Ahmadou Ahidjo: 30 ans après, que sont devenus ses collaborateurs ?
Douala - 04 Novembre 2011
© Edouard KINGUE | Le Messager
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D'autres personnalités du dernier gouvernement Ahidjo sont pour certains décédées, pour d'autres en vie, mais loin des affaires et bien d'autres perdues dans les dédales de l'histoire.
Que les temps ont changé! Trente ans après, avec les événements d'aujourd'hui, on se surprend à penser que s'il était quasiment impossible, durant les 22 ans de règne d'Ahmadou Ahidjo, de 60 a 82, d'entendre qu'un ministre a détourné des milliards, même pas des millions. Ce qui est devenu un sport national restera au-delà de tout, le lourd héritage du renouveau, englué dans la corruption au point ou la gouvernance en a pris un sérieux coup. C'est en janvier 1947 que Ahmadou Ahidjo est élu à l'Assemblée représentative du Cameroun (Arcam), au compte de la circonscription Bénoué et au terme d'un second tour de l'élection dont le premier tour s'est tenu le 22 décembre 1946. Homme plutôt effacé et même timide, il gravira pourtant tous les échelons de la vie politique camerounaise jusqu'à la magistrature suprême: président de l’Assemblée territoriale en 1957, Premier ministre en 1958, Président de la République en 1960. Il démissionne en 1982 en prenant tout le monde de court et en laissant de nombreux orphelins politiques. On gardera de lui, la grandiloquence du ton de ses discours et la main de fer avec laquelle il enserra le Cameroun et les Camerounais, une fois qu'il était sûr de tenir la réalité du pouvoir: «Je suis un homme... Je suis un homme pragmatique qui hait le dogmatisme» disait-il au cours d'une interview. Ahidjo: le malin Lorsqu'il décide de se retirer de la scène politique en 1982, Ahmadou Ahidjo n'a pour sa part aucun doute sur le règlement de sa succession qu'il a longtemps mûri dans le secret le plus absolu. Selon un observateur, «Il l'a voulu pacifique et réglé comme sur du papier à musique. Mais les choses n'étaient pas aussi sereines que l'actualité de l'époque l'avait laissé penser. Malgré son casting presque public et l'adoubement officiel qu'il avait accordé à Paul Biya d'abord comme premier ministre successeur constitutionnel et ensuite comme vice président du parti au congrès de la maîtrise à Bafoussam - pas moins d'une demi douzaine de noms circulaient qui prétendaient tous ou qui se laissent dire qu'ils étaient ses héritiers, les uns plus légitimes que les autres». Que sont-ils devenus? Il y a à tout seigneur tout honneur, Paul Biya. Le successeur constitutionnel qui franchira la barre de trente ans de pouvoir dans quelques jours. Si une lettre de recommandation de Louis Paul Aujoulat le prédestinait à devenir président de la république, rien ne laissait penser que trente ans après, il s'accrocherait au pouvoir au point de fatiguer tout le monde. Le technocrate d'hier n'a pas pu se transformer en démocrate, mieux en homme d'Etat, soucieux de l'intérêt général et respectueux de la république. A l'histoire de faire son bilan lorsqu'il aura consenti à laisser le Cameroun amorcer un autre ordre de développement, plus conforme aux attentes de ses compatriotes, pleins de talent et de génie. Feu Ayissi Mvodo Victor était plus politique que Biya. Peu avant sa mort, il s'est relancé en politique avant de mourir presque en plein vol à quelques mois de l'élection présidentielle de 1997, après avoir fait rêver plus d'un déçu du Biyaïsme. Feu Eboua Samuel n'a jamais publiquement évoqué la fessée nationale souveraine que lui infligèrent les sbires de Biya. Ancien fondateur et président du grand parti de l'Undp, il finira par créer le Mdp après avoir été écarté par Bello Bouba qu'il avait pourtant accueilli après son retour d'exil. Feu Sengat Kuoh n'est plus là aujourd'hui pour témoigner de la difficile transition qui intervint entre les hommes d'Ahidjo et ceux de Biya, au lendemain du 6 novembre 82. Il joua pourtant un rôle clé dans la consolidation du pouvoir de Biya, avant d'être payé en monnaie de singe. S'étant rapproché du Sdf, Sengat Kuoh disparaîtra quelques temps après, sans avoir pu assister a l'avènement d'un ordre nouveau au Cameroun. Ministre des forces armées, Maïkano Abdoulaye qui vient de décéder fut un héros malgré lui des remous politiques après la succession. Il finira par bénéficier d'un strapontin à la communauté urbaine de Garoua, avant son retour en grâce. William Aurélien Etéki Mboumoua: En 1965, Ahidjo vire Etéki du gouvernement où il fut le premier ministre de l'éducation nationale. Il fut aussi ministre chargé des missions à la présidence de la République. Biya qui le propulsa au poste de ministre des affaires étrangères s'en débarrassa ensuite comme un mal propre. Etéki est aujourd'hui président de la croix rouge. Maïgari Bello Bouba: Ce prince de Baschéo copté à partir du berceau politique par Ahidjo. Secrétaire général adjoint de la Présidence de la République, Biya le propulsa au poste de Premier ministre un certain 6 novembre 1982, avant le Krach. Revenu aux affaires depuis, Bello Bouba gère son destin à l'ombre douillet de la république, après avoir été le tout puissant président de l'Undp aujourd'hui moribonde. Lorsqu'il lui transmet officiellement le pouvoir le 6 novembre 1982, Ahidjo remet à Paul Biya une liste de personnalités qu'il souhaite voir entrer au gouvernement ou maintenus s'ils y sont déjà. Dans cette liste, le Premier ministre qu'il propose s'appelait Youssoufa Daouda. Paul Biya dit-on, convaincra Ahidjo d'accepter Maïgari Bello Bouba à la place. Président du conseil d'administration de l'université de Maroua, Youssoufa Daouda se fait de plus en plus discret. D'autres personnalités du dernier gouvernement Ahidjo sont pour certains décédées, pour d'autres en vie, mais loin des affaires. Il en est ainsi de Pierre-Désiré Engo, aujourd'hui en prison, Bwele Guillaume, reparti à l'université et qui a pris sa retraite, Marcel Yondo devenu gentleman farmer, Félix Tonye Mbog, Aminou Oumarou, Delphine Tsanga, Mbombo Njoya devenu sultan, René Ze Nguélé, Sadou Hayatou et bien d'autres perdues dans les dédales de l'histoire. |