La famille du footballeur piaffe d’impatience face au mutisme des autorités camerounaises et surtout, des versions contradictoires données par la partie algérienne.
Albert Ebossé, footballeur âgé de 25 ans est, dans des circonstances troubles, décédé le 23 août 2014 à l'hôpital de Tizi Ouzou, à 110 km à l'Est d'Alger. Paniquées, les autorités algériennes ont, dans un premier temps, indiqué que l’attaquant camerounais avait reçu un projectile sur la tête balancé des tribunes par un supporter de son équipe, à l’entrée des vestiaires, après la défaite à domicile de la Jeunesse sportive de Kabilye (JSK), son club, face à l'USM Alger (2-1), dans un match comptant pour la deuxième journée du championnat national.
Puis, de nouvelles révélations (une vidéo diffusée sur le web) sont venues contredire la première version des faits, indiquant qu’Albert Ebossé avait quitté la pelouse sans aucun problème et aurait plutôt été agressé dans les vestiaires par une milice travaillant pour le compte du président de la JSK. Le joueur camerounais avait pourtant marqué l'unique but de son équipe, dont la défaite à domicile a provoqué la colère de ses supporters.
Ce qui semble davantage malheureux et incompréhensible à la suite de ce décès, c’est l’attitude du gouvernement algérien, incapable de faire la lumière sur ce meurtre odieux. Malgré les mises en garde de la Confédération africaine de football (Caf), dont le président, le Camerounais Issa Hayatou a exigé «des sanctions exemplaires», la JSK a simplement fait la promesse de verser le salaire du joueur assassiné à sa famille pendant toute la durée de son contrat, en plus d’une indemnité ô combien ridicule de 56 millions qu’envisage octroyer la fédération algérienne.
Le ministre des Sports Mohamed Tahmi a quant à lui fait du dilatoire dénonçant un «crime», alors qu’une enquête a été ordonnée par le ministère de l'Intérieur en sus de la fermeture du stade Tizi Ouzou décidée par la Ligue. Le président de la Fédération Mohamed Raouraoua a exprimé sa «stupéfaction», «consternation » et «indignation» à la suite de cet «acte odieux» et souhaité que les auteurs de cet «acte innommable» soient «sévèrement punis». Au-delà de tous ces beaux discours, les assassins courent toujours.
VIOLENCE
Le décès de l’attaquant camerounais de la JS Kabylie, Albert Ebossé qui avait remporté le titre de meilleur buteur du championnat d'Algérie 2013-2014 avec 17 réalisations, jette en effet une nouvelle ombre sur le football algérien, que la belle campagne des Fennecs lors du Mondial-2014 n’aura pas suffi à masquer. Une sécurité qui manque à l'appel, des agressions de joueurs, le championnat algérien est régulièrement entaché par des actes de violence commis par des supporters.
Casses, envahissements de terrain, affrontements avec les forces de l’ordre rythment les rencontres disputées chaque semaine dans des stades peu adaptés à l’accueil de milliers de spectateurs. Les affrontements entre supporteurs incontrôlables se répètent de manière rituelle dans un pays où les stades servent d'exutoire à la colère des jeunes. Sans réaction des pouvoirs publics.
Dans une longue tribune publiée par le Huffington Post, le journaliste Ihsane el-Kadi qualifie la mort du Camerounais de «catastrophe infamante pour l’Algérie». «Tous les week-ends, écrit-il, des joueurs, des arbitres, des dirigeants, des supporteurs en déplacement risquent leur vie dans des stades coupe-gorges, devant des services de sécurité complaisants, dans des compétitions professionnelles socialement précaires pour la majorité des joueurs, et avec le plus souvent la complicité de médias spécialisés».
MUTISME
Au Cameroun, les pouvoirs publics se muent aussi dans un silence complice. Aucune autorité n’a eu le courage de condamner le tragique décès d’Albert Ebossé. D’insipides condoléances du chef de l’Etat évoquées par Issa Tchiroma Bakary, le ministre de la Communication au cours d’une conférence de presse à Yaoundé n’ont pas suffi à calmer le courroux de l’opinion publique. L’absence de version convaincante sème toujours le doute et donne cours à toutes sortes d’interprétations, même les plus folles.
Chacun y va de son commentaire. Les esprits sont de plus en plus tendus, malgré les assurances des autorités sportives, politiques et traditionnelles sawa appelant au calme. Un semblant d’autopsie sera réalisé avant l’enterrement prévu le 13 septembre, à l’effet d’apaiser les esprits surchauffés. En attendant, une image forte a marqué les esprits. Le président du Comité de normalisation de la Fecafoot, Joseph Owona, et le ministre des Sports et de l’Education physique, Adoum Garoua, qui certainement n’avaient jamais entendu parler d’Albert Ebossé avant sa mort, étaient assis aux premières loges vendredi dernier à Douala, lors de la cérémonie de réception de la dépouille en provenance d’Algérie.
Une présence plutôt mal perçue par la foule écoeurée. Les deux principaux responsables de la Fecafoot et du Minsep devraient plutôt engager des réformes visant à professionnaliser le football camerounais et toutes les autres disciplines sportives. On se souvient qu’à son nomination en décembre 2011, Adoum Garoua dans un élan d’enthousiasme, avait, face à la presse, promis un traitement d’égale valeur à toutes les disciplines sportives. Mais, dans les faits, seule l’équipe nationale de football senior masculin bénéficie de toutes les faveurs.
Plus d’une quarantaine d’autres fédérations civiles nationales restent dans l’indigence totale. Les athlètes en quête d’infrastructures sportives modernes et de meilleures conditions de travail prennent ainsi, tous les jours, le chemin de l’exil, à leurs risques et périls. A l’étranger, Albert Ebossé espérait ainsi avoir ce que son pays, où les clubs sont gérés comme des épiceries par des dirigeants véreux et corrompus, n’a jamais pu lui procurer, à savoir un véritable profile de carrière, une assurance, un salaire décent et respectable payé régulièrement selon les termes du contrat préalablement établis. Il n’avait malheureusement pas compté avec «les fous du stade», xénophobes et racistes.