C’est le décret présidentiel du 31 octobre 1972 qui a attribué cette dénomination à l’équipe nationale de football du Cameroun. Qu’elles sont éloignées l’une de l’autre, les deux époques bien distinctes de la politique sportive au Cameroun ! Celle des années 1970 où le moindre échec était source de remise en cause et celle des nos années 2000 et 2010 où l’on a plutôt l’impression que l’accumulation des échecs amuse tout le monde et n’interpelle personne.
Car, qu’on se le dise : le traumatisme de la «8ème Coupe» fut plutôt un mal pour un bien, à cette époque là ! En 1972, le Cameroun avait organisé la 8ème édition de la Coupe d’Afrique des nations (Can) et fut éliminé de façon inattendue en demi-finale par le Congo, plongeant tout un peuple dans le deuil.
Félix Tonyé Mbog, «L’homme qui créa les Lions indomptables»
Mais au-delà de la déception sportive, il y eut
des relents de malversations financières au sein du comité
d’organisation, lesquels furent sévèrement réprimés (limogeages, mises
en débet, emprisonnements) par le pouvoir politique, qui ne se contenta
pas de faire la répression mais engagea
aussi une réflexion profonde pour sortir le sport camerounais de l’à-peu-près et le bâtir sur des fondations solides.
24 juillet 1972. Félix Tonyé Mbog, 38 ans, secrétaire général du ministère du Travail, reçoit un appel téléphonie qui l’informe que le président de la République, Ahmadou Ahidjo, le reçoit à 11h. Sans plus. Ahidjo inspire une certaine terreur ou, à tout le moins, une crainte révérencielle à ses collaborateurs.
Autant dire que le jeune haut commis de l’Etat est anxieux, ce d’autant que l’objet de cette convocation n’est pas spécifié. Lorsqu’il entre dans le bureau du président Ahidjo, celui-ci le reçoit et commence l’entretien : « Eh bien, Tonyè, j’ai décidé de te nommer ministre de la Jeunesse et des Sports. Acceptes-tu ? », lui demande-t-il. « Oui, j’accepte monsieur le président », lui répond Félix Tonyè Mbog. « Vas-y, je compte sur toi ! » Fin de l’entretien. Félix Tonyè Mbog fait donc son entrée dans le gouvernement Ahidjo du 24 juillet 1972. La nouvelle est officialisée au journal de 13h. Le président Ahidjo avait à cœur de voir au moins ses ministres avant de les nommer…
Les réformes concoctées au ministère de la Jeunesse et des Sports (Minjes) visaient à réconcilier les Camerounais avec le sportroi, eux qui n’avaient pas pu digérer l’échec de la Can 1972, la seule organisée par leur pays jusqu’à ce jour.
«Face au cataclysme qui s’était abattu sur le ministère de la Jeunesse et des Sports et au traumatisme sans précédent qui avait secoué le mouvement sportif camerounais dans ce qu’il avait de plus représentatif, à savoir le football, une thérapeutique en profondeur s’imposait», témoigne Félix Tonye Mbog dans un livre d’entretiens avec Edouard Oum publié en 2010 sous le titre «L’homme qui créa les Lions indomptables».
Parmi les remèdes apportés au grand malade qu’était le football camerounais, la Charte des sports fut révisée, l’Institut national de la jeunesse et des sports (INJS) fut réorganisé, l’Office national des sports (ONS) fut créé, le professeur René Essomba remplacé à la présidence de la Fécafoot pour être promu président du Comité national olympique,et bien sûr un nom officiel fut attribué à l’équipe nationale de football.
C’est au terme d’une vaste consultation lancée par le ministre Tonye Mbog parmi ses collaborateurs et dans les milieux du football que sortit le nom «Lions indomptables». L’initiateur de la consultation (dans le livre cité ci-dessous) s’en souvient : «La dénomination Lion remporta tous les suffrages. Roi de la forêt, des steppes et des savanes camerounaises, symbole de la domination, de la royauté, de la force, du courage, de l’invincibilité, de la dignité, de la grandeur et de la fierté….
Hélas, cette unanimité se heurta au constat que le Cameroun ne serait pas le seul à porter ce nom, face aux Lions de l’Atlas du Maroc et aux Lions de la Teranga du Sénégal (…) Et c’est alors que, mû par une lumineuse intuition à la fois visionnaire et quasi prophétique, je lançai le qualificatif "indomptables"».
Ainsi naquirent donc les Lions indomptables, qui ne cessent d’être domptés ces derniers temps au point de manquer successivement deux phases finales de la Coupe d’Afrique des nations (2012 et 2013), cette épreuve-reine du football continental dont l’échec camerounais à domicile en 1972 permit d’accoucher de ce beau nom et plus tard de son beau palmarès toujours envié.
Voici la carte de baptème des Lions Indomptables
DECRET N° 72/600 DU 31 OCTOBRE 1972 Portant organisation de l’Equipe Nationale de Football
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
Vu la Constitution de la République Unie du Cameroun;
Vu le Décret n° 72/DF/281 du 8 Juin 1972 portant organisation du
Gouvernement de la République Unie du Cameroun;
Vu le Décret n° 72/470 du 15 Septembre 1972 portant réorganisation du
Ministère de la Jeunesse et des Sports ;
Vu le Décret n° 67/DF/395 du 11 Septembre 1967 modifiant le texte de la Charte des Sport ;
DECRETE:
TITRE I
OBJECTIFS, COMPOSITION, ADMINISTRATION DE L’EQUIPE NATIONALE
CHAPITRE I :
OBJECTIFS ET DENOMINATION
Article premier: L’Equipe Nationale de Football de la République Unie du Cameroun représente l’élite sportive dans cette spécialité .Elle a pour objectif essentiel de représenter la République Unie du Cameroun dans les compétitions internationales.
Elle a pour dénomination: « LES LIONS INDOMPTABLES »
CHAPITRE II
COMPOSITION
Article 2.- Composée des meilleurs éléments camerounais sélectionnés
au sein des associations sportives nationales ou étrangères, l’Equipe
Nationale de la République Unie du Cameroun comprend:
a) - l’Equipe fanion ;
b) - l’Equipe junior.
Article 3 : Elle est représentée à l’échelon provincial par :
- une sélection provinciale fanion ;
- une sélection provinciale junior
CHAPITRE III
ADMINISTRATION
Article 4 :L’Equipe Nationale de Football de la République Unie du Cameroun est administrée par une commission technique nationale qui comprend :
- une Direction Administrative
- une Direction Technique.
Cette commission technique nationale est placée sous l’autorité du Président de l’Office National des Sports.
Article 5 : DE LA DIRECTION ADMINISTRATIVE
La Direction Administrative placée sous l’autorité d’un Directeur Administratif avec rang de Chef de Service de l’Administration Centrale est responsable de tous les problèmes administratifs et financiers de l’Equipe Nationale.
A ce titre elle est notamment chargée de :
-l’élaboration du projet de budget de fonctionnement de l’équipe
Nationale et de son exécution ; -l’établissement du projet de calendrier
des rencontres de 1’Equipe Nationale en rapport avec les organismes
intéressés (Fecafoot, ONS, etc...)
-la comptabilité matières et de l’entretien du matériel.
Article 6 : DE LA DIRECTION TECHNIQUE
Placée sous l’autorité d’un Entraîneur National—Sélectionneur
spécialisé en Football, avec rang de Chef de Service de l’Administration
Centrale, la direction technique est responsable de tous les problèmes
techniques de l’Equipe Nationale.
A ce titre, elle est chargée de :
-l’organisation technique des stages et rencontres de l’Equipe
Nationale ;
- l’application du programme national de Football ;
-l’organisation et de la diffusion des techniques et méthodes propres à
promouvoir la qualité et l’efficacité du Football Camerounais ;
- la sélection des joueurs de l’Equipe Nationale ;
- l’encadrement technique et de la discipline des joueurs de l’Equipe Nationale ;
- la formation des entraîneurs de Football ;
- la coordination et de la programmation des activités des Entraîneurs Provinciaux ;
- la tenue des fichiers des joueurs de l’Equipe Nationale ;
-la collecte des informations relatives à ta technique du Football des
autres pays et de leur diffusion l’intérieur du Territoire ;
- des missions éventuelles d’information dans le domaine du Football.
Article 7: Pour assurer sa mission, la Commission Technique Nationale
dispose d’un bureau des affaires administratives et financières placé sous l’autorité du Directeur Administratif.
TITRE II.
DES RESSOURCES
Article 8 : L’Equipe Nationale dispose d’un budget de fonctionnement, annuel alimenté par
- des subventions de l’Etat
- des subventions de l’Office National des Sports.
TITRE III
DES RAPPORTS DE L’EQUIPE NATIONALE AVEC LE MINISTRE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS L’OFFICE NATIONAL DES SPORTS, LA FEDERATION CAMEROUNAISE DE FOOTBALL.
Article 9: Tout engagement de l’Equipe Nationale à une compétition
internationale est subordonné à l’approbation préalable du Ministre
chargé des Sports.
Article 10 : Les demandes d’autorisation d’absence des joueurs de
l’Equipe Nationale Auprès des employeurs relèvent de la compétence du
Ministre chargé des Sports sur propositions de l’Entraîneur
National—Sélectionneur.
Article 11 : La Fédération Camerounaise de Football est chargée de
l’exécution, des sanctions disciplinaires prises à l’encontre des
joueurs par la Commission Technique Nationale conformément aux
dispositions de l’article 19..
TITRE IV
DES DROITS ET OBLIGATIONS DES JOUEURS DE L’EQUIPE NATIONALE
CHAPITRE 1
DES DROITS
Article 12 : Les joueurs sont placés sous le contrôle permanent des services médicaux. Ils bénéficient de la gratuité des soins médicaux et pharmaceutiques pendant la durée de leur incorporation à 1’ Equipe Nationale.Pendant la période de stages et de compétitions, les intéressés bénéficient d’une police d’assurance spéciale.
Article 13 : Les Joueurs reçoivent tous les équipements nécessaires aux entraînements et aux compétitions.
Article 14 : Ils perçoivent des manques à gagner tenant lieu de salaire sur présentation d’une attestation de l’employeur.
Article 15 : Les joueurs de l’Equipe Nationale sont pris en pension pendant les périodes des stages et des compétitions.
CHAPITRE II : DES OBLIGATION
Article 16 : Les joueurs sont tenus de respecter scrupuleusement la
discipline de l’Equipe Nationale. A cet effet, ils doivent répondre à
toutes les convocations et notamment participer à toutes les séances
d’entraînement de I’Equipe Nationale, sauf en cas de dispense accordée
par l’Entraîneur National ou le Médecin de I’Equipe Nationale.
Article 17 : Ils doivent, lors de entraînements et compétitions
notamment faire preuve de combativité, de dignité, de civisme, de
loyauté et de sportivité et se soumettre en toutes circonstances aux
directives des responsables de l’Equipe Nationale.
Article 1 8 : Au moins une fois par an, les joueurs de I’Equipe
Nationale sont tenus de subir sous l’autorité du Ministre des Forces
Armées, une
période de préparation militaire au cours de laquelle un accent
particulier devra être mis sur la condition physique, la combativité,
les sens de la discipline et de 1’honneur national.
Article 19 : Tout manquement aux obligations prévues au chapitre II entraîne les différentes sanctions ci après désignées :
1- avertissement oral ;
2- avertissement écrit ;
3- blâme ;
4- suspension temporaire ;
5- exclusion définitive ;
6- radiation de la Fédération Camerounaise de Football.
Article 20 : La suspension temporaire ou l’exclusion définitive de
l’Equipe Nationale peuvent en tant que de besoin entraîner la suspension
temporaire ou l’exclusion définitive de la Fédération Camerounaise de
Football.
Article 21 : Tout manquement par un joueur aux obligations prévues aux
articles 18 et 19 et qui serait le fait de son club entraîne pour
celuici les sanctions ci-dessous:
1- si le joueur a pris part à un match officiel de son club, ce dernier perd te match par pénalité ;
2- si le joueur a pris part à un match amical de son club, ce club est
frappé d’une amende de 25.000 francs à verser à l’Equipe Nationale.
TITRE V
DES SELECTIONS PROVINCIALES
Article 22 : Composée des meilleurs éléments camerounais sélectionnés
au sein des associations sportives provinciales, la sélection
provinciale de Football assure la relève des Joueurs de l’Equipe
Nationale et représente la Province dans les différentes rencontres,
Elle comprend:
-une sélection provinciale fanion;
-une sélection provinciale junior.
Elle est dirigée par l’entraîneur provincial sous l’autorité de
l’inspecteur de la Jeunesse et des Sports de la Province concernée.
Article 23 :L’entraîneur provincial, agent spécialisé en Football,
avec rang de Chef de Bureau de l’Administration Centrale est chargé de:
- l’organisation technique des stages au niveau de la Province;
- l’application et de la diffusion du programme national de football;
- l’initiation et du perfectionnement des cadres techniques des clubs;
- la tenue du fichier de l’élite provinciale du football.
Les entraîneurs provinciaux sont tenus de faire approuver par
l’entraîneur—sélectionneur national leurs programmes annuelsd’activités.
Article 24 : Tout joueur qui refuse sans motif valable de répondre à une convocation de l’équipe provinciale peut faire l’objet d’une suspension allant de deux à cinq matches disputés par son club. Cette sanction est prie par la Fédération Camerounaise de Football, sur proposition de l’Inspecteur Provincial de la Jeunesse et des Sports.
TITRE VI
DISPOSITIONS GENERALES
Article 25 : Les clubs nationaux de Football qualifiés et engagés aux
compétitions internationales bénéficieront en tant que de besoin des
avantages prévus par le présent texte.
Article 26 : Les Directeurs Administratif et Technique prévus par le
présent texte sont nommés pur arrêté présidentiel. Les entraîneurs
provinciaux et Chef de bureau pur le présent texte sont nommés par
arrêté du Ministre chargé des Sports.
Article 27 : Les arrêtés du Ministre chargé des Sports préciseront en
tant que de besoin les modalités d’application du présent texte.
Article 28 : Le présent décret sera enregistré et publié au journal
Officiel de la République Unie du Cameroun en Français et en Anglais.
Le Président de la République
(é) EL HADJ AHMADOU AHIDJO