Le 06 novembre, le président de la République amorce sa trentième année de pouvoir. Malgré sa détermination, le Sisyphe d’Etoudi n’en a pas fini avec l’hydre de la corruption et de la misère générale, qui sont les plaies de son régime. Seule la souveraineté reconnue sur Bakassi apparaît comme sa nette et totale réussite.
06 novembre 1982. Paul Biya, 49 ans, accède à la présidence de la République deux jours seulement après la démission d’Ahmadou Ahidjo, dont il aura été le Premier ministre depuis 1975. Une disposition de la loi fondamentale de l’époque faisait du titulaire de ce poste, le dauphin constitutionnel du président de la République. Peu après sa prestation de serment, M. Biya inaugure une politique qui soulève la sympathie et le soutien du peuple, tétanisé par son prédécesseur, derrière sa personne : Rigueur et Moralisation. Le nouveau locataire d’Etoudi entend, par ce binôme, lutter contre le cancer de la corruption dont les métastases se répandaient sournoisement à tous les étages de l’administration.
La campagne d’assainissement de la gestion publique s’accompagne d’une démocratisation par petite touche de la vie politique. D’abord au sein de l’Union nationale camerounaise (Unc), ancêtre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (créé le 24 mars 1985 à Bamenda). Les primaires voient le jour. Désormais, la base militante a son mot à dire dans le choix des candidats aux échéances électorales nationales, où faute d’adversaire, le représentant du parti est automatiquement vainqueur. Dès 1990, l’horizon s’élargit et la parole se libère irréversiblement. Les élections multipartistes sont de retour après la longue parenthèse de 1966, année où Ahidjo dilua tous les forces politiques existantes dans l’Unc dont il s’arrogea les rênes.
Trente ans après, faire le bilan du Renouveau revient en quelque sorte à s’inviter dans la polémique du verre à moitié vide ou du verre à moitié plein. Comme un tableau, les années Biya s’apprécient selon la sensibilité propre de celui qui regarde. Dans cet entrecroisement des regards, force est d’admettre que seule «la gestion du conflit Bakassi» échappe à la controverse. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, c’est le même son de cloche : «Le Cameroun a eu la chance inouïe d’avoir Paul Biya à sa tête au moment de l’éclatement du conflit frontalier avec le Nigéria.» Beaucoup n’osent même pas se représenter ce qu’il serait advenu si le conflit avait éclaté sous un président inexpérimenté, fougueux et maladroit.