Afrique: J’aime la Chine mais la Chinafrique me fait peur

Ernest Pekeuho:Camer.beLe 2 février 2012, selon le journal « Jinghua Shibao », les données rendues publiques par le groupe Sinopec ont montré que l'importation du pétrole brut en Chine serait de 266 millions de tonnes.Cette année, selon les prévisions, la croissance de l'importation du pétrole brut en Chine serait de 5,9%, soit la plus basse depuis 2006. Selon les données rendues publiques par Sinopec, l'année 2012 débutera avec un nouveau ralentissement de la croissance économique mondiale, la croissance de l'économie chinoise subira elle aussi un ralentissement, de même que la croissance de la consommation du pétrole. Selon les prévisions pour 2012, la production de pétrole brut sera de 220 millions de tonnes en Chine, alors que son importation atteindra 266 millions de tonnes.
 
En 2011, l'importation du pétrole brut en Chine était de 251,26 millions de tonnes. On peut donc envisager, pour 2012 une hausse de 5,9% par rapport à 2011, soit un taux d'augmentation le plus bas depuis 2006. Cependant, en tenant compte de la demande intérieur en pétrole, il y aura une balance entre l'offre et la demande générale. L'offre de l'essence dépassera la demande, alors que l'offre et la demande de l'huile lourde resteront équilibrées.

Au meme moment, les officiers des douanes de Shanghai ont saisi 1 700 tonnes métriques de pétrole illégalement importé, d'une valeur de 15 millions de yuans (2,35 millions de dollars), a annoncé lundi 29 octobre l'Administration générale des Douanes (AGD).

Les officiers des douanes ont saisi cinq navires de contrebande et arrêté 41 suspects lors de la rafle. Les deux groupes de contrebandiers impliqués dans l'affaire auraient fait passer en fraude plus de 420 millions de tonnes métriques de pétrole raffiné d'une valeur de 250 millions de yuans depuis juillet 2010, selon l'AGD.

L'AGD a lancé le 20 juillet une campagne nationale de quatre mois pour lutter contre la contrebande de pétrole dans neuf provinces côtières. Les officiers des douanes ont élucidé 243 affaires impliquant environ 300 000 tonnes métriques de pétrole raffiné jusqu'au 10 septembre.

Depuis 1995, le gouvernement de Pékin mène une politique énergétique internationale globale, afin de minimiser sa dépendance excessive vis-à-vis du pétrole du Moyen-Orient. La Chine reconnaît elle-même la faiblesse de son influence dans cette région, sa position étant d’autant plus précaire que la situation au Moyen-Orient est instable et donc contraignante. Le pouvoir de contrôle de l’État chinois sur son ravitaillement en pétrole dans cette zone demeure donc faible. Le pays en a tiré des conséquences qui se traduisent par un léger retrait, proportionnellement parlant, de la région. Ainsi, si en 1996 le pétrole brut en  provenance du Moyen-Orient représentait 53 % du total des importations, ce taux est tombé à 33,2 % en 2011. Cela dit, il semble qu’il sera impossible de descendre en dessous d’un certain seuil d’approvisionnement pour cette région du monde : dans les années 1990, la Chine n’avait réussi à ramener son taux qu’à 40 %, ce qui était déjà un niveau très bas .

La diversification des sources d’approvisionnement à l’étranger est donc impérative.

Au delà des facteurs d’ordre politique, ressortent également des contraintes techniques. En effet, une partie du pétrole en provenance du Moyen-Orient est lourdement chargé en sulfures, ce qui exige certaines installations de raffinage dont la Chine ne peut indéfiniment augmenter la capacité, à moins d’investir massivement dans le renouvellement de ses raffineries. Le potentiel maximum de traitement journalier actuel du pays est de 4,35 millions de barils de pétrole brut à sulfure bas, 160 000 barils à sulfure moyen et 240 000 barils à sulfure élevé . Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La Chine doit donc tenter de diversifier ses importations vers la Russie et les pays d’Asie centrale.

En même temps, elle continue à rechercher d’autres sources stables et essaye même d’acquérir des gisements en investissant directement. Et l’Afrique est une de ses cibles privilégiées.

La production africaine de pétrole brut représente 10 % de la production mondiale. Et parmi les onze États membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), on recense trois pays africains : l’Algérie, la Libye et le Nigeria. Jusqu’en 1992, l’Angola était l’unique fournisseur africain d’hydrocarbures de la Chine, mais dans des proportions modérées.

La plupart du pétrole brut provenait

du Moyen-Orient, d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est. À partir de l’année suivante, la Chine a commencé à réajuster sa politique d’approvisionnement : la quantité de pétrole en provenance d’Angola a augmenté de façon importante, passant à 24 480 b/j et plaçant l’Angola au 4e rang des pays fournisseurs d’hydrocarbures de la Chine , laquelle avait également commencé à se tourner vers d’autres pays africains. Cela dit, le Moyen-Orient conservait sa place privilégiée.
Afrique : la terre promise

Dans l'après guerre froide, la question du pétrole devient un vecteur important de la politique étrangère de la Chine vis-à-vis de l’Afrique.

Pourquoi le pays vise-t-il l’Afrique pour se procurer ses ressources en hydrocarbures ? Il faut tout d’abord savoir que l’industrie et le marché pétroliers sont étroitement contrôlés par une poignée de sociétés occidentales appelées jadis les « sept sœurs « sous l’égide de leurs pays d’origine. Le caractère spécifiquement « hors système » de l’Afrique dans l’après-guerre froide permet à la Chine une excellente percée dans sa quête de pétrole, même si elle y est late comer.(venue tard) Son objectif est de diversifier ses sources énergétiques afin d’éviter de « mettre tous ses œufs dans un même panier ». Ce qui importe le plus pour la Chine, ce sont les opportunités d’investissements directs. Celles-ci peuvent être considérées sous deux angles : il s’agit soit de réaliser des projets de prospection par le biais de joint-venture, soit d’acquérir des gisements pour diminuer la dépendance vis-à- vis du marché. Ainsi, en 1997, la China National Petroleum Corporation (CNPC), firme pétrolière numéro une en Chine, s’est associée avec l’entreprise malaisienne Petronas et avec l’entreprise canadienne Talisman pour passer un accord avec la Sudapet, entreprise d’État pétrolière représentant le gouvernement soudanais, en vue de procéder ensemble à la prospection, l’exploitation et la mise en place d’oléoducs sur le site du bassin de Muglad situé au sud du Soudan. Le projet Muglad montre à la fois l’importance de l’Afrique pour la Chine en ce qui concerne l’approvisionnement pétrolier, et les efforts menés par la Chine à cet égard.

Ce projet a nécessité un investissement global d’un milliard de dollars. C’est le premier et le plus grand projet de ce type mené par une entreprise d’État chinoise sur le continent africain . Il se juxtapose à un autre projet sans précédent appelé « développement d’envergure des gisements » et concernant le Kazakhstan, le Venezuela et l’Irak. Le montant de l’investissement prévu pour ce dernier projet s’élève à 5,6 milliards de dollars. Le montant total de l’investissement chinois dans le projet Muglad au Soudan demeure par contre une énigme. Selon Philip Andrews-Speed (la source principale du tableau précédent), les Chinois auraient participé à hauteur de 700 millions de dollars. Pour Gérard Prunier, spécialiste de l’Éthiopie et directeur de recherche au CNRS français, la quote-part chinoise au projet s’élèverait à 40 %, et celles de la Petronas, de la Talisman et de la Sudapet respectivement à 30 %, 25 % et 5 % . Le taux de participation canadienne de 25 % est confirmé par le New York Times .J’estime donc que l’investissement chinois se situe dans une fourchette allant de 400 à 700 millions de dollars. Malheureusement, une partie de l’investissement chinois se présente en nature,  sous la forme d’une main-d’œuvre gratuite, celles de ses prisonniers expatriés pour acquitter des travaux forcés. Les puits numéros 1, 2 et 4 du Muglad ont été programmés pour produire chacun 2,4 millions de tonnes de pétrole brut à partir de l’an 2000 , soit une production totale de 144 000 b/j. D’après sa quote-part dans la joint-venture, la Chine devrait en obtenir une quantité journalière de 60 000 barils, soit 5 % du volume total de ses importations pour cette année-là . Ce taux d’occupation ne semble pas énorme à première vue, mais le calcul fait à partir des statistiques fournies par les sources officielles chinoises révèle des chiffres plutôt significatifs : en 2000, la Chine a obtenu un total de 6 millions de tonnes de brut provenant de tous ses puits à l’étranger , soit un volume de 120 000 b/j. Nous découvrons alors que les 60 000 b/j en provenance du Soudan représentent déjà la moitié de la production des puits acquis par la Chine à l’étranger …

Le gouvernement chinois prévoit de doubler, voire tripler, la capacité de tous ces puits soudanais d’ici 2005. Par ailleurs, d’après des sources américaines, le rendement de ces puits serait bien plus prometteur que ce que le gouvernement chinois aurait révélé. Ainsi, le gisement soudanais numéro 6, opéré par la Zhongyuan Petroleum Corporation, filiale de la China Petrochemical Corporation (SINOPEC), seconde firme pétrolière de la Chine, a rapporté à lui seul 200 000 b/j en 2000 , soit, d’après nos calculs, 10 millions de tonnes de bruts par an. Quoi qu’il en soit, cela signifie que les investissements chinois au Soudan joueront à l’avenir un rôle crucial, quelle que soit l’estimation des diverses sources d’information. C’est une très bonne opération en termes de coûts et de rendement, comparé à d’autres projets menés par la Chine dans le monde entier. Le projet s’avèrera sans conteste de plus en plus productif au fur et à mesure de son développement.

Les autres sources d’approvisionnement africaines, l’Angola, l’Égypte, le gabon,  le Nigeria ou encore le Congo-Brazzaville, ne sont pas à négliger non plus.

Concernant le gabon, ce ralliement est le fruit de la patience. La Chine n’ était jamais arrivée à accéder aux ressources pétrolières gabonaises, malgré l’amitié exceptionnelle entre les deux pays et le potentiel productif de ce pays d’Afrique. Le président gabonais, Omar Bongo, est, rappelons-le, le chef d’État africain le plus souvent invité à Pékin, au même titre que son homologue congolais, le président Denis Sassou N’Guesso. Or, la Chine a commencé relativement tôt à s’approvisionner en pétrole brut congolais, même si les quantités achetées demeurent peu importantes à ce jour. Du brut gabonais va enfin commencer à être livré en Chine en 2004, grâce à la visite à Libreville du président chinois Hu Jintao en début d’année et à un accord économique bilatéral conclu durant cette visite. Cet approvisionnement arrive juste au moment où la production pétrolière gabonaise commence à rencontrer des difficultés de production.

D’après les sources chinoises, la Chine a acheté aux pays africains 7,25 millions de tonnes de brut (équivalant à 145 000 b/j) en 1999, soit une augmentation de 205 % par rapport à 1998. Toujours dans la même année, le pétrole brut africain représentait 37 % du chiffre d’affaires du commerce bilatéral total, c’est-à-dire de 6,4 milliards de dollars . En 2000, les importations chinoises en hydrocarbures

africains ont doublé, atteignant 17 millions de tonnes, soit l’équivalent de 340 000 b/j. La moitié de ce volume provenait d’Angola, suite à la découverte de gisements off-shore au Cabinda. Par ailleurs, le montant des achats chinois d’hydrocarbures auprès de l’Égypte était multiplié par trois en l’espace d’une année, passant de 34 millions de dollars en 1999 à 102 millions en 2000 .

L’approvisionnement africain représente déjà environ un quart de la totalité des importations de pétrole de la Chine.
De plus ce taux ne cesse de croître. Ainsi, en 2000, la Chine a connu son premier déficit commercial avec l’Afrique depuis des décennies, 512,4 millions de dollars, du fait de l’augmentation galopante des importations de pétrole brut. C’est aussi pendant cette année que le montant total des transactions entre la Chine et les pays d’Afrique a battu son record pour atteindre 10,6 milliards de dollars. Depuis, la Chine demeure en déficit commercial avec l’Afrique, et la cause en est résolument le pétrole.

Des jeux sophistiqués

La stratégie pétrolière de la Chine est souvent multidimensionnelle puisqu’elle se déploie dans les domaines aussi bien diplomatiques et politiques qu’économiques et militaires (notamment à travers les ventes d’armes).
Parlons tout d’abord des " relations spéciales ". Comme le fait remarquer Sergei Troush, chercheur visiteur à la Brookings Institution, la mise en place de ce type de relations est considérée par la Chine comme un levier politique au service de sa diplomatie du pétrole. Dans l’usage diplomatique chinois, les « relations spéciales » ont souvent été nouées par un traité d’amitié. Le cas de l’amitié sino-vietnamienne est typique à cet égard. De nos jours, il n’est plus question de nouer des alliances, la Chine gardant un souvenir amer de son alliance avec l’ex-URSS.

Cela dit, la logique des « relations spéciales » demeure ; seuls les outils ont été modifiés. Aujourd’hui, ces relations peuvent consister en un lien privilégié couplé d’un partenariat global, constructif ou stratégique.

Parallèlement, la Chine se sert de sa place éminente au sein des Nations Unies pour soutenir politiquement ses pays fournisseurs d’hydrocarbures. Le soutien chinois est d’autant plus précieux que ces pays sont sanctionnés par les Nations Unies pour des raisons de violation des obligations internationales. Mais les faveurs chinoises sont loin d’être gratuites puisque la Chine attend en contrepartie des conditions préférentielles à la coopération dans les domaines pétroliers. Par ailleurs, l’empire du Milieu va même jusqu’à recourir à la vente de technologies de pointe et d’équipements nucléaires en échange d’importations pétrolières .

La Chine maintient souvent des relations militaires avec ses fournisseurs de pétrole. De ce point de vue, les cas de l’Angola, du Soudan et du Nigeria sont révélateurs. En 1995, lorsque le Nigeria a été isolé et sanctionné par la communauté internationale pour l’exécution de neuf dissidents politiques ognis, Pékin a continué à vendre des armes à ce pays, en dépit de la forte pression occidentale.

Dans le cas de l’Angola, Pékin joue un jeu opportuniste.

Les trois forces hostiles en Angola - les Mouvements populaires de libération de l’Angola (MPLA), le Front national de libération de l’Angola (FNLA) et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA) – ont toutes été approvisionnées en armement chinois. De fait, la Chine livre généreusement des armes dans ces pays pour consolider ses liens bilatéraux et payer ses factures de pétrole brut.

Lorsque des conflits frontaliers ont été provoqués par l’Angola et par le Soudan, la Chine a prêté un soutien diplomatique et militaire ferme à ces deux pays. Et c’est dans cette ambiance très amicale que le gouvernement chinois a successivement livré au Soudan, de 1995 à 1997, un gros effectif d’armements comprenant six avions de combat de classe F6, cinquante hélicoptères de type Z-6 et cent

artilleries mobilisées. Cette transaction fait partie d’une des plus importantes ventes d’armes chinoises en Afrique pour le milieu des années 90 . C’était en 1997, date à laquelle, rappelons-le, la Chine avait obtenu de Khartoum le droit d’acquérir des gisements au Soudan. Symbole politique de la création de l’axe Chine-Soudan, une succursale de la banque d’import-export de la Chine , pour la première fois en Afrique, été mise en place dans la capitale soudanaise cette même année.

Après la guerre froide, il est évident que la Chine préfère largement privilégier une stratégie de relations amicales avec les pays fournisseurs de pétrole. Cette logique s’étend également aux pays traversés par les convois maritimes pétroliers vers la Chine, qui ne dispose pas d’une puissance maritime de projection au-delà de ses eaux territoriales. Erica Strecker Downs parle d’une « double dépendance » de la Chine en matière d’hydrocarbures : non seulement le pays doit se fournir à
l’extérieur, mais de plus, il doit s’assurer la sécurité des voies de communication. Ce deuxième aspect renvoie évidemment aux États-Unis, déployés militairement partout dans le monde pour leur propre protection maritime. Cette seconde faiblesse de la Chine doit donc être équilibrée par des liens politiques. Djibouti est un exemple à cet égard. Dans la vision géostratégique chinoise, Djibouti détient une place centrale dans la Corne de l’Afrique : vers le Nord, la route maritime rejoint la Méditerranée en passant par la mer Rouge et par le canal de Suez, et vers le Sud, la route longe la Corne de l’Afrique, Madagascar et enfin Le Cap pour rejoindre l’Atlantique. Ces deux voies de navigation sont non seulement les artères économiques du monde, mais également la ligne de survie des continents européens et nord-américains pour l’approvisionnement en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie de l’Est. Mais ce qui importe le plus, c’est que ce pays-ville contrôle l’ancienne « route des Indes » de l’empire britannique au profit des intérêts européens. C’est donc là que se situe l’enjeu géopolitique : non content de contrôler des sources d’hydrocarbures en Afrique (particulièrement au Soudan), la
Chine doit également maintenir la sécurité de l’acheminement de ses convois. Les deux facteurs doivent donc se compléter pour assurer la totale sécurité du ravitaillement en pétrole, d’où l’importance pour l’empire du Milieu d’établir un lien de partenariat avec ce minuscule pays qu’est Djibouti. La politique chinoise en Afrique doit relever deux défis : s’assurer des liens exceptionnels avec des producteurs africains tout en réussissant à gérer les conflits d’intérêt avec les grandes puissances, du fait qu’elle défie le statu quo en termes d’intérêts et d’ordre international imposés par les principaux États-acteurs.

Une souplesse diplomatique : l’exemple nigérian

Dans le cas nigérian, la Chine a abouti à un lien où se mèlent commerce, matières premières et soutien politique aux besoins de chacun des partenaires. La diplomatie chinoise vis-à-vis du Nigeria fait montrer d’une parfaite adresse adaptée aux circonstances.

Après avoir fermement soutenu le régime du général Sani Abacha, Li Peng, en sa qualité de Premier ministre et d’expert en énergie, a effectué une visite spéciale au Nigeria en 1997 pour négocier des projets de coopération pétrolière. Deux protocoles d’accord sino-nigérians relatifs à la prospection chinoise dans le bassin du Tchad et dans le delta du Niger ont suivi en 1997 et 1998. Par la suite, le ministre chinois des Affaires étrangères, Tang Jiaxuan, s’est déplacé à Abuja en janvier 2000 afin de mener à bien l’achat de pétrole brut nigérian. En contrepartie, la Chine s’est engagée dans divers projets locaux, notamment la remise en état des chemins de fer nigérians. Du point de vue politique, la réalisation de ces projets a été considérée par le gouvernement chinois comme une occasion-phare de consolider les échanges mutuels entre les deux pays, afin de créer une ambiance plus propice dans tous les domaines. Résultat : le total des transactions commerciales a grimpé jusqu’à 856 millions de dollars en 2011, soit sept fois plus qu’en 1993, année où Sani Abacha était arrivé à la tête du Nigeria.
Lors de la visite à Abuja du ministre chinois Tang Jiaxuan, en 2000, le président nigérian Olusegun Obasanjo (au pouvoir depuis 1998) a su tirer parti des atouts de son pays en matière de commerce et de ressources naturelles. Il en a aussi profité pour exprimer sans réserve sa forte insatisfaction en ce qui concerne la non-représentation des pays africains au sein du siège permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Obasanjo a bien fait comprendre qu’il souhaitait une aide de la part de la Chine pour obtenir deux sièges permanents en faveur de pays africains, sous-entendu le Nigeria. Cette demande effectuée en tête-à-tête avec le ministre chinois a, semble-t-il, été reçue avec tiédeur. Pour démontrer la volonté vis-à-vis de l’Afrique de son pays, Tang s’est contenté de répondre que la Chine
continuait à soutenir l’élargissement du Conseil de sécurité et proclamait la nécessité d’accorder des sièges aux pays africains .

Au mois d’août de la même année, le sujet a refait surface dans la déclaration commune américano-nigériane, à l’occasion de la visite d’État du président américain William Clinton à Abuja. L’engagement du président américain n’apparaît cependant que dans le paragraphe F de cette déclaration, où il est question d’un effort conjoint au soutien du rôle des Nations Unies, en particulier
dans le domaine du maintien de la paix, de la sécurité collective et du développement, et à la perspective d’une réforme de cette grande instance internationale, y compris de sa grille de contribution budgétaire . Le rapport de forces entre le Nigeria et les Etats-Unis était évidemment différent de celui entre ce même pays et la Chine. Répondant à la demande du Nigeria, l’engagement chinois a été confirmé par un communiqué conjoint sino-nigérian, dans son article 9, signé lors de la visite de Jiang Zemin à Abuja du 14 au 16 avril 2002. C’était la première foisque le gouvernement chinois s’engageait ainsi dans un communiqué officiel international vis-à-vis d’un État particulier. Tout est donc fait pour pouvoir accéder au marché et aux ressources naturelles du Nigeria.

Dans l’article 2 de ce communiqué (l’article 1 sert de préambule introductif), il est stipulé que la coopération économique et commerciale entre le Nigeria et la Chine forme une dynamique puissante qui fait avancer le développement des relations bilatérales. Les deux parties contractantes y affirment également leur volonté de renforcer et d’approfondir cette coopération économique et commerciale. Cet article se termine par une valorisation de la coopération dans le secteur énergétique, la Chine étant encouragée et soutenue dans sa participation à l’exploitation des hydrocarbures au Nigeria. Il est évident pour la Chine que le fait de pouvoir se procurer des hydrocarbures prime sur l’aspect symbolique d’être l’unique représentant permanent «non blanc» et « non issu du monde avancé » auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cela dit, grâce à sa souplesse diplomatique, la Chine est enfin parvenue à s’insérer sur le marché pétrolier du Nigeria, marché déjà très concurrencé et quasi-totalement monopolisé par les Occidentaux.

À l’encontre des intérêts américains : l’exemple soudanais

Le rapprochement Pékin Khartoum dans le domaine des hydrocarbures constitue pour le Soudan un nouveau réseau de « clients et d’alliés » . Cette brèche chinoise que le gouvernement soudanais a su aménager lui permet de contourner les embargos et les sanctions des Nations Unies. Ainsi, la Chine s’est abstenue de répondre aux exigences de cette grande instance internationale, qui lui demandait, dans sa résolution 1054 de 1996, d’expulser de son sol les agents diplomatiques soudanais.
Le rapprochement entre les deux pays assure au Soudan le soutien de Pékin pour réussir un tour de force, celui de pouvoir bénéficier de la bienveillance d’un des États membres du Conseil de sécurité des Nations Unies. Sachant que les investissements chinois dans le projet pétrolier du Soudan seront amenés à s’étaler sur plusieurs années encore avant que l’exploitation puisse atteindre un rendement optimal, il s’agit là d’une espèce de garantie de longue durée très chère au gouvernement soudanais, mis de côté par la communauté internationale.

Le Soudan a par ailleurs fait l’objet de soupçons en tant que relais occulte dans la prolifération des technologies chinoises de fabrication de missiles. Ainsi, d’après une enquête de la CIA américaine menée en l’an 2000, la Corée du Nord, soutenue par la Chine, aurait cherché à construire une usine destinée à la fabrication de missiles pour l’Irak sur le sol soudanais. Par la suite, le quotidien britannique Daily Telegraph, s’appuyant sur des informations rassemblées par des agences occidentales d’anti-terrorisme, a rapporté qu’un groupe de Chinois à la fonction mystérieuse avait été capturé par l’Armée de libération des peuples du Soudan (connu sous le sigle anglais SPLA), force d’opposition protestante, lors d’un combat contre le gouvernement soudanais .

Le quotidien britannique poursuit en expliquant que la Chine était prête à envoyer plusieurs centaines de milliers de soldats et de prisonniers sur place pour protéger, en tant que gardes de sécurité, ses investissements pétroliers. Pour un observateur international, il semble douteux que Pékin soit capable d’un tel déploiement humain ; mais cela prouve que le gouvernement chinois était directement et militairement impliqué dans les conflits internes soudanais en faveur des autorités en place à Khartoum, du fait de ses intérêts dans les champs pétroliers (proches des zones de conflit) du Soudan. Tout particulièrement en l’an 2000, le conflit entre les deux Soudans était entré dans une nouvelle phase, car la SPLA avait consolidé son contrôle dans la zone frontalière et pris une position offensive vers le Nord. Face à une telle situation, la Chine ne pouvait que s’ingérer dans ce conflit purement interne au Soudan, pour des « raisons d’État ».
Rappelons que la non-ingérence dans les affaires internes est pourtant un des cinq piliers du fameux principe de co-existence pacifique dans la diplomatie chinoise. Malgré tout, le danger de guerre persiste pour les installations pétrolières soudanaises : John Garang de regretté memoire, ex leader du groupe rebelle du Sud-Soudan, a affirmé plus tard que l’accord relatif à la non-offensive contre des objectifs civils, signé en mars 2002 avec le gouvernement de Khartoum sous les bons offices des États-Unis, ne couvrait pas les installations pétrolières opérées par les pays étrangers sous l’égide du gouvernement de Khartoum . Ce type d’attaques devrait donc continuer. D’ailleurs, les Américains ferment les yeux sur ce point, probablement pour non seulement porter atteinte aux investissements chinois dans le secteur pétrolier du Soudan mais aussi priver le régime de Khartoum de son pactole étranger.

La Chine est contrainte de subir les conséquences négatives issues de son lien soudanais et en paye un prix élevé, y compris pour des affaires à priori de faible importance. Ainsi, dans la perspective de réduire le déficit en hydrocarbures chinois par des investissements dans des gisements à l’étranger, l’entreprise pétrolière PetroChina, filiale de la CNPC, envisagea, en 2000, d’entrer à la bourse de New York. Son offre publique était estimée à un capital de 10 à 15 milliards de dollars. C’est un cas trivial de société entrant en Bourse. Mais cet événement était hautement surveillé par des organisations défendant les droits de l’Homme. La PetroChina fut tout de suite dénoncée par des organisations et soupçonnée de financer des opérations militaires au Soudan contre les séparatistes chrétiens du sud du pays.

La quête de capitaux sur le marché américain par cette entreprise chinoise suscita donc de vives polémiques aux États-Unis. Spencer Bachus, député et président de la sous-commission de la politique monétaire à la Chambre américaine des Représentants, prit l’initiative de s’adresser directement au président Clinton, attirant son attention sur ces capitaux amassés par l’entreprise chinoise sur le marché américain, car ces fonds financeraient, par le biais de l’investissement, le régime de Khartoum contre les soudanais chrétiens Le député Bachus avait toute raison de croire que les investissements chinois au Soudan étaient directement liés à l’amélioration de la capacité militaire de Khartoum. L’enquête du New York Times révéla que « le gouvernement de Khartoum a doublé ses dépenses militaires depuis 1998, alors qu’il n’a aucun revenu pétrolier ». Quant à Clinton, dans sa lettre adressée à un groupe religieux soucieux de la violation répétitive des droits de l’Homme dans le monde, il exprima sans réserve ses inquiétudes sur « l’implication de ces nouvelles recettes pétrolières [de la PetroChina] ». En réponse à la pression de l’opinion, Clinton prit des mesures destinées à sanctionner les entreprises étrangères qui investissaient dans ce pays en leur interdisant l’accès au marché américain. Suite aux protestations du gouvernement canadien (dont, rappelons-le, une entreprise pétrolière, Talisman, est présente au Soudan sous forme de joint-venture), les sanctions américaines se limitèrent aux entreprises pétrolières soudanaises, en représailles contre les flagrantes violations des droits de l’Homme de leur gouvernement. Cela dit, la PetroChina est quand même entrée à la Bourse new- yorkaise, mais pour un montant beaucoup plus modéré d’uniquement 3,1 milliards
de dollars.

De plus, l’exemple américain a encouragé les groupes défendant les droits de l’Homme de l’autre côté de l’Atlantique : le public anglais s’est mobilisé pour condamner la British Petroleum pour sa participation imprudente au secteur pétrolier en Chine, sans avoir tenu compte de la mauvaise réputation de cette dernière en ce qui concerne les droits de l’Homme.

Rapprochement encore plus étroit

Le "Développement" est un maître mot de la politique intérieure de la Chine Pour elle, se développer signifie se libérer des contraintes imposées par d’autres puissances pour sa future émergence en tant que grande puissance à l’échelle régionale, sinon mondiale. L’énorme carence en hydrocarbures de la Chine freinerait la brillante croissance économique du pays et remettrait en cause le vieux rêve chinois d’être un « État fort ».

La politique chinoise d’approvisionnement en pétrole brut d’Afrique porte ses fruits puisque l’Afrique est devenue une source importante d’approvisionnement en hydrocarbures pour la Chine. C’est un phénomène tout à fait nouveau et ses conséquences dépassent le contexte sino-africain.

La Chine est de plus en plus dépendante de l’Afrique.

Cette situation de dépendance nous aide à combattre l'idée reçue selon laquelle l'Afrique ne jouerait qu'un rôle géopolitique et géoéconomique pour la Chine.

Désormais, les considérations sur l’approvisionnement en hydrocarbures font partie intégrante des critères ou bien des variables qui doivent être pris prioritairement en compte dans l’analyse de la politique étrangère de la Chine envers l’Afrique. Cela montre que l’Afrique a toujours joué un rôle déterminant dans la sécurité de la Chine : pour contrecarrer la pression soviétique pendant la guerre froide et pour soulager le joug énergétique aujourd’hui. Le continent noir est d’ores et déjà un partenaire, non seulement politique, économique et commercial, mais aussi sécuritaire pour l’empire du Milieu. L’enjeu est suffisamment considérable pour la Chine.

Le pétrole est une matière première stratégique. Le cas du Soudan nous montre bien que pour le gouvernement chinois, tous les moyens disponibles doivent être mobilisés pour obtenir du pétrole.

Dès le 1er novembre 2012, la Chine percevra à l'échelle nationale une taxe de 5% sur les ventes de pétrole brut et de gaz naturel, a annoncé lundi le ministère des Finances.

Le ministère a également défini les taux de taxation de diverses ressources, dont le minerai de fer, le coke et les terres rares. La perception de la taxe s'effectuera en fonction du volume des ventes.
La modification de la politique fiscale intervient après que le Conseil des Affaires d'Etat eut annoncé, au début de ce mois, son intention d'étendre à tout le pays la taxe sur le volume de ventes du pétrole brut et du gaz naturel à partir du 1er novembre.

La Chine a imposé, à titre d'essai, une taxe sur les ressources de 5% sur le pétrole brut et le gaz naturel dans la Région autonome ouïgoure du Xinjiang (nord-ouest) depuis le 1er juin 2010.

Auparavant, la taxe sur les ressources en Chine était calculée sur la base du volume de production au lieu de la valeur des ventes.

Selon la Commission Nationale pour le Développement et la Réforme, la Chine a demandé aux entreprises pétrolières d'augmenter les approvisionnements en diesel et en gaz naturel pour satisfaire la demande pendant la saison hiver-printemps. La déclaration de la CNDR, qui fait suite à une réunion du gouvernement mardi, souligne que la Chine devrait changer la situation actuelle qui permet une consommation d'énergie illimitée et freine le développement excessif dans les secteurs à énergie intensive.

Pour l’avenir, outre l’élargissement des sources d’approvisionnement en Afrique, ce qui importe le plus pour Pékin, c’est de prendre toutes les mesures possibles, qu’elles soient politiques, économiques ou diplomatiques, pour mettre en place un mécanisme sûr qui stabiliserait le ravitaillement en or noir. La Chine est donc amenée à se rapprocher davantage encore du continent africain.
 
Ernest PEKEUHO, Président National du B.R.I.C (
Bloc pour la Reconstruction et l’Independance économique du Cameroun)
www.bricparty.org  /
bricparty@yahoo.fr  

© Source : Bloc pour la Reconstruction et l’Independance économique du Cameroun


03/11/2012
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