AN 1 DE LA REVOLUTION TUNISIENNE: On ne regrette pas Ben Ali

AN 1 DE LA REVOLUTION TUNISIENNE: On ne regrette pas Ben Ali

Ben Ali:Camer.beLes Tunisiens se sont mobilisés par milliers dans les artères et places mémorables de leurs villes le 14 janvier dernier pour commémorer le tout premier anniversaire de leur révolution. Un an après ce soulèvement populaire qui a commencé le 17 décembre 2010 et qui a conduit à la chute de Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011, les manifestants ne cachent point leur joie de vivre le changement. Si la célébration officielle présidée par les nouvelles autorités a eu pour cadre le Palais des Congrès de Tunis, la grande mobilisation, elle, a été observée sur l’emblématique avenue Bourguiba.

Là se déroulait une représentation théâtrale riche de symboles et de signes. Un tableau unique représentait le dictateur déchu refugié en Arabie saoudite sous forme de mannequin enchaîné et en costume saoudien. Sur la même scène apparaissait une marionnette, celle de l’épouse honnie, Leila Ben Ali. Assis au milieu de la foule, un enfant drapé dans un drapeau tunisien en signe d’espoir et d’un avenir prometteur observait la mise en scène, en guise de cours d’histoire. L’autre détail marquant des manifestations commémoratives est sans doute la diversité de vues des manifestants. Des partisans d’Ennahda, parti au pouvoir, aux opposants actuels en passant par les blessés et autres victimes de la révolution du Jasmin, chaque citoyen de la nouvelle Tunisie exprimait librement et pacifiquement son sentiment ou son ressentiment.

Une commune expression semble même se dégager de leurs propos et agissements, à savoir le plaisir de savourer la liberté enfin retrouvée. Rien de moins étonnant donc que personne ne laisse entrevoir le moindre signe de regret de l’ancien régime qui ne ménageait aucune force policière pour étouffer tout son de cloche contraire à ceux des clochettes de sa chapelle. Les Tunisiens sont visiblement déterminés à tourner résolument la page Ben Ali surtout dans ce contexte favorable caractérisé par la mise en place progressive des institutions républicaines. Le gouvernement et l’assemblée constituante sont des réalités issues régulièrement de scrutins jugés transparents. Et, après avoir donné le premier souffle au vent du printemps arabe, ils n’entendent pas prendre le risque de voir leur révolution, pour la réussite de laquelle bien des leurs ont versé leur sang, confisquée. Car, une alternance sans démocratie, liberté d’expression et meilleures conditions de vie n’en vaut vraiment pas la peine.

Le peuple tunisien en est conscient et veille donc sur sa chose, et comme chaque fois que de besoin, il n’a pas manqué de le relever en cette journée commémorative. Cet événement qui a consacré le 14 janvier comme étant un jour férié en Tunisie avait comme invité d’honneur l’émir du Qatar, Cheick Hamed Ben Khalifa Al-Thami, en plus de deux autres invités de marque, en l’occurrence le président algérien Abdelaziz Bouteflika et le chef du Conseil national de la transition libyen (CNT). Au premier dont le pays a toujours été soupçonné de vouloir faciliter l’ingérence américaine en Tunisie, certains fêtards ont décoché quelques slogans préventifs au passage. Un an après l’exil de celui qui a dirigé ce pays d’une main de fer pendant plus de deux décennies, la patrie de Habib Bourguiba dont de mauvaises langues ont essayé de lier le destin à son ex-dirigeant, tient encore la route. Mieux, son peuple est sur le qui-vive, conscient qu’il est qu’il lui faut conquérir davantage de liberté, de démocratie, de mieux-être et que rien n’est gagné d’avance. Le combat ne fait, en réalité, que commencer malgré la liberté retrouvée qui n’en demeure pas moins encore fragile.

En plus de la crainte de voir ces acquis dont ils entendent jouir des bienfaits remis en cause par certaines considérations islamistes, les jeunes Tunisiens aspirent à plus d’emplois et d’infrastructures idoines. Les autres défis que doivent relever les nouveaux dirigeants tunisiens sont, entre autres, l’assainissement des structures étatiques gangrenées par la corruption, la rééducation des milliers de policiers qui furent le bras armé du défunt régime. Les dignitaires d’Ennahda doivent, par ailleurs, clarifier leur position sur les agissements de la frange islamiste radicale qui, dans le cadre de son combat idéologique, ne s’est pas empêchée d’occuper la faculté de la Manouba pour harceler les filles non voilées. Ajoutée à ces couacs l’autocensure en cours des journalistes qui ont encore du mal à s’adapter au nouveau contexte malgré l’allègement de la chape de plomb qui pesait autrefois sur eux, il ne fait aucun doute que le nouveau gouvernement doit se montrer plus rassurant. Il doit donner plus de gages d’une réelle rupture avec l’ancien système et ses pratiques en évitant les reconductions décriées de ses hommes aux commandes de certaines structures sensibles. Certes, comme un accouchement qui se fait toujours dans la douleur, la transition tunisienne ne saurait se faire sans difficultés.

Il appartient néanmoins aux leaders de la révolution, aujourd’hui dans la sphère dirigeante, de ne jamais perdre de vue le véritable but de leur mouvement qui veut que plus rien ne se passe comme avant en Tunisie.

© Source : “Le Pays”


16/01/2012
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