Le président s’enferme dans le silence. Le prisonnier occupe seul le terrain
Enfin du mouvement dans les Etats major du régime ! Tétanisé, le Rdpc, s’ébroue non sans peine pour organiser des grandes messes en faveur de son champion attaqué de toutes parts. Le chantre de Biya a retrouvé sa langue pour repasser la pommade à son coach et le rassurer que ses joueurs se préparent dans les vestiaires. Mais Fame Ndongo, sans trop s’aventurer, est resté fidèle à lui-même. Il a publié dans le journal du parti au pouvoir un texte imbuvable pour une défense aérienne sans relief, où le charabia le dispute à l’angoisse du maître de la parole du renouveau. Emmuré dans le palais de l'Unité, le chef de l’Etat semble étranger à ce qui se passe autour de lui. Pourtant la montée des périls est grande et le désamour avec l’opinion publique va s’accentuant, suite à la série des lettres de Marafa Hamidou Yaya, qui le mettent implicitement en cause dans le déclenchement et le suivi de l’affaire ‘Albatros’.
Biya s’en amuse-t-il? Rien n’est moins sûr lorsque l’on voit les réactions des autorités et des forces de sécurité : création subite de prisons secondaires dans les casernes militaires ; cagoules et enlèvements nocturnes des ex-proches collaborateurs du président, conduits manu militari de la prison de Kondengui au Sed. Mais surtout, Paul Biya s’est muré dans un silence qui en dit long sur l’effet Marafa à Etoudi. Le roi est-il enfin nu ? Pour moins que cela, et avec une célérité surprenante pour ce grand maître du silence, le président était sorti de sa réserve en 2004 en répondant à une simple rumeur le donnant pour mort.
En effet, le 4 juin 2004, une rumeur avait fait état de sa mort dans un hôpital genevois où il séjournait depuis le 29 mai 2004. A sa descente d'avion à l'aéroport de Yaoundé cinq jours plus tard, il déclarait, sarcastique : «Je vois que les gens s'intéressent à mes obsèques. Je leur donne rendez-vous dans une vingtaine d'années».
On rapporte que cette rumeur aurait sérieusement fait "rigoler" le locataire d’Etoudi. Cette fois ci pourtant, l’heure n’est plus à la rigolade. Un prisonnier, promis à un enfermement longue durée lui tient la dragée haute, malgré la vigilance des services de sécurité qui ont été mis en branle, afin de découvrir l’itinéraire des ‘versets sataniques’ de l’enfant terrible de Marouaré à Garoua, décidé à ne pas s’en laisser conter. On pourrait donc se demander, quel besoin avait-on de faire arrêter Marafa ? Pour quelle urgence ? Pour quels motifs introuvables à ce jour ? Et pourquoi dans des conditions aussi troubles ? Le terrain de la confrontation choisi par le pouvoir était-il le plus opportun ? Faisant une lecture des précédents de l’Epervier et de l’Albatros réunis, l’ex-secrétaire général de la présidence de la République, initié par excellence, avait donc préparé ses billes au cas où…Evitant le terrain judiciaire mais éculé de l’adversaire pour lui faire jouer dans son propre terrain, c'est-à-dire l’opinion publique.
Gorge d’un python
L’émoi est donc à son comble au sein des premiers cercles du pouvoir, y compris dans certaines officines, face à l’amplification des lettres de Marafa, mais surtout à la fébrilité du pouvoir qui va de bourdes en maladresses dans la gestion du dossier donc à l’évidence, il s’agit plus d’un règlement de comptes politiques que d’un problème de droit commun. En cela, le régime s’est offert des verges pour se faire fouetter. C’est le moins que l’on puisse dire. Son long silence est édifiant et la riposte en marche, évanescente. Fame Ndongo et les autres n’y feront rien pour retourner l’opinion publique à la faveur de Biya, aujourd’hui en première ligne, qui se tient coi, alors que par auxiliaires interposés, on l’a vu étincelant de morgue, dans d’autres affaires.
Joseph Anderson Le, chef de la cellule de communication de la présidence de la République, pressé de se faire remarquer a eu le temps de jeter un pavé dans la mare en commettant une tribune libre pour tancer l’opinion publique à propos de : «L’interpellation, le lundi 16 avril 2012 à Yaoundé, de deux personnalités (sic) ayant occupé de hautes fonctions au sein de l’appareil étatique ». Plutôt que de célébrer, écrira t-il imprudemment, « le retour au Renouveau originel tant réclamé, plutôt que de saluer l’avènement de la « République exemplaire » tant souhaitée et si chère au promoteur du Renouveau national, adepte de la politique de rigueur et de moralisation, d’où vient-il que l’on veuille assimiler et réduire un combat aussi noble à quelque opération de cure ou d’épuration politique ? D’où vient-il que l’on aille chercher si loin dans le temps et dans l’espace géographique, pour comparer le Cameroun de Paul Biya à un régime dont les méthodes sont restées tristement célèbres depuis le début du 20ème siècle? D’où vient-il que ceux-là mêmes qui, hier, taxaient le régime du Renouveau d’indolent, de laxiste, d’inerte ou encore de paradis de l’impunité, s’émeuvent tant lorsque la phase répressive du processus d’assainissement des mœurs publiques est rendue effective ? »
On peut donc dire sans risque de se tromper que le régime communique et sait rendre coup pour coup sur le terrain de la bataille médiatique, terrain de prédilection des ‘éperviables’. Sauf que cette fois-ci, le chant du renouveau s’est éteint dans la gorge d’un python : il s’appelle Marafa Hamidou Yaya. Etoudi qui a perdu pied se tait ou baragouine, faute d’arguments…