Albert Dzongang :"Ce projet de loi est un non-événement"

Albert Dzongang :"Ce projet de loi est un non-événement"

Albert Dzongang:Camer.beLes projets de loi en débats actuellement à l’assemblée nationale  ne rendent ni froid ni chaud le président de « La Dynamique ».(...)Elecam dont vous parlez est une émanation du gouvernement actuellement au pouvoir à Yaoundé. Et un gouvernement qui pense que tout lui appartient, qu’il peut tout faire sans compte à rendre à qui que ce soit. Où avez-vous déjà vu une Assemblée nationale dont les députés passent un mois à se tourner les pouces, et c’est à la fin de la session ordinaire que l’on apporte de tels projets qui doivent déterminer l’avenir de tout le pays?

Une session extraordinaire de l’Assemblée nationale vient d’être convoquée à l’effet de débattre de certains projets de lois, notamment celui portant modification d’Elections Cameroon (Elecam). Quel commentaire faites-vous de ce projet de modification ?

Je me suis déjà prononcé sur cette question. Elecam dont vous parlez est pour moi un machin, depuis le départ. Parce qu’en matière de loi, on n’interdit que ce que l’on peut empêcher. Parce qu’Elecam, pour moi, est une émanation du gouvernement camerounais. Une des innovations que ce projet de loi propose, c’est que le nombre des membres du conseil électoral passe de 12 à 18. Comme pour dire que d’autres sensibilités peuvent y être représentées désormais. Mais il faut retenir que si même tout s’y passait par vote, cela veut dire que les douze actuels qui sont choisis par le gouvernement Rdpc l’emporteront toujours.

Mais ma préoccupation n’est pas à ce niveau. J’avais, depuis le début de cette histoire, dit aux Camerounais qu’ils ne tombent pas dans le piège du gouvernement qui consiste à les distraire et à les amuser, pendant qu’il avance dans sa stratégie. Dans les autres pays que nous imitons, c’est le ministère de l’intérieur qui organise les élections. C’est pour vous dire que ce n’est pas celui qui organise les élections qui fait problème chez nous. C’est la qualité de cet organisateur. Elecam dont vous parlez est une émanation du gouvernement actuellement au pouvoir à Yaoundé. Et un gouvernement qui pense que tout lui appartient, qu’il peut tout faire sans compte à rendre à qui que ce soit. Où avez-vous déjà vu une Assemblée nationale dont les députés passent un mois à se tourner les pouces, et c’est à la fin de la session ordinaire que l’on apporte de tels projets qui doivent déterminer l’avenir de tout le pays? Et on dit aux « élus du peuple », venez vite. Il y a quelque chose pour vous. Où avez-vous déjà vu une telle Assemblée nationale ? Cela veut dire qu’elle est la caisse de résonnance qu’elle n’a jamais cessé d’être.

Que comprendre ?

Il faut simplement comprendre que le gouvernement Rdpc, avec ce qui se passe ailleurs en Afrique et dans le monde comme contestation des régimes dictatoriaux, veut s’assurer qu’il fera son hold-up électoral le moment venu en donnant une caricature de consultation électorale.

Vous venez de dire que dans d’autres pays où les scrutins sont transparents, c’est le ministère de l’intérieur qui organise les élections. Mais au Cameroun, c’est le ministère de l’administration territoriale qui est l’équivalent du ministère de l’intérieur qui a toujours organisé les élections que vous n’avez cessé de contester…

La différence, c’est que chez nous, l’administration territoriale est une émanation  du gouvernement. Mais dans les pays dont je parle, le fonctionnaire est un agent de l’Etat et non d’un parti politique comme chez nous. Ici, pour être responsable dans l’administration, il faut être du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) parti au pouvoir. Et si vous ne l’êtes pas encore à votre nomination, les usages vont vous y contraindre. Donc, ce type de fonctionnaire n’est pas qualifié pour être un juge impartial. Le jour où nous ferons que le fonctionnaire soit le représentant de la gestion collective, et non membre virtuel ou apparent d’un parti politique, on aura gagné. Parce qu’il sera toujours sûr de garder son poste par sa compétence, quel que soit le changement qui intervient sur le plan politique. Mais qu’est-ce qu’on constate ? Le Premier ministre, les ministres, le général d’armée, le commissaire de police… sont obligés d’aller chez eux faire la promotion du parti au pouvoir. Comme ce cas qu’on m’a révélé en France où les locaux de l’ambassadeur du Cameroun en France est transformée en siège du Rdpc, avec des motions de soutien initiées par les ambassadeurs pour prier le président d’un parti politique, fut-il celui au pouvoir, de se représenter indéfiniment. Je suis sûr que les membres de la Dynamique, mon parti, ne peuvent même pas obtenir un crayon là-bas pour relever ne serait-ce qu’une adresse.La Dynamique ne doit pas se borner à critiquer. Il faut proposer quelque chose aux camerounais…
Après 28 ans de magistrature suprême et 42 ans dans la haute administration, je croyais que le souci du président Biya aujourd’hui devait être ce que l’histoire retiendrait de lui. Parce que l’ancien président français, François Mitterrand, disait : « je laisse ma vie à la comptabilité de l’histoire » Et quand on demandait à Houphouët Boigny ce qu’il a fait, il disait qu’il posera son livre de compte devant le seigneur. Est-ce que ceux qui nous gouvernent pensent que leurs œuvres leur survivront après eux ? Le feu président Bongo l’avait dit : on ne peut pas organiser des élections pour les perdre. Pourquoi voulez-vous que monsieur Biya organise des élections avec Elecam qui lui apparient pour les perdre. Ce serait très naïf.

Donc pour vous, ce projet de loi est un non-événement ?

C’est un non-événement. C’est comme cet aspect qui concerne la caution pour la candidature à l’élection présidentielle qui passe de 1,5 million de Fcfa à 3 millions. J’ai appris que certaines personnes disent que c’est lourd. Une fois pour moi, c’est encore du bluff. Quand j’étais candidat en 1997, la caution était de 1,5 million de Fcfa. Mais il n’y avait pas de subvention. Donc aujourd’hui, ce n’est pas ce que le candidat dépose qui importe. C’est ce que le gouvernement lui donne en retour au titre du financement de la campagne. Pour s’assurer qu’il y aura toujours des candidats en face, le gouvernement Rdpc a prévu que n’importe qui peut aller dans une tontine emprunter 3 millions de Fcfa. Et immédiatement au lancement de la campagne électorale, il passe à la caisse retirer les 10 millions de Fcfa de financement qui sont prévus. Dès qu’il rembourse sa dette, il peut faire du reste ce qu’il veut. Ne même pas acheter un tricot pour sa campagne électorale. Puisqu’il n’est pas obligé de rendre compte de cet argent public qu’il a perçu. C’est comme les microprojets parlementaires avec les députés. Alors que dans d’autres pays, tu ne perçois quelque chose qu’en fonction de tes résultats, chez nous, c’est une arme de corruption des candidats, pour que le candidat naturel du Rdpc ne se retrouve pas seul candidat. Mais je vais vous dire que si les gens pensent qu’ils sont très forts tout seuls, il faut les laisser. Mais je vous signale que le choléra s’est déclaré à Meyomessala, dans le village du président. Personne n’était assez fort dans son gouvernement pour chasser cette épidémie de là pour l’envoyer à Bahouan chez moi. Si le peuple camerounais ne peut pas se libérer seul parce que les gens qui nous dirigent se disent très forts, même le ciel va le libérer.

© La Nouvelle Expression : Propos recueillis par David Nouwou


11/04/2011
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