Après les bombes, les « réformes » du FMI
Au terme du G8 de Marseille, la néo-directrice du FMI, la française Christine Lagarde, a fait une annonce solennelle : «
Le Fonds Monétaire International reconnaît le Conseil de transition
comme gouvernement de la Libye et est prêt, en envoyant au plus tôt son
staff sur le terrain, à lui fournir assistance technique, conseil
politique et soutien financier pour reconstruire l’économie et commencer
les réformes ».
Aucun doute, sur la base de l’expérience
consolidée du Fmi, que les réformes signifieront ouvrir grand les portes
aux multinationales, privatiser les propriétés publiques et endetter
l’économie. A commencer par le secteur pétrolier, dans lequel le FMI
aidera le nouveau gouvernement à « rétablir la production pour générer un revenu et re-stabiliser un système de paiements ».
Les réserves pétrolières libyennes -les plus grandes de l’Afrique,
précieuses pour leur qualité élevée et leur bas coût d’extraction- et
celles du gaz naturel sont déjà au centre d’une âpre compétition entre
les « amis de la Libye ».
L’Eni a signé le 29 août un mémorandum avec le Cnt de Benghazi, dans
le but de rester le premier opérateur international d’hydrocarbures en
Libye. Mais son primat est l’objet de quelques embûches dressées par la
France : le Cnt s’est engagé le 3 avril à lui concéder 35% du pétrole
libyen. Et sont aussi dans la compétition les Etats-Unis, la
Grande-Bretagne, l’Allemagne et quelques autres. Leurs multinationales
obtiendront les licences d’exploitation à des conditions beaucoup plus
favorables que celles pratiquées jusqu’à maintenant, qui laissaient
jusqu’à 90% du brut extrait à la compagnie nationale libyenne. Et il
n’est pas exclu que celle-ci aussi ne finisse entre leurs mains, à
travers une privatisation imposée par le FMI.
En plus de l’or
noir, les multinationales européennes et étasuniennes visent l’or blanc
libyen : l’immense réserve d’eau fossile de la nappe nubienne (estimée à
150mille km3), qui s’étend sous la Libye, l’Egypte, le Soudan et le
Tchad. Les possibilités de développement qu’elle offre ont été
démontrées par la Libye, qui a construit un réseau d’aqueducs de 4mille
Kms de long (qui a coûté 25 milliards de dollars) pour transporter
l’eau, extraite en profondeur par 1.300 puits dans le désert, jusqu’aux
villes côtières (Benghazi ayant été une des premières servies) et à
l’oasis de Khufrah, en fertilisant les terres désertiques.
Ce n’est pas un hasard si, en juillet, l’OTAN a bombardé l’aqueduc et
détruit la fabrique, près de Brega, qui produisait les conduites
nécessaires aux réparations. C’est sur ces réserves hydriques, en
perspective plus précieuses encore que les pétrolifères, que veulent
mettre la main -à travers les privatisations promues par le FMI- les
multinationales de l’eau, surtout françaises (Suez, Veolia et autres)
qui contrôlent presque la moitié du marché mondial de l’eau privatisée.
Et pour réparer l’aqueduc et les infrastructures, les multinationales
étasuniennes comme Kellogg Brown & Root, spécialisées dans la
reconstruction de ce que les bombes USA/OTAN détruisent, sont prêtes à
s’en occuper : en Irak et Afghanistan elles ont reçu en deux années des
contrats d’un montant d’environ 10 milliards de dollars.
Pour les
approvisionnements des nouvelles forces armées libyennes en armements,
après que l’OTAN ait détruit la plus grande partie de ceux qui
existaient, ce sont surtout les industries guerrières étasuniennes,
britanniques, françaises et italiennes qui s’en occuperont. Les affaires
ont le vent en poupe : les exportations britanniques d’armes en Afrique
du Nord et Moyen-Orient ont augmenté de 30% dans les premiers mois de
l’année, à cause de la demande accrue de la part de régimes comme ceux
du Bahrein et de l'Arabie saoudite, engagés à réprimer leurs mouvements
populaires.
L’entière « reconstruction », sous la régie
du FMI, sera payée avec les fonds souverains libyens (environ 70
milliards de dollars plus d’autres investissements extérieurs pour un
total de 150), une fois « décongelés », et avec les nouveaux
revenus de l’export pétrolier (environ 30 milliards annuels avant la
guerre). Ils seront gérés par la nouvelle « Central Bank of Libya »,
qui avec l’aide du FMI sera transformée en une filiale de HSBC
(Londres), de Goldman Sachs (NEW York) et d’autres banques
multinationales d’investissement. Elles pourront de cette façon pénétrer
encore plus en Afrique, où ces fonds sont investis dans plus de 25
pays, et miner les organismes financiers indépendants de l’Union
africaine -la Banque centrale, la Banque d’investissement et le Fonds
monétaire- nés surtout grâce aux investissements libyens. La « saine gestion financière publique »,
que le FMI s’engage à réaliser, sera garantie par le nouveau ministre
des finances et du pétrole Ali Tarhouni, ancien enseignant de la
Business School de l’Université de Washington, autrement dit nommé par
la Maison Blanche.
Edition de mardi 13 septembre de il manifesto
www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20110913/manip2pg/08/manip2pz/309832/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio / mondialisation.ca