la scène publique, ont signé une autre Déclaration de Yaoundé, pour contrer les sept d’en face. Le plus important est le nom qu’ils se sont donné et qui est assez révélateur des attentes de ces autres «Biyaïstes».
Pas besoin de trop s’agiter pour la majorité présidentielle formelle, ainsi que ces autres alliés. En bonne place, Bello Bouba et Hamadou Moustapha. Le premier est presque assuré de garder au moins une place dans le prochain gouvernement. Lui qui avait déjà réussi à dribbler le bureau politique de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp), son parti, le 4 septembre dernier. En s’abstenant de se présenter à la présidentielle comme le souhaitaient ses militants, pour soutenir le candidat du Rdpc. Les militants dénonçaient le non-respect par le parti au pouvoir de la plateforme qui les lie. Bello Bouba qui ne pouvait plus justifier un poids électoral à même de prétendre remporter l’élection, ou même de pouvoir poursuivre la relation engagée en 1997, ne sauva son autorité à la tête du parti qu’avec l’intervention de René Emmanuel Sadi, l’envoyé de Paul Biya qui a explicitement reconnu que son parti a failli. Du coup, même si les militants de l’Undp n’étaient pas toujours enclins à baisser le bras, ils avaient au moins une raison de continuer à suivre leur leader.
Hamadou Moustapha, lui, a participé fut-il timidement, à la campagne de Paul Biya. Même si le président de l’Andp (Alliance nationale pour la démocratie et le progrès) n’est pas régulièrement monté au créneau, on a vu ses militants et même les cadres de son parti, comme le vice-président Aladji Aroga, dans des meeting pro-Biya, prenant parfois la parole.
Garga Haman Adji
Issa Tchiroma Bakary, le président du Front national du salut public, a presque forcé les portes du gouvernement le 30 juin 2009, après quelques années d’errance, au moment où l’Undp, principal allié du Rdpc, vivait son évanouissement. Jouant sa carte personnelle, le ministre de la Communication, peine à déterminer s’il fait partie de la majorité présidentielle ou pas. L’ex-militant de l’Undp préfère faire valoir ses idées néo-nationalistes. Depuis son entrée au gouvernement le 30 juin 2009, Issa Tchiroma passe pour être pratiquement le griot de la République, défendant à tout prix et à tous les prix l’Etat, et surtout Paul Biya qu’il voit comme «le seul homme qui peut assurer la paix au peuple camerounais», «le seul qui peut apporter la prospérité». Et profitant des prérogatives de porte-parole du gouvernement qu’il a su assumer en l’absence d’une désignation formelle d’un responsable à cette fonction, l’homme s’est refait une santé politique dans le septentrion. Aujourd’hui, Issa Tchiroma peut prétendre revendiquer une grande part dans la victoire de Paul Biya.
Dakolé Daïssala est resté davantage à la réserve, mais ne voudrait pas y rester indéfiniment. Surtout, l’ancien ministre des Transports a bien compris le sens du terme «ensemble» utilisé par Paul Biya dans son message de remerciements au peuple camerounais. «Le candidat Paul Biya, qui est le candidat du peuple, a remporté la présidentielle dans les zones sous-contrôle du Mdr, par des scores à la soviétique», dit-il. Suffisant pour que l’homme revendique sa part du gâteau. Lui qui met en garde le Rdpc de «confisquer le pouvoir» alors que tout le peuple a travaillé pour cette victoire.
Mais Garga Haman Adji, le président de l’Add, apparaît comme le plus grand bénéficiaire du désistement de tous les leaders du Grand Nord, avec une amélioration considérable de ses scores dans cette partie du pays qui détient le gros de l’électorat. Ainsi, le candidat de l’Alliance pour la démocratie et le développement (Add) arrive en 3ème position de l’élection. Ce qui peut dans une certaine mesure trahir l’adhésion boiteuse des électeurs du septentrion aux appels de leurs leaders politiques à voter en faveur du président Biya. Avec un tel poids, l’ancien ministre de la Fonction publique et « chasseur de baleines » qui n’a jamais fait partie des opposants radicaux, peut légitiment prétendre à un morceau de gâteau consistant. Il a déjà signifié à certains confrères qu’il ne voudrait pas moins que la primature.