Albert Dzongang: Mutant, rêveur ou conséquent ?

 
Fallait-il s’y attendre ? La fusion annoncée entre le Social democratic front de Ni John Fru Ndi et la Dynamique d’Albert Dzongang est un mort née. «C’était sans compter avec la capacité de nuisance du pouvoir en place et les intérêts occultes de certains cadres à l’intérieur.»
 
 

Albert Dzongang

Fallait-il s’y attendre ? La fusion annoncée entre le Social democratic front de Ni John Fru Ndi et la Dynamique d’Albert Dzongang est un mort née. «C’était sans compter avec la capacité de nuisance du pouvoir en place et les intérêts occultes de certains cadres à l’intérieur.»

Ancien cadre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) et, compagnons à ses heures du chef de file du Sdf, Albert Dzongang considéré, à tort ou à raison comme un mutant politique pourrait avoir des raisons d’en savoir sur le chapitre.  Au moment où les partis politiques candidats ou aspirants aux élections municipales et législatives du 30 septembre 2013 sont suspendus à l’examen des recours liés au contentieux pré-électoral, le président de la Dynamique dit tout le bien qu’il pense du processus y ayant conduit. Investitures tronquées dès la base; biométrie de façade; inexistence des bureaux de vote et rôle trouble des partis de l’opposition n’échappent pas au regard froid (?) d’Albert Dzongang. 

A ce propos, le peuple camerounais est pris à témoin. Difficile de dire si le «Boss» de la Dynamique en veut à son ami Ni John Fru Ndi. Notre interlocuteur affirme, «Nous continuons  à penser que, sans union de l’opposition, il n’y a pas de chance de changement en mieux dans notre pays.» Et, soutient Albert Dzongang, «le moment venu, le peuple saura reconnaitre les siens.» Des raisons pour Albert Dzongang d’affirmer que les opposants du jour sont des collabos la nuit venue? Au pif, la question Anglo-Bamiléké au sein du Sdf et de l’opposition en général, et le rôle politique de l’homme Dzongang et de son parti la Dynamique sont au menu de cet entretien.

«Il est à craindre que l’opposition n’ait plus de compte à rendre au peuple que le pouvoir en place»
« Le Sdf sera considéré en fin de compte comme un satellite du Rdpc comme l’Undp, Elecam»
«Le tribalisme d’Etat a fini par pervertir le mode de fonctionnement des Camerounais»
«Le Sdf est le meilleur ami du Rdpc.»
 -Albert Dzongang

Quelle lecture faites-vous de l’examen des recours aux municipales et législatives en cours ?

Il s’agit d’un non-événement. Les élections sont, en effet l’aboutissement d’un long processus qui commence par le recensement de la population pour permettre l’attribution équitable des sièges à l’Assemblée ou du nombre de conseillers municipaux par commune sur l’ensemble du territoire. Ensuite, il y a le calendrier électoral qui fixe les périodes et les dates des élections connues d’avance.

Puis il y a, au Cameroun, Elecam, un organe prétendument indépendant, chargé de gérer les élections d’un bout à l’autre. Nous savons que le recensement a été tronqué, et que la répartition des sièges par circonscription n’obéit à aucun critère objectif. Elecam a démontré qu’en fait d’organisme indépendant, il était une sous-section du Rdpc, et un service rattaché au ministère de l’Administration territoriale. Ne parlons pas de cette biométrie qui n’a de biométrie que le nom, puisqu’elle n’existe pas dans le bureau de vote. Sans oublier l’encre indélébile qui s’efface simplement dès la sortie du bureau de vote. Nous sommes surpris de constater que ce sont ces mêmes partis qui criaient hier que sans bon code électoral, ils n’iraient pas aux élections, qui ont introduit ces recours auprès de la Cour suprême, pour aller aux élections sans bonne loi !

Vous affirmiez, il y a quelques temps que la formation politique que vous dirigez et le Sdf faisaient désormais un. L’assertion est-elle toujours valable à ce jour ?

Les contacts et discussions entre les deux partis étaient suffisamment avancés, et la fusion annoncée de part et d’autre. C’était sans compter avec la capacité de nuisance du pouvoir en place et les intérêts occultes de certains cadres à l’intérieur. La Dynamique a constaté que le projet d’accord de fusion en étude est resté lettre morte, et que le Sdf a choisi d’aller seul aux élections. Le pouvoir a pesé de tout son poids en appuyant là où ça fait mal, pour faire échouer ce projet dangereux pour lui, mais salutaire pour le peuple camerounais. Au sein du Sdf, certains cadres ont senti leur « business » menacé. A la fin, nous pensons qu’il ne restait plus que le Bâtonnier Sama, le vice-président Osih et, dans une certaine mesure, le Chairman John Fru Ndi, qui tenaient encore à cette fusion. Nous continuons à penser, comme des millions de Camerounais que, sans union de l’opposition, il n’y a pas de chance de changement en mieux dans notre pays. Et le moment venu, le peuple saura reconnaître les siens.

L’Add, le Paddec, le Cpp et d’autres partis politiques faisaient partie de votre projet en vue des législatives et municipales. L’opinion peut-elle conclure que c’est un fiasco ?

C’est en effet un fiasco. C’est la preuve, une fois de plus, que le changement que tous les Camerounais appellent de tous leurs vœux, aura du mal à passer par les partis politiques actuels. Chaque dirigeant a un égo surdimensionné qui le pousse à avoir envie de tout faire tout seul, et le pouvoir sait très bien jouer sur cette corde sensible pour semer et entretenir la division. Au Cameroun, on devient politique, très souvent, non pour servir le peuple, mais pour, soit se protéger, soit faire des affaires louches, soit, enfin pour émerger socialement. Ceux-là n’ont aucune envie de se mettre derrière d’autres. Vous savez que le Cameroun a connu de nombreuses tentatives de regroupement des partis politiques d’opposition, et qu’à chaque fois, les opposants le jour et collabos la nuit ont tout fait pour briser ces élans. A  force de jouer avec le feu, on finit par se brûler, et j’ai peur que lorsque le peuple désabusé prendra, un de ces quatre matins, son destin en main, il ne règle d’abord les comptes de ceux qui l’ont si souvent trahi. A la lecture du contexte politique camerounais, il est à craindre que l’opposition n’ait plus de comptes à rendre au peuple que le pouvoir en place.

Vous soutenez toujours qu’un parti politique n’est pas un fonds de commerce dans le contexte camerounais ?

Bien évidemment ! Contrairement à ce que certains peuvent penser, un parti politique ne saurait être un fonds de commerce. Ni au Cameroun, ni ailleurs. Parce qu’on ne brade pas impunément les aspirations démocratiques d’un peuple. Mais chez nous, beaucoup ont créé leur parti pour faire des affaires, comme on crée une boutique. Il est normal que l’objectif pour eux soit la rentabilité de cette bonne affaire.

C’est une question qui fâche mais qui est récurrente. Existe-t-il un problème anglo-Bamiléké au sein du Sdf ?

J’ai envie de vous répondre par une autre question : existe-t-il un problème éton-éwondo au sein du Rdpc ? Sinon, pourquoi un Eton ne deviendrait-il pas délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé ? Le vrai problème réside dans cette notion d’allogènes et d’autochtones, consacrée par la Constitution du 18 janvier 1996, et que j’avais dénoncée et combattue en son temps. Il y a aussi cette pratique absurde d’équilibre régional, qui a totalement freiné le Cameroun de l’ «ère du Renouveau». Souvenez-vous que sous l’ancien régime, les écoles de formation du personnel d’élite des techniciens et du personnel de santé, étaient réservées aux plus méritants.

Ce pouvoir voulait avoir, dans l’enseignement, les meilleurs professeurs, pour la santé, les meilleurs médecins, et pour la construction nationale, les meilleurs ingénieurs. On pouvait «équilibrer» à l’Enam, dans l’armée, à l’Injs, sans que cela ne porte préjudice à l’avenir de ce pays. Quel est le médecin, entré à l’école par souci d’équilibre régional, accepte d’aller travailler dans sa région d’origine ? Ils sont souvent mutés dans les villes où ils peuvent mieux faire des affaires. Il aurait été judicieux qu’après avoir été sélectionné par équilibre régional, chacun aille servir dans la région au nom de laquelle il a été recruté. Quand on voit le nombre de récriminations du type : «il n’y avait pas un ressortissant de telle région sur telle liste… », on  se demande quel est ce pays où les considérations tribales priment sur la nation ! Ce tribalisme d’Etat, voulu et entretenu par le pouvoir en place, a fini par pervertir le mode de pensée des Camerounais, et fait qu’il y a, en effet, un problème de tribu ou d’ethnie à chaque coin de rue.

Ancien militant du Rdpc et partenaire du Sdf. Quel regard portez-vous sur les relations entre le Sdf et le Rdpc ?

Beaucoup de Camerounais pensent, à tort ou à raison, que ces deux partis entretiennent des relations incestueuses, le Rdpc faisant tout pour montrer qu’il s’accommode bien du Sdf et de certains de ses dirigeants. Il fait tout pour médiatiser les visites et les rencontres dans le seul but de semer le doute dans la tête des Camerounais, et de finir par enterrer définitivement le Sdf sera considéré en fin de compte comme un satellite du Rdpc comme l’Undp, Elecam et tous les autres. Tantôt, ils disent : le Sdf est le seul véritable parti d’opposition, tantôt ils disent : le Sdf est le meilleur ami du Rdpc. Comprenne qui pourra….

Lors des sénatoriales vous avez soutenu les candidatures du Sdf dans la région de l’Ouest. Pour qui penche Albert Dzongang dans le cadre des municipales et législatives du 30 septembre prochain ?

A la Dynamique, nous sommes restés constant dans la conviction que ces élections n’apporteront aucun changement. Mais, sans états d’âme, nous apporterons notre soutien, aux candidats qui nous paraîtront les plus à même d’œuvrer pour l’intérêt commun, et ce, quel que soit le parti qui les présente. Comme nous l’avons déjà dit, beaucoup de candidats ne se présentent ou ne se représentent qu’en vue de s’enrichir sur le dos du peuple. On les voit arriver nu-pieds et repartir en roulant carrosse. Quand on a la chance, dans un département comme la Mifi, de voir un mécène de la trame du Pdg de Congelcam, M. Ngouchinghe Sylvestre, parrainer, sans être candidat, les futurs députés et maires, en mettant sa caution personnelle auprès des populations de ce département qu’il sait si bien servir, on ne peut pas hésiter à lui apporter un soutien dans cette nouvelle vision de la gestion de la cité. Puisqu’au lieu de chercher à s’enrichir, il mettra ses biens au service du développement. Ceci vaut également pour le maire de Bandjoun, M. Fotso Victor, à qui on peut tout reprocher, sauf l’intention de s’enrichir sur le dos de ses administrés.

Partout où il y aura des citoyens de cette trempe, et quelle que soit leur chapelle politique, la Dynamique n’hésitera pas à leur apporter son soutien et celui de tous ses sympathisants. Ainsi, dans la Mifi, par exemple, nous n’hésiterons pas à appuyer les candidats soutenus par l’homme d’affaires Ngouchinghe Sylvestre, auteur de multiples réalisations désintéressées en faveur des populations des communes de ce département. Il ne le fait, ni pour s’enrichir, ni pour gagner des marchés, ni pour se protéger, ni même pour être élu. Il en est de même pour M. Fotso Victor, qui ne ménage aucun effort pour le développement de la commune de Bandjoun. Ce genre de personnes-là, la Dynamique les soutiendra, et appellera à voter pour elles où qu’elles se trouvent, et quel que soit leur parti politique.

Quel est l’avenir politique d’Albert Dzongang ?

Mon avenir politique est dans la lutte pour l’unité de l’opposition afin d’apporter du change à la politique du pouvoir en place. Et donner l’espoir à ceux des Camerounais qui sont aujourd’hui marginalisés. J’ai été par le passé là où beaucoup se placent pour arriver aujourd’hui. Je me dois de me battre pour crédibiliser les hommes politiques de notre pays. Je compte pour cela sur la disposition de ces acteurs silencieux qui sont enseignants, simples cadres ou intellectuels errants pour repenser une démocratie constructive dans notre pays. J’aimerais à cet effet paraphraser Abraham Lincoln qui dit : « on peut tromper tout le peuple  une partie du temps. Une partie du peuple tout le temps. Mais, jamais tout le peuple tout le temps. »

Entretien avec Joseph OLINGA N.



25/08/2013
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