Afrique/Burkina Faso : Le bel écho de la jeunesse des hommes intègres
Yaoundé le 31 octobre 2014
© Thierry Amougou | Correspondance
Rien ne sera plus jamais comme avant car la jeunesse africaine d’aujourd’hui et de demain est consciente des enjeux du respect du principe démocratique pour son avenir. Une jeunesse africaine qui dit « Y en a marre ! » au Sénégal, « Y en a marre ! » au Burkina Faso et « Ben Ali dégage ! » montre aux yeux du monde sa capacité d’indignation comme moteur de son action politique émancipatrice.
Rien ne sera plus jamais comme avant car la jeunesse africaine d’aujourd’hui et de demain est consciente des enjeux du respect du principe démocratique pour son avenir.
Une jeunesse africaine qui dit « Y en a marre ! » au Sénégal, « Y en a marre ! » au Burkina Faso et « Ben Ali dégage ! » montre aux yeux du monde sa capacité d’indignation comme moteur de son action politique émancipatrice.
Alors que la pensée néolibérale et ses relais politiques africains polluent les médias et les imaginaires avec la supposée émergence économique du continent noir au point de couvrir la pauvreté ambiante et les dictatures politiques trentenaires par des atours « économcistes », le peuple burkinabé vient de sortir de ses gongs pour revendiquer une autre émergence, celle du développement politique, bref de son émancipation civique par rapport à une dictature sanglante vieille de 27 ans.
Cette résurgence de l’esprit de contestation est à saluer car l’Afrique est un continent jeune. Les moins de 20 ans y représentent plus de la moitié de la population. Ils doivent y jouer un rôle politique majeur. L’extrême jeunesse des manifestants et contestataires burkinabè le prouve. Elle est une preuve de la maturité politique de la jeunesse africaine du XXème siècle. Cette jeunesse africaine est au moins aussi mûre politiquement dans sa chair et son esprit que les difficultés économiques qu’elle a endurées via les ajustements structurels, les brutalités à répétition qu’elle a subies de la part des régimes en place et la violence politique récurrente et endémique induite par des modifications constitutionnelles au service du statu quo politique.
Rien ne sera plus jamais comme avant car la jeunesse africaine d’aujourd’hui et de demain est consciente des enjeux du respect du principe démocratique pour son avenir. Elle est déterminée à sortir de ce paradoxe anthropologique, social et politique qui fait du plus jeune continent au monde celui dont l’âge moyen des présidents est le plus élevé et celui qui présente un champ politique à la fois conservateur et rentier alors que la jeunesse aime fondamentalement le mouvement, l’innovation et les prises de risques parce que tournée vers le futur.
Ce qui se joue au Burkina Faso et s’est joué en Tunisie. C’est un moment politique qui disqualifie les indicateurs économiques et politiques internationaux. Il est le signe que les indicateurs macroéconomiques et le discours des organisations et instances internationales sont d’une grande vacuité comme baromètres sociopolitiques d’une société dont le métabolisme social et politique n’est en aucun cas saisi par leur caractère métrique et superficiel. La Tunisie était l’enfant prodigue des institutions financières en Afrique du Nord où ses performances économiques étaient exaltées pour couvrir la dictature. Les ONG occidentales ne jurent depuis des décennies que par le Burkina Faso où la bonne gouvernance serait l’explication de leur pullulement et de la stabilité du régime. Foutaises ! Autant la pourriture politique et sociale était largement entamée sous les bons indicateurs économiques tunisiens, autant la bonne gouvernance dont Blaise Campaoré était le parangon d’après les ONG se révèle au pis une ineptie, au mieux le résultat d’un jeu de donnant-donnant entre lui et ses soutiens extérieurs.
L’Afrique de demain peut donc être fière de sa jeunesse. Celle-ci n’a pas perdu son âme politique dans le jean, le baladeur, le rêve de l’Occident et la « buzzattitude » des séries et feuilletons de la culture capitaliste qui nous baigne. Elle prend ses responsabilités en risquant sa vie pour une chose qui le mérite, sa liberté. Elle mesure le prix à payer parfois en vie humaine. Elle veut être maîtresse de son destin et envoie au monde le message que l’Afrique de papa et de son ami colon qui font n’importe quoi à la population c’est fini ! La jeunesse africaine réactualise la programmation historique de l’esprit politique de ses leaders historiques pour une démocratie de combat alimentée du passé subalterne du continent dont il faut sortir au sein du système international d’Etats, de son esprit de solidarité et son éthos séculaire des affaires. Les bonnes graines ne meurent jamais. Elles font d’excellentes pousses et récoltes à très long terme. Um Nyobè, Patrice Lumumba, Olympio, Thomas Sankara, Ahmed Ben Barka et biens d’autres illustrateurs historiques de l’âme de la résistance africaine ne sont plus parmi nous depuis des lustres. Ils peuvent cependant être fiers de leur travail d’où ils se trouvent car l’Afrique politique et humaine récolte encore ce qu’ils ont semé avec leur conviction d’homme, l’amour de leur peuple et l’esprit politique enfanté par « la terre d’ébène ». Les fortunes de cette prise de responsabilité de la jeunesse africaine peuvent être diverses car les structures internes et externes des dictatures sont solidement installées: plus de 500 jeunes camerounais ont été abattus par l’armée camerounaise en mars 2008 lors d’un soulèvement contre la modification constitutionnelle. Mais ces soulèvements de la jeunesse africaine sont aussi la cause d’une belle moisson politique comme en Tunisie où la transition démocratique est en passe d’être une réussite ou au Sénégal où l’alternance a eu lieu à la tête de l’Etat grâce à une mobilisation populaire et à une insurrection civique dans les urnes.
Une jeunesse africaine qui dit « Y en a marre ! » au Sénégal, « Y en a marre ! » au Burkina Faso et « Ben Ali dégage ! » en Tunisie montre aux yeux du monde sa capacité d’indignation comme moteur de son action politique émancipatrice. Elle montre, contrairement à ceux qui pensent que la démocratie n’est pas pour l’Afrique et les Africains, qu’elle considère la démocratie comme la solution de sortie de nombreux problèmes que connaissent les peuples africains depuis plus de cinquante ans d’indépendance. La communauté internationale qui soutient de nombreux régimes africains en mettant en avant le calme qui y prévaut et la stabilité politique devrait se demander pourquoi un si grand calme et une stabilité si stupéfiante accouchent des révoltes populaires au lieu de transitions sans bruits.
Un examen de la psychologie des peuples africains et burkinabè montre que le régime de Compaoré allait payer l’assassinat de Thomas Sankara et de Norbert Zongo d’une façon ou d’une autre.
En observateur averti de la scène politique africaine, l’âme profonde frondeuse des peuples africains n’a jamais digéré l’assassinat de Thomas Sankara. Si le Burkina était si stable aux yeux des Occidentaux c’est parce ceux-ci ne savent pas voir et saisir les indices sociopolitiques de la colère et de la haine sourdes que couve l’âme d’un peuple dont l’écho retentit aujourd’hui en chant de liberté. D’autres paramètres ont montré que ce pays n’était pas stable : cas des émeutes de la faim de 2007, des troubles sociopolitiques de 2011 et la démission de plusieurs poids lourds du régime en place. Dans une telle situation où l’image internationale d’un régime tranche avec le vécu réel exécrable des populations locales, la Jeunesse Burkinabè donne une leçon de démocratie. Cette dernière ne peut être uniquement des élections, une assemblée nationale et un sénat où la majorité présidentielle modifie les Constitution, mais aussi et surtout un rapport subjectif entre une population, ses leaders et les institutions. Si l’esprit des institutions et des lois n’est pas en osmose avec les aspirations démocratiques d’une population, on ne peut parler de démocratie mais de dictature car « les représentants » du peuples ne représentent personne mais leurs intérêts corporatistes. Dès lors la rue et la politique de la rue deviennent les lieux performants du politique et de la pratique démocratique réelle quand les symboles du pouvoir se transforment en exutoire de la frustration trentenaire de la liberté populaire.
L’inertie de la dictature est grande et peut permettre à celle-ci de résister encore longtemps et peut-être même de garder le pouvoir. Là n’est pas notre problème mais celui du dictateur qui ne ferra qu’ajourner sa fin paisible actuelle pour une autre peut-être plus pire. Notre objectif dans ce papier était d’exalter l’âme politique de la jeunesse africaine qui prend ses responsabilités. Que Blaise Campaoré fasse ce qu’il veut avec les marges de pouvoir qui lui reste. L’âme politique de son peuple aura le dernier mot tôt ou tard et l’histoire de l’Afrique se chargera du reste dans ses archives politiques des dirigeants ivres de pouvoir. Lorsqu’un jeune Burkinabè brandit une pancarte avec : Campaoré = Ebola, le jugement de l’histoire immédiate devient un secret de polichinelle. Au cas où il l’ignorait encore, Blaise Compaoré sait maintenant ce qu’il représente pour l’âme politique de la jeunesse africaine : l’assassin d’un rêve révolutionnaire africain et du symbole vivant d’une Afrique intègre. Sa place dans l’histoire est celle-là. Le savoir de son vivant devient alors pire que la mort car vivre en direct son classement dans la poubelle de l’histoire politique africaine est la plus lourde sanction que lui réserve la providence : cette souffrance suffit à sa peine.
La jeunesse africaine est en marche vers la prise du pouvoir dans un continent qu’elle domine démographiquement. Elle envoie au monde entier le bel écho d’un peuple africain qui comme Martin Luther King se dit : I will be free at last.
Thierry AMOUGOU, Université catholique de Louvain,
Fondateur et animateur du CRESPOL, Cercle de réflexions Economiques Sociales et Politiques. Cercle_crepol@yahoo.be