Analyse : Désordre serré

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Au delà des réclamations, il y a du souci à se faire, surtout pour une armée qui est appelée à défendre le Cameroun.

 

Révolte ? Mutinerie ? Manifestation violente ? Réclamation musclée ? Ne nous engageons guère dans une inutile guerre des mots pour désigner une réalité simple, que tout le monde a pu vivre hier, dans la capitale du Cameroun : des membres des forces de sécurité, de retour d’une mission de maintien de la paix à l’étranger, ont manifesté dans les rues de Yaoundé, pour réclamer ce qu’ils présentent comme leur dû. Cette manifestation de militaires pour réclamer « leur » argent, en soi, ne peut pas être considérée comme étant un fait totalement inédit, dans notre pays.

 

De temps à autre, et surtout devant des établissements de micro-finance en difficulté on a vu des hommes en uniforme manifester bruyamment afin que soit payé leur dû. En général, l’affaire se calme, après que l’on ait réglé le petit problème. Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur de cette manifestation d’hommes de troupe ( Il n’y a pas d’officiers parmi les manifestants, et très peu de sous-officiers, pas de gendarmes du tout, notent les observateurs) qui pendant toute la journée d’hier, a tout de même perturbé le déroulement d’activités dans certaines zones de la capitale. Même si le mobile (alimentaire) de cette manifestation est connu et n’est pas inédit, il y a lieu d’éclairer cette situation, avec l’attitude du pouvoir politique de Yaoundé vis-à-vis de l’armée.

 

 

Lorsqu’en pleine crise, fin 93 début 94 le gouvernement du Cameroun décide d’opérer une baisse sensible (environ 60%) des salaires des agents publics, les membres des forces de l’ordre sont largement caressés dans le sens du poil : ils ne subiront pas les baisses sévères de salaires, dans les mêmes proportions que le commun des agents publics camerounais. Cette manière de toujours concéder un certain nombre d’avantages pécuniaires aux militaires, gendarmes et autres assimilés est une manière de gouvernement à Yaoundé. Un peu comme si l’on achetait en permanence la loyauté et le calme de ces hommes qui sont pourtant liés par un contrat clair à la nation. Cette façon de faire a créé forcément une mentalité particulière chez le commun des militaires camerounais, et le résultat peut bien être ce que l’on a vu hier.

Ce qui est arrivé , que les responsables en charge de ces hommes aient tort ou raison, démontre clairement quelque chose : l’imprévision et l’incurie permanentes qui caractérisent la gestion des affaires du Cameroun. Même des plus délicates, comme celles des militaires par temps de guerre. Des anciens employés des sociétés d’Etat, dont la situation est gérée avec un cynisme affreux depuis vingt ans, aux anciens étudiants des Ecoles Normales Supérieures que l’on ne prend pas en solde, la palette des réclamations faites à l’Etat est bien large, et fait le ferment de cette rage retenue et contenue. L’issue de cette « crise » si l’on peut ainsi dire est connue : on trouvera bien quelque part l’argent que ces hommes réclament et la vie va continuer. Continuer ?

 

Pas vraiment, car tous les jours et cela se voit, on franchit une nouvelle frontière de l’inacceptable.Le Camerounais ordinaire est en droit de se poser des questions, quant à l’état de l’une des dernières institutions de son pays, qui semblait encore afficher un ordre serré, entre les officiers qui se tirent des balles dans la tête et la troupe qui donne de la voix pour avoir accès à la popote…

 

© Le Jour : Haman Mana


11/09/2015
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