Alternance: Marafa se positionne pour remplacer Paul Biya

YAOUNDE - 15 MAI 2012
© Jean-Bruno Tagne | Le Jour

Depuis sa cellule à la prison centrale de Kondengui, l’ancien ministre se dit porteur d’un projet pour un Cameroun de « paix et de justice ».


Et de deux pour Marafa Hamidou Yaya. L’ancien ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale et de la Décentralisation vient d’adresser une autre lettre ouverte au président de la République depuis la prison centrale de Kondengui où il est incarcéré depuis le 16 avril 2012.

Pour ceux qui ne sont pas forcément au fait de l’actualité camerounaise, on peine, à la lecture de cette deuxième missive de l’ex-ministre, à se rendre compte que l’auteur est un détenu, poursuivi pour détournement de deniers publics. Marafa Hamidou Yaya a décidé de botter l’affaire en touche, l’affaire pour laquelle il est poursuivi et préfère se positionner, clairement, comme une alternative dans la perspective de la succession du président Biya. « Je suis porteur d’un projet mettant en avant les exigences de paix et de justice permettant de bâtir une société de confiance. D’autres Camerounais sont certainement porteurs d’autres projets. Il me semble naturel et sain que le moment venu, chaque prétendant à la magistrature suprême, soumette son projet, l’explique et le défende devant nos compatriotes », écrit-il.


Opposition

Marafa Hamidou Yaya, l’ancien ministre de l’Administration territoriale, chef d’orchestre, pendant plusieurs années, de l’organisation des élections au Cameroun commence sa lettre en indiquant les « insuffisances et les omissions » de la loi du 19 avril 2012 portant code électoral. Il formule quelques critiques sur six articles de cette loi qui fait en ce moment l’objet de feux nourris de l’opposition et de la société civile. Marafa Hamidou Yaya propose, par exemple, que les cartes électorales soient remises aux électeurs, immédiatement après leur inscription et que la campagne électorale s’achève la veille des scrutins pour permettre à toutes les parties prenantes de mieux se préparer pour voter.

Dans cette deuxième lettre de Marafa Hamidou Yaya à son ancien patron, il confie qu’en 2008, il a proposé au chef de l’Etat, une mouture définitive du projet de code électoral en suggérant que « le Premier ministre organise des consultations avec les partis politiques et la société civile, leur remette le projet de code électoral afin qu’ils l’enrichissent éventuellement pour aboutir à un document consensuel devant être adopté par voie de référendum ». Il y a eu certes des concertations avant le dépôt du projet de loi portant code électoral à l’Assemblée nationale, mais jamais les parties ne se sont concertées sur la base d’un document existant. Ce qui fut critiqué en son temps par certains hommes politiques comme Jean-Jacques Ekindi et des leaders de la société civile comme Hilaire Kamga. D’où l’absence de « consensus » autour de l’actuel code électoral dont parle Marafa Hamidou Yaya.

Pour l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, des élections mal organisées sont source de « conflits et de rupture de la paix ». Il rappelle que Elecam n’est pas capable d’organiser des élections crédibles au Cameroun, surtout les prochaines législatives et municipales « renvoyées aux calendes grecques ». Selon des révélations faites par Wikileaks en février 2010, Marafa Hamidou Yaya avait déjà confié ses réserves à l’ambassadrice des Etats-Unis, Janet Garvey, quant à la capacité d’Elecam à conduire des élections crédibles au Cameroun. Il affirmait notamment que les responsables de cet organe étaient « incompétents et corrompus ».

Sur la « problématique de la succession à la tête de l’Etat », le membre du bureau politique du Rdpc affiche clairement ses ambitions. Il dit être porteur « d’un projet mettant en avant les exigences de paix et de justice permettant de bâtir une société de confiance ». Il se dit disposé à confronter son programme à celui d’autres Camerounais qui, comme lui, aspirent à la magistrature suprême.

Disque dur

Mais en attendant, Marafa Hamidou Yaya demande à Paul Biya, de « laisser [les Camerounais] choisir leurs représentants et leurs dirigeants en toute liberté et en toute transparence ». Ce qui laisse sous-entendre que c’est le président de la République qui fait obstruction à la libre expression du suffrage universel au Cameroun. L’ancien Minatd, considéré par beaucoup d’observateurs comme le disque dur de la fraude électorale au Cameroun pendant plusieurs années, sait certainement de quoi il parle…

Au terme de sa deuxième lettre depuis son bagne à Kondengui, l’on se rend compte que Marafa Hamidou Yaya, 61 ans, est inscrit dans une démarche planifiée et n’entend pas se laisser ébranler par les critiques et les attaques qui fusent.

A lire entre les lignes, ces deux premières missives ressemblent à des coups de semonce en attendant « les vrais dossiers ». Ancien secrétaire général à la présidence de la République, ancien ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et membre du bureau politique du Rdpc, il en a certainement plein le ventre.


15/05/2012
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