Alternance politique: Le difficile pari de l'opposition camerounaise
Alternance politique: Le difficile pari de l'opposition camerounaise
(Cameroun-Info.Net 07/04/2010)
Aphones pendant de longues périodes, les partis politiques dits de l'opposition se remettent à fourmiller à l'approche des consultations électorales. Mais pour quel résultat, au moment ou le parti au pouvoir semble avoir occupé toute la scène politique ?
Les antennes des radios, les colonnes des journaux et les plateaux de télévision grouillent de plus en plus de politiciens. La raison est fort simple. Le Cameroun s'apprête à vivre une année riche en rebondissements sur le plan politique. Si on s'en tient du moins à la pléthore d'initiatives prises par le gouvernement pour veiller à l'organisation des élections.
Que ce soit le projet de loi n° 853/PJL/AN fixant les procédures du référendum déposé à l'hémicycle récemment et adopté le lundi 22 mars dernier par la commission des lois constitutionnelles ou encore celui portant modification de certaines dispositions du fonctionnement d'Elections Cameroon (Elecam), qui sonne ainsi l'entrée une fois de plus de l'administration dans la gestion des élections au Cameroun, les sujets ne manquent pas. Arguments ou pas, chaque leader de parti politique veut apporter sa contribution au débat. L'essentiel étant de se faire entendre pour marquer son existence.
Cela suffit-il à faire le poids face de la lourde machine du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) qui a décidé de ratisser large depuis quelques semaines ? Assurément non ! Car, les leaders des partis politiques de l'opposition peinent encore à trouver la symphonie qui pourrait réveiller les Camerounais embastillés dans les campagnes propagandistes du parti au pouvoir qui a su exister pendant que ces derniers se complaisaient dans leur aphorisme rétrograde qui consiste à marteler sur tous les toits qu'ils n'ont pas de moyens, entendez moyens financiers, pour mettre en branle toute leur politique. Comme ci on avait dit que la politique était un champ réservé aux pauvres.
Aphones
Que sont devenus les partis politiques qui avaient nourri d'espoir le peuple lors de la dernière élection présidentielle ? Pas grand-chose ! Depuis le début de l'année 2010, l'Union démocratique du Cameroun (UDC), malgré son acception régionaliste, a renoué avec ses vœux à la presse, rejoint quelques temps après par l'une des tendances de l'Union des populations du Cameroun (Upc) présidée par Augustin Frédéric Kodock. Le même secrétaire général s'est encore illustré le week-end dernier aux obsèques officielles de Wilson Ndeh Ntumazah, en tendant sans grand succès un passage en force. Le Mouvement des écologistes du Cameroun quant à lui travaille à mettre sur pied son plan de conquête du pouvoir, après l'annonce de sa candidature en fin d'année 2009. Il en est de même de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) de Bello Bouba Maïgari ou de l'Alliance des forces progressistes (Afp) de Bernard Muna. A ceux-ci, viennent s'ajouter Ni John Fru Ndi (Sdf), Mboua Massok et Marie Louise Eteki.
En dehors de ces rares exemples, l'opposition camerounaise est amorphe et aphone. Pourtant, on se serait attendu à un frémissement au regard des programmes qui avaient meublé la présidentielle de 2004. Victorin Hameni Bieleu (Ufdc), Hubert Kamgang (Upa), Garga Haman Adji (Add), Boniface Forbin (Jdp), Jean Michel Tekam (Rc), Jean Jacques Ekindi (MP), Ekane Anicet (Manidem), Nyamdi George (Sic), Justin Mouafo (Npc/Bush), Djeukam Tchameni (Mdi), Black Albert Yondo Madengue (Mnsd), tous de l'expédition de 2004 ont totalement disparu de la scène politique camerounaise. Certains d'entres eux que nous avons pu rencontrer brandissent leur indigence financière pour se défendre face aux diatribes qui sont avancées à leur encontre.
Pour Anicet Ekane, ancien président du Manidem, les camerounais ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes pour être restés jusqu'à présent comme les spectateurs de leur destin. «La situation dans notre pays est si grave, la crise économique est si profonde, les problèmes sociaux sont si graves qu'on irait s'attendre a ce que les Camerounais eux-mêmes prennent leur destin en main. C'est-à-dire, qu'ils s'organisent dans les mouvements sociaux, ensuite, politiques pour changer la situation au Cameroun. C'est facile de penser que la faute revient aux responsables politiques et aux organisations politiques. Mais encore faut-il que, malgré tout le travail que ces organisations font, malgré la situation du pays, qu'il ait un écho, qu'il ait l'adhésion des Camerounais à cette demande.» Souligne-t-il. Que faut-il faire donc face à ces insuffisances ?
Leurre d'un candidat unique
L'expérience de 2004 s'est avérée un échec à cause des intérêts égocentriques des uns et des autres. On se souvient qu'à la veille de cette présidentielle, l'opposition camerounaise, dans un souci d'évincer Paul Biya à la tête de l'Etat s'était mise d'accord sur une candidature unique. La procédure de désignation avait alors été arrêtée. Des critères de choix a respecter identifiés. Quinze au total parlait-on, dont 4 proposés par le seul Sdf. Ce qui revenait à dire qu'en cas de mésentente, ces critères devaient départager les différents candidats.
Sanda Oumarou, Marcel Yondo, Noucti Tchokwago, Adamou Ndam Njoya et John Fru Ndi étaient en lice. Ce qui s'avérait au départ être le candidat unique de l'opposition était devenu celui d'une petite poignée de partis politiques. La candidature de l'ancien ministre de la Défense, puis des Finances et Pca de la Camair était avancée, installant une confusion au sein de la population. Mis en minorité à l'heure du choix, John Fru Ndi claqua la porte, il venait d'être battu par le leader de l'Udc et dénonça un complot ourdi par Hogbe Nlend, Issa Tchiroma et autres. Sept ans après, cette option peut-elle encore être envisagée ? La question divise au sein de l'opinion nationale.
Controverses
Selon certains observateurs de la scène politique, la seule issue favorable pour l'opposition camerounaise est la candidature unique. Parce qu'en son sein, on ne trouve pas une seule personnalité susceptible d'incarner la rupture et le changement, et d'apporter de véritables réformes structurelles devant permettre un véritable redressement économique du Cameroun. De même, la pseudo «société civile» camerounaise ne regroupe en réalité que des politicards qui, conscients certainement du discrédit grandissant des partis politiques dans l'opinion, préfèrent se camoufler dans ce nouveau concept bien à la mode chez nous. "Faire de la politique, vouloir gouverner, ce n'est pas seulement critiquer. C'est aussi et d’abord avoir un projet de société à proposer au peuple. C'est l'adhésion du peuple à ce projet qui conduit au pouvoir. A partir du moment où l'on parvient à cette adéquation, aucune dictature quelle qu’elle soit ne pourra résister à la volonté de changement du peuple. L’opposition a tord de présenter le pouvoir en place comme étant en déliquescence. C'est faire preuve d'une totale ignorance de la situation politique et sociale au Cameroun. Le Rdpc est actuellement le parti le mieux implanté et le mieux structuré au Cameroun à l'heure actuelle. On peut dire que c'est le premier parti en nombre de militants et de partisans, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Toutefois, il demeure minoritaire en termes de voix pour remporter à lui seul une élection. Néanmoins, sa position dominante dans l'échiquier politique camerounais fait que le soutien de tout petit parti politique lui donne la majorité et lui permettra de gagner les élections." Telle est la réaction d'un observateur averti. Alors que pour d'autres, cela serait une véritable erreur. Car, on risquerait de retomber dans les travers de la dernière présidentielle.
THIERRY NYOPE