Afrique : Comment conduire des élections sans violence en Afrique?
Afrique : Comment conduire des élections sans violence en Afrique?
L’actualité électorale et post-électorale en Côte d’Ivoire autant que les précédents au Gabon, au Congo, au Cameroun, au Benin, au Mali, et autres doivent interpeler les Africains et les véritables amis de l’Afrique à réfléchir à la mise en place d’un document cadre relatif au déroulement des élections présidentielles en Afrique et ayant pour objectif de minimiser les risques d’incidents dévastateurs tels que nous les vivons en Côte d’Ivoire depuis le 28 novembre 2010. Ce dernier cas en particulier a plongé les Africains dans un ridicule et une tristesse inédits. De l’ingérence pour le moins embarrassante de Chefs d’États étrangers en donneurs de leçons à un État souverain, à la présomption de mauvaise foi des uns et des autres en passant par la mise à l’écart éhontée des textes constitutifs de la Côte d’Ivoire quand il s’agit de faire passer en force les ambitions des uns et des autres, on aura presque vu tout ce qu’il vaut mieux dorénavant éviter dans des situations comparables en Afrique. On a par ailleurs vu des organismes sous-régionaux comme UEMOA sortir de leur rôle (http://www.uemoa.int/uemoa/historique.htm) pour imposer des sanctions à un de leurs membres. Au-delà des souffrances que la crise post-électorale impose au peuple Ivoirien, à l’Afrique de l’Ouest et à toutes les filles et tous les fils de l’Afrique, amenés à s’entre-déchirer pour le grand amusement des nations dites civilisées, il importe qu’elle nous donne des leçons afin qu’un tel spectacle lamentable ne se reproduise plus en terre Africaine.
La réflexion que je propose dans ce papier se veut être une contribution dans le but de poursuivre cet idéal. J’en appelle à toutes les intelligences africaines et amies de l’Afrique pour contribuer à ce débat.
DES INSTITUTIONS FORTES ET RESPECTEES
Quand une nation s’est dotée de lois et autres textes législatifs, il est parfaitement offensant de voir des personnes, fussent-elles Chefs d’États de nations puissantes, venir à faire croire sur le tard à l’opinion mondiale que les Africains chargés de faire appliquer ces lois sont incapables d’élévation au-dessus des affinités sectaires, ethniques, tribales, familiales, religieuses, régionales ou amicales. Je trouve désobligeant que des personnes estiment que les autorités Africains en place ne peuvent qu’être partisanes, rendant ainsi caduque la nécessité de se doter de textes de lois dans nos pays. Ainsi, dans le cas de la Côte d’Ivoire, nos donneurs de leçons affirment que la Commission Électorale Indépendante est faite des amis de Ouattara pendant que le Conseil Constitutionnel est un ramassis des amis de Gbagbo. Ce qui ôterait toute crédibilité à l’impartialité de leurs décisions. Il est urgent que les protagonistes dans les élections présidentielles en Afrique acceptent de se soumettre aux textes convenus à l’avance et croient les responsables désignés pour les faire appliquer capables d’intégrité et de loyauté vis-à-vis des textes en vigueur. Étant donné que les œuvres humaines peuvent manifester des imperfections, des voies de recours sans équivoques doivent aussi être mises en place pour connaître des cas de contentieux.
CADRE DES ELECTIONS PRESIDENTIELLES
Il va sans dire que les textes législatifs régissant les élections présidentielles sont différents de pays en pays. Mais je me permets ici de soumettre à la sagacité des lecteurs des idées qui à mon sens pourraient amoindrir les risques de crise post-électorale.
1. L’Élection présidentielle à un seul tour de
scrutin trouve ma faveur dans la mesure où elle coûte moins cher en
termes de temps et de besoins en ressources de tout genre, tout en
épargnant au peuple le triste spectacle des alliances de dernière heure
contre nature et sans lendemains, parce que les électeurs ne s’y
reconnaissent pas. J’ai personnellement eu beaucoup de difficultés à
saisir ce que M. Bédié et M. Ouattara ont en commun en Côte d’Ivoire.
Que ceux des candidats qui veulent contracter des alliances le fassent
une fois pour toutes donc.
2. Le Consensus sur les textes et pratiques régissant les élections
ainsi que les personnes chargées de les faire appliquer est absolument
nécessaire; faute de quoi le lit de la contestation aura été fait dès le
départ. Les parties doivent par la suite se garder de soupçonner ces
personnes de partialité.
3. Les conditions de déroulement du scrutin doivent avoir été acceptées
par toutes les parties. Il faut par exemple éviter d’organiser des
élections si une partie du pays est tenue par une rébellion armée. Les
bureaux de vote fictifs ou établis dans des domiciles privés doivent
être exclus. Je recommande avec insistance la mise en place des outils
informatiques afin de faciliter le décompte des voix, éviter des votes
multiples et limiter l’accès au vote uniquement aux personnes inscrites
sur les listes électorales. Il n’est point par ailleurs question que
deux institutions différentes promulguent des résultats, fussent-ils
d’abord provisoires. Il y aura forcément contestation si ces deux
institutions proclament des résultats différents.
4. L’instance chargée de proclamer les résultats du scrutin devrait
avoir l’obligation de publier en même temps un livre blanc exposant tous
les procès-verbaux et justifiant les résultats promulgués à l’opinion
nationale (et accessoirement internationale). Il s’agit de se garder de
balancer des pourcentages aux médias en guise de résultats sans la
publication d’un support qui permettrait au peuple d’apprécier par
lui-même la validité et l’impartialité de ces résultats. C’est un tel
document que Laurent Gbagbo appelle de toutes ses cordes vocales
actuellement; en vain pour le moment!
DE L’INGERENCE ETRANGERE
L’expérience ivoirienne a fini de me convaincre de l’inopportunité d’une ingérence étrangère dans la certification des résultats des élections présidentielles en Afrique. Dans la FrançAfrique à l’ancienne, ce rôle était implicitement dévolu à la France. Dès lors que le Président Français adressait ses félicitations au gagnant (en fonctionω), tout en ignorant les contestations (des opposantsω), la Communauté Internationale suivait mécaniquement la France dans cette reconnaissance de la validité des résultats et, tout de suite, les médias internationaux retiraient leurs micros aux contestataires. Et le tour de prestidigitation était joué. L’ONU semble avoir prétendu à vouloir jouer ce rôle dorénavant. Mais l’échec connu en Côte d’Ivoire risque fort mettre fin à cette ambition. La cohésion et la paix sociales interpellent dorénavant les protagonistes Africains à rechercher l’approbation de leurs institutions et de leurs peuples plutôt que des certifications non dénuées d’esprit partisan des personnes et institutions qui semblent se plaire à donner de nos États l’image de républiques bannières dirigées par des personnes incapables de se soumettre aux lois en vigueur et d’en garantir l’application non partisane. Au nom de la souveraineté nationale, que les comités des sages dans chaque pays rendent caduques les ingérences étrangères dans le choix des dirigeants africains. En cas de holdup électoral par le pouvoir possédant les armes légales, il ne restera plus que la contestation du peuple pour les faire plier, étant entendu qu’aucun dirigeant digne de ce nom ne peut plus de nos jours se permettre de massacrer des civiles non armés sous peine de devoir en répondre devant la CPI ou devant le jugement de l’histoire de crime contre l’humanité.
Les propositions ci-dessus ne se veulent ni exhaustives, ni l’expression de la perfection en la matière. Elles sont émises simplement pour ouvrir le débat. L’affranchissement du néocolonialisme que les jeunes générations africaines appellent de toutes leurs forces commencera par ceci que leurs dirigeants devront leur pouvoir à leur peuple et non pas à des puissances étrangères ou à la force des armes. Pour ce faire, les Africains doivent démontrer au monde entier que dans chaque pays, ils se trouvent des sages, des éminences grises et des hommes intègres capables de mener un scrutin présidentiel à terme sans contestations qui délégitimeraient le pouvoir en place. C’est ce que nous pouvons admirer aux États-Unis d’Amérique, à la France, à l’Allemagne, au Benin, au Ghana, à l’Afrique du Sud, au Mali; pour ne citer que ces quelques exemples. Si le droit à l’usage abusif des armes à feu contre le peuple est enlevé aux potentiels usurpateurs, ils seront bien obligés de convaincre plutôt que de contraindre leur peuple à les légitimer.
NB: Le Rév. Guy François Olinga est l'auteur du livre : « La Religion : Le plus grand mensonge ». Pour plus d'ample information, vous pouvez visiter son blog www.lulu.com/spotlight/guyolinga