Parler de réconciliation et de concorde pendant les élections générales en l’incarnant par sa propre personne. Mama Germaine avait conditionné le retour du clan au Cameroun par un contingent de demandes, allant des obsèques officielles du Président défunt jusqu’aux réparations des préjudices dus à l’expatriation forcée de la famille présidentielle. Une loi d’amnistie sera votée par le parlement camerounais au mois de avril 1991. L’ancienne Première Dame malgré cela est restée dans le souvenir du passé, avec une cristallisation de la douleur de l’éloignement de sa patrie. L’histoire ne semble pas s’écrire comme Mama Germaine l’a voulu. La querelle semble toujours se présenter en torts exclusifs à charge pour le successeur de son époux. Ce blocage du curseur de l’histoire trente ans en arrière, a légitimé un sentiment diffus dans le grand Nord, d’une insuffisance de reconnaissance du Président Biya vis-à-vis de celui qui l’a fait roi. Comme tout le monde a pris à son compte cette revendication, le Président Biya ne doit plus à Ahidjo mais à tout le Nord.
Si Aminatou propose de parler de réconciliation et de concorde, concepts dont elle a fait une expertise professionnelle, c’est aussi parce qu’elle a été élevée dans ce discours de la disgrâce faite à sa famille, avec un non-retour de reconnaissance. Le Cameroun n’est pas un pays qui vit avec des plaies ouvertes, dues à une guerre civile, ne pouvant se refermer que par un dialogue de réconciliation. Notre peuple a soigné et détruit beaucoup de démons de la division depuis cinquante ans. Ses martyrs et suppliciées sont si nombreux qu’un Panthéon des grands hommes serait trop étroit pour les contenir. Est-ce que le fait que nous ne sachions pas où leurs âmes se reposent depuis leurs suprêmes sacrifices, enlève quelque chose de la gloire et de l’honneur que notre nation leur doit ? Badjika Mohamadou Ahidjo rappelle souvent qu’il est rentré au Cameroun parce que le président Biya avait envoyé l’ancien gouverneur de la province du Nord, Gounoko Haounaye auprès de sa mère pour le convaincre de rentrer au pays. Comme sa belle-mère Mama Germaine, il a souvent expliqué qu’il existe un statut juridique d’ancien chef d’état régie par des textes et que son père aurait du être rétabli dans ses droits pour effacer le préjudice subi par la famille. Et qu’il appartenait à l’Etat d’en assumer la responsabilité.
Le fils ainé du clan à son retour au Cameroun s’est ouvert les portes d’entrée dans la vie politique en intégrant le parti conservateur, cousin germain du RDPC et de filiation Ahidjoiste l’UNDP. Le procès politique sur le droit de reconnaissance a trouvé son exutoire avec cette question de la réhabilitation de l’ancien président dans ses droits et du rapatriement de son corps. Un serpent de mer qui surgit de temps à autre comme le monstre du Loch Ness et qui est entretenu par des mémorandums et menaces de construction d’un grand parti régional. Le chantage est savamment utilisé par les puissants du gotha politique. Certains en charge de l’exercice du pouvoir, d’autres en incarcération, privés de liberté de mouvement, mais aucunement de liberté de parole. On assiste régulièrement à des adresses publiques prenant la nation à témoin pour tancer le chef de l’État. Comment interpréter ces procès d’intention? Sinon par la manifestation d’un inassouvissement et d’une cupidité de ceux qui pensent pouvoir « sultaniser » l’Adamoua, le Nord et l’Extrême Nord pour leurs propres appétits de pouvoir. Ce sont les mêmes qui sont gênés aux entournures par le comportement décomplexé d’une Aminatou Ahidjo qui leur dit déjà qu’il faut qu’on passe à autre chose, qui s’attaque avant de poser ses valises à leur fonds de commerce.
Elle et ses soeurs qu’on aurait bien aimé savoir toujours muettes,
éplorées auprès de leur mère à Dakar. On avait déjà en place
l’encombrant frère Badjika, on croyait les soeurs éloignées à jamais de
l’héritage politique du père, sur lequel d’autres prospèrent depuis
trente ans. Ceuxlà mêmes qui s’offusquent d’une prétendue manipulation
d’une femme indépendante, cultivée, experte en communication politique,
vivent sous l’aile protectrice du père de la nation depuis toujours. Ils
sont dans les rangs du RDPC, de l’UNDP et des autres partis politiques
créés dans le grand nord. Tous des satellites du parti majoritaire, des
émanations de UNDP ou autres courants néo-conservateurs ahidjoistes. Le
Président Biya n’a jamais cessé de les remercier par de multiples
nominations, les entretenant dans les ors de la république. Quand est-ce
que Paul Biya pourra terminer de payer les traites du crédit de sa
succession à Ahidjo ? Serait-ce une dette sans fin ? On finit par le
croire, puisque qu’on fonctionne avec un essuie-glace mémoriel, qui
efface ou nie tout ce qui a été fait par Paul Biya et érige ce qu’il n’a
pas fait en faute politique absolue.
Il continue pourtant à remercier et à payer sans relâche. Tel Sisyphe, il s’applique dans cet éternel recommencement, avec l’absence de reconnaissance au bout. La facture serait surement moins chère si elle se limitait à donner les moyens et les opportunités à la famille et aux descendants directs de l’ancien Président ne croyez-vous pas ? Quelques téméraires dont l’élévation politique est son oeuvre poussent la harangue,jusqu’à prétendre devenir calife à la place du Calife. Aminatou Ahidjo s’invite chez elle. Elle a une ambition louable qui se confrontera à la réalité politique camerounaise certes, surtout aux éléphants politiques du parti majoritaire. Mais son courage a le mérite de nous faire réfléchir. Cela ne plait pas aux habitués de la cantine républicaine que de nouveaux convives soient invités à leur table sans avoir fait leurs classes.
Aminatou Ahidjo nous replace par son choix singulier face à nos propres hypocrisies. Ces reconnaissances qu’on sait si bien demander, sans jamais soit même savoir rendre la reconnaissance pour ce qu’on a eu. Un grand jeu de dupes à l’échelle nationale, où l’on s’évertue à nous expliquer politiquement que Paul Biya qui est celui qui a donné le plus au plus grand nombre, le plus longtemps est le plus méchant et le plus égoïste. Tous ceux et celles qui lancent l’anathème sont ceux le plus souvent qui ont bénéficié de la confiance et la mansuétude du chef de l’état, manifestée en leur accordant les places et les fonctions à partir desquels ils ou elles s’expriment. Qui n’aimerait pas bénéficier de l’appui et de l’aile protectrice d’un père politique, et quel Père ! Celui qui a étendu son amour à sa grande famille idéologique qui va au-delà de la maison mère qui est le RDPC pour embrasser l’ensemble des partis politiques du septentrion. Celui qui a toujours accordé opportunités et bienveillance à Badjika Mohamadou Ahidjo devenu un notable du grand sérail politique national.
En quoi une femme camerounaise, élite d’une diaspora qui s’est mise en mouvement pour le retour, ne jouerait-elle pas sa carte pour apporter sa contribution à son pays ? Aminatou Ahidjo, est une politologue et juriste. Elle dit avoir fait avec le thème de la concorde nationale, un concept de consultation en communication politique auprès de nombreux dirigeants africains. Qu’elle vienne tester cela chez elle. Porter l’image de l’union, de la concorde et de la réconciliation nationale pourquoi pas ? Elle qui affirme, avoir vécu, au cours de son exil, la souffrance de la discorde et assure que la réalisation des grands projets et la vision d’émergence du président Paul Biya, ne peuvent s’accomplir dans un contexte dispersé ou de cohabitation gouvernementale. Sa campagne de soutien, compte renforcer l’ancrage social des candidats par l’image et le rêve de la nation réconciliée avec ellemême. On rêve déjà Aminatou de voir tout cela dans la réalité.