Aller à la soupe ? Peut-être ! Mais comment ?

Le Messager

Depuis quelques semaines, la formation d’un gouvernement d’union nationale ou de large ouverture est sur toutes les lèvres. Son éventuelle composition est même à l’origine des remous, voire des tornades  dans les états majors de certains partis politiques. Ceux-là même qui se montrent très critiques à l’égard du système qui gouverne le Kamerun depuis plus de 50 ans déjà. Ces vétérans de la contradiction nous rappellent la belle formule de Omar Bongo Ondimba (Dieu ait son âme!) qui, en son temps, ridiculisait ses opposants en ces termes : « des gens qui ont la bouche à gauche, le ventre à droite ».

Ce n’est pas l’intention ou la volonté d’entrer dans le gouvernement en gestation qui fait problème. Mais la manière. Admettons, dans le pire des cas, que le président réélu pour la 7ème fois, en 29 ans déjà, fasse appel à ceux qui lui tendent les mains comme des coureurs surexcités d’une course de relais, y seront-ils logés à meilleure enseigne que Maïgari Bello Bouba ? J’en doute fort. Puisque la situation du prince de Bascheo irrite des cadres de son parti : l’Undp.

Dans les Etats modernes, on n’entre pas dans le gouvernement d’un adversaire politique sur invitation ou par cooptation. C’est avec cette méthode que Paul Biya a fait voler en éclats l’Undp qui a fini par donner naissance à l’Andp de Hamadou Moustapha, au Fsnc de Issa Tchiroma Bakary et même à un curieux « indépendantiste » nommé Hélé Pierre. Il faut dire que ces gouvernements de large ouverture de M. Paul Biya n’ont jamais porté bonheur aux formations politiques qui s’y engouffrent. Deux des différentes factions de l’Upc en ont payé un lourd tribut : L’aile Kodock Bayiha d’abord, puis la cahute Hogbe Nlend. Je viens de dire ce qui est arrivé à l’Undp et qui va arriver à ceux des prétendants qui se bousculent au portillon du gouvernement attendu. Puisqu’ils iront sans leur propre programme. Mais pour se mettre à l’école du Rdpc. Celle de la navigation à vue. Etant entendu que quand on entre dans la voiture de quelqu’un, on chante sa chanson et selon sa mesure.

L’entrée dans un gouvernement d’union nationale se négocie fermement d’égal à égal sur la base de conditionnalités comme ce qui vient de se passer la semaine dernière en France, entre le parti socialiste et les écologistes. Il est de notoriété publique que le dossier de l’énergie  nucléaire est la pierre d’achoppement des discussions. Les deux partis se sont mis finalement d’accord, non pas sur l’entrée des verts dans le gouvernement en cas de victoire de François Hollande, mais sur la formation d’un groupe parlementaire commun à l’Assemblée nationale. En France encore, en 1966, le programme commun de la gauche qui n’arrivera au pouvoir qu’en 1981, soit 15 ans plus tard, a vu le jour au terme d’un accouchement douloureux, et il ne résistera pas à la chaleur de l’exercice du pouvoir. Les challengers d’hier de Paul Biya voudraient visiblement y aller à la manière du chien crevé au fil de l’eau.

Pour parler comme Charles de Gaulle, homme d’Etat français bien connu. Nos compatriotes de l’opposition, candidats à un gouvernement d’union nationale ou de transition qu’ils souhaitent de tous leurs voeux veulent tout simplement aller à la soupe. Quitte à se faire lyncher par un peuple qui a déjà vomi la plupart d’entre eux à cause de toutes les incohérences dont ils ont fait preuve depuis la fameuse tripartite d’octobre 1992, de leur multiples mésententes voire des trahisons. Certes dans la vie, les frontières ne sont pas toujours fermées. Mais comme j’ai rappelé plus haut, ce qui est déjà arrivé à tous ceux qui ont eu à pactiser avec le Rdpc par le passé, il s’agit ni plus ni moins d’une union entre le lapin et la carpe. Absence d’accord ne vaut-il pas mieux que  mauvais accord ?

C’est vrai qu’il est très inconfortable d’être opposant sous les tropiques. Notamment dans un pays comme le Cameroun où le pouvoir fait tout pour réduire ses contradicteurs à néant. D’où sans doute cette course effrénée pour rallier le Rdpc. Même en qualité de « collabos » dans une véritable maffia. La raison de vivre chez nous finit par faire profil bas devant les moyens de vivre que procurent les affaires juteuses, une carrière professionnelle et les lustres du pouvoir. Même quand celui-ci se caractérise par un amoralisme triomphant. Le récent rapport que la Conac vient de rendre public est suffisamment édifiant sur le système qui a pris le Cameroun en otage.

C’est d’autant plus édifiant que c’est une structure mise en place par le chef de l’Etat qui épingle ainsi ceux qui font des ressources du pays leur patrimoine personnel. Face à l’impunité dont ils sont les bénéficiaires jusqu’à présent, certains esprits dans l’opposition finissent par se lasser et abandonner le combat. C’est ainsi qu’il faut comprendre ces ralliements « alimentaires » de l’opposition en faveur du parti au pouvoir. Le Rdpc est devenu une sorte de chapelle hors de laquelle il n’y a point de salut. Sauf que ce ne sont pas tous ceux qui abandonnent le combat pour l’émancipation du Cameroun qui réussissent à se faire du beurre de ce côté-là.

Si une petite coterie de coquins fait main basse sur toutes les richesses du pays, détournant à tour de bras les fonds destinés à la construction des routes, les ponts, des écoles, des hôpitaux et, même l’aide provenant de l’étranger, tout simplement parce qu’ils occupent des fonctions par lesquelles ils devraient être au service de la nation et de leurs compatriotes, c’est qu’il y a problème. C’est ce problème que le Révérend Massigam et ses collègues de la Conac ont la délicate mission de résoudre. Jusqu’où iront-ils ? Pourront-ils, avec l’onction de celui qui leur a confié cette délicate mission, exorciser les vieux démons du dol et de la corruption ? Toute la question est là.

Jacques Doo Bell



20/11/2011
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