Du fait de la loi d’amnistie de 1991, le retour des restes de ces camerounais ne peut se faire à travers une procédure judiciaire. La loi n°91/002 du 23 avril 1991 a retenu deux effets pour amnistie : « la réintégration dans les emplois publics et la restitution des biens confisqués ». Le rapatriement ou la restitution des restes des personnes tuées ou mortes en détention ne figurent donc pas parmi les mesures prévues.
Un Comité demande en effet au gouvernement « d’établir un certificat individuel de genre de mort des putschistes fusillés ou morts en détention. Le but étant que les familles disposent d’un document légal leur permettant de liquider les droits de succession en suspens, et de bénéficier de leurs effets ».
Affaire classée
L’amnistie (perte de mémoire) peut être regardée comme « la volonté d’une société de faire tomber dans l'oubli la commission de certains faits et ses conséquences pénales. Et ce, lorsque la paix et la stabilité sont en jeu ». D’après Me Cédric Bell,avocat au barreau du Cameroun, « la loi n’interdit pas d’entreprendre une démarche de rapatriement.
Toute fois ; précise-t-il, rien n’oblige l’Etat à accompagner ou se plier à une telle initiative. A moins que ce ne soit sous la forme d’une mesure gracieuse ».
Un universitaire affirme que « l'amnistie est une mesure de faveur et non une mesure réparatrice. Elle impose d'oublier le passé,non de le revisiter ».
D’autres voix soutiennent également que la question du « rapatriement des restes d’anciens putschistes du 6 avril 1984 "relève de la provocation"
« Lorsqu’une loi d’amnistie est signée, cela veut dire que la question est close ; qu’on ne revient plus dessus. A moins que des gens n’aient d’autres intentions au sujet du vivre ensemble et de la stabilité sociale », s’indigne un haut cadre de l’administration camerounaise.
Pour lui et beaucoup d’autres,il s’agit véritablement d’ « oublier cette phase du passé de notre pays et de tourner la page ».
Devoir de mémoire
Cependant, des arguments sont aussi avancés pour justifier l’initiative du « comité pour la restitution des dépouilles des personnes fusillées ou mortes en prison, dans le cadre du coup d’Etat manqué du 6 avril 1984 ». « Il n'y a pourtant aucune honte à chercher la réconciliation au nom de l'apaisement, même lorsqu'on croit avoir le droit pour soi », soutient le journaliste Félix C. Ebolé Bola.
Certaines sources évoquent par ailleurs des exécutions extrajudiciaires et des charniers.
En somme, pendant que la loi d’amnistie impose précisément « d’effacer» ces événements de la « mémoire collective », le comité de restitution argue que cette restitution concoure au « renforcement de l’unité nationale et au respect de la dignité humaine ». Le gouvernement n’a pour l’heure pas officiellement réagi à cette démarche. Peut être la considère elle comme nulle et non avenue.