Affrontements sanglants en Côte d'Ivoire : des dizaines de morts
Affrontements sanglants en Côte d'Ivoire : des dizaines de morts
(Rue 89 17/12/2010)
Les partisans de Ouattara ont été violemment dispersés. Suivez les événements en Côte d'Ivoire heure par heure.
La journée de manifestations décidée par Alassane Ouattara, le président reconnu par la Communauté internationale, promettait d'être périlleuse : elle fut sanglante, avec au moins 20 morts, et plus encore selon des informaitons non confirmées. Deux semaines après l'élection présidentielle qui a débouché sur une impasse avec deux présidents rivaux revendiquant chacun la victoire, cette journée marque un tournant et les Ivoiriens redoutent la répétition de ces événements sanglants vendredi.
Décidés à marcher sur le siège de la télévision nationale à Abidjan, la RTI (Radio télévision ivoirienne), aux mains des partisans de Laurent Gbagbo, les défenseurs d'Alassane Ouattara ont été dispersés en fin de matinée par les forces de l'ordre.
A l'issue de la journée, le bilan exact était difficile à établir : Au moins 30 morts selon le camp Ouattara, 20 morts, dont dix parmi les forces gouvernementales, selon le camp Gbagbo, et au moins huit morts confirmés selon les enquéteurs d'Amnesty International.
D'après Christophe Boltanski, envoyé spécial du Nouvel Obs, coincé à l'hôtel du Golf, Guillaume Soro, le « Premier ministre » de Ouattara, a dénombré 30 morts et 100 à 110 blessés parmi les civils dans différents quartiers d'Abidjan.
Une roquette est par ailleurs tombée dans l'enceinte de l'ambassade des Etats-Unis à Abidjan, sans toutefois faire de gros dégats ou de victime.
Les combats ne concernent pas seulment Abidjan. Selon la presse ivoirienne, dans le centre du pays, à Tiébissou, des combats violents opposent l'ex-rébellion ivoirienne des Forces nouvelles (FN) et les forces armées favorables à Gbagbo. Selon certaines informaitons non-confirmées, Tiébissou serait tombée sous le contrôle des FN commandées par l'un des chefs rebelles historiques, Chérif Ousmane.
Plusieurs manifestants pro-Ouattara ont également été blessés par balles dans la capitale politique Yamoussoukro, lorsque l'armée a dispersé un cortège.
Sur BFM jeudi matin, Anne Ouloto, la porte-parole de Ouattara avait expliqué l'importance d'une telle marche contre la télévision « instrumentalisée » et contre le pouvoir de Laurent Gbagbo. Anne Ouloto a annoncé que les partisans de Ouattara ne se laisseraient pas « voler le pouvoir ».
Des photos des violences circulent sur Internet. Sur sa page personnelle, un photographe a publié des clichés sur lesquels ont peut voir deux homme étendus par terre. D'autres photos des événements de la journée sur le site de la BBC.
Des tirs d'armes automatiques ont été entendus en divers coins de la métropole ivoirienne. En début d'après-midi, la BBC faisait état d'explosions d'armes lourdes à proximité de l'hôtel du Golf, où sont retranchés Alassane Ouattara et son premier ministre, Guillaume Soro. Trois gardes du corps de Ouattara auraient été blessés.
L'hôtel du Golf est protégé par les casques bleus de l'Onuci, l'Organisation des Nations unies pour la Côte d'Ivoire, qui compte quelque 10 000 membres, dont un millier de Français. Il est également gardé par des éléments des Forces nouvelles (FN), l'armée « rebelle » favorable à Ouattara.
Jeudi, les télévisions étrangères étaient toujours inaccessibles en Côte d'Ivoire, et, selon certaines informaitions, le système de SMS sur téléphones portables était bloqué ou en tous cas inutilisable.
« Nous poursuivrons les auteurs de crimes »
La situation extrêmement tendue fait craindre un engrenage de la violence. Sur France 24, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo a menacé de poursuites les responsables de violences meurtrières, quel que soit leur camp :
« S'ils commencent à tuer des gens, alors c'est un crime et nous engagerons des poursuites contre eux. »
De nombreux Ivoiriens craignent une reprise de la guerre civile ; selon le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), le nombre d'Ivoiriens réfugiés au Liberia voisin depuis l'élection a atteint 3 700 personnes environ et des dizaines d'Ivoiriens arrivent tous les jours dans des villages libériens.
Par ailleurs, l'Union européenne s'apprête à prendre des sanctions à l'encontre de onze proches de Laurent Gbagbo. Parmi les noms se trouvant sur cette liste figurent :
•le conseiller pour la sécurité de M. Gbagbo, Kadet Berlin ;
•le secrétaire général de la présidence, Désiré Tagro ;
•le président du Conseil constitutionnel, Yao N'Dre ;
•le secrétaire général du parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien, Pascal Affi N'Guessan ;
•le directeur général de la radio-télévision d'Etat, Pierre Israël Amessan Brou.
De son côté, le Parlement européen a adopté jeudi une déclaration demandant à Laurent Gbagbo de se retirer pour laisser place à Alassane Ouattara. Le texte, dont l'eurodéputé socialiste français Vincent Peillon est un des rédacteurs, appelle également « l'ensemble des acteurs ivoiriens à enrayer tout risque d'escalade de tension et à empêcher tout affrontement ». Il soutient le principe de sanctions ciblées contre l'entourage de Laurent Gbabo.
Depuis le 5 décembre, la Côte d'Ivoire a deux présidents : Ouattara, soutenu par la commission électorale indépendante (CEI) dont les conclusions ont été soutenues par la communauté internationale, et Laurent Gbagbo, reconnu par le Conseil constitutionnel du pays.
Pessimisme pour les prochains jours
Notre partenaire Infosud/Tribune des droits humains souligne pour sa part que la Une du quotidien Fraternité Matin de jeudi, le journal du service public toujours dans le giron du gouvernement Gbagbo, ne laissait pas espérer une issue pacifique au statu quo actuel : « Les FDS mettent en garde le patron de l'Onuci (Nations Unies en Côte d'Ivoire) avant la marche projetée du Rhdp. En cas de dérapage, Choi [le représentant du Secrétaire général de l'ONU en Côte d'Ivoire, ndlr], seul responsable ». Un avertissement clair, martelé aussi en boucle sur l'antenne de la RTI - seul canal d'information pour les Ivoiriens depuis la suspension des chaînes internationales - par le colonel Major Hilaire Gohouri Babri :
« Ces marches ont pour unique but de troubler l'ordre public et d'opposer d'innocentes populations aux forces régulières de maintien de l'ordre. Le but de la manœuvre est de pousser les Forces de défense et de sécurité à un affrontement avec les Ivoiriens ».
Le deuxième round de ce vendredi sera sans aucun doute à l'image du premier : les Forces de l'ordre tireront. Point de doute. Comme si les événements de la veille n'étaient pas assez suffisamment graves pour l'équilibre de la société qui négocie difficilement son retour à la normalité, la télévision nationale n'a pas évoqué les affrontements. Le Premier ministre de Ouattara, Guillaume Soro, a réitéré son intention de prendre le contrôle de la télévision nationale ce vendredi.
Ce même jour, Jean Ping, le nouvel envoyé spécial de l'Union Africaine, doit arriver à Abidjan pour tenter une ultime médiation.
(Rue 89 17/12/2010)
Les partisans de Ouattara ont été violemment dispersés. Suivez les événements en Côte d'Ivoire heure par heure.
La journée de manifestations décidée par Alassane Ouattara, le président reconnu par la Communauté internationale, promettait d'être périlleuse : elle fut sanglante, avec au moins 20 morts, et plus encore selon des informaitons non confirmées. Deux semaines après l'élection présidentielle qui a débouché sur une impasse avec deux présidents rivaux revendiquant chacun la victoire, cette journée marque un tournant et les Ivoiriens redoutent la répétition de ces événements sanglants vendredi.
Décidés à marcher sur le siège de la télévision nationale à Abidjan, la RTI (Radio télévision ivoirienne), aux mains des partisans de Laurent Gbagbo, les défenseurs d'Alassane Ouattara ont été dispersés en fin de matinée par les forces de l'ordre.
A l'issue de la journée, le bilan exact était difficile à établir : Au moins 30 morts selon le camp Ouattara, 20 morts, dont dix parmi les forces gouvernementales, selon le camp Gbagbo, et au moins huit morts confirmés selon les enquéteurs d'Amnesty International.
D'après Christophe Boltanski, envoyé spécial du Nouvel Obs, coincé à l'hôtel du Golf, Guillaume Soro, le « Premier ministre » de Ouattara, a dénombré 30 morts et 100 à 110 blessés parmi les civils dans différents quartiers d'Abidjan.
Une roquette est par ailleurs tombée dans l'enceinte de l'ambassade des Etats-Unis à Abidjan, sans toutefois faire de gros dégats ou de victime.
Les combats ne concernent pas seulment Abidjan. Selon la presse ivoirienne, dans le centre du pays, à Tiébissou, des combats violents opposent l'ex-rébellion ivoirienne des Forces nouvelles (FN) et les forces armées favorables à Gbagbo. Selon certaines informaitons non-confirmées, Tiébissou serait tombée sous le contrôle des FN commandées par l'un des chefs rebelles historiques, Chérif Ousmane.
Plusieurs manifestants pro-Ouattara ont également été blessés par balles dans la capitale politique Yamoussoukro, lorsque l'armée a dispersé un cortège.
Sur BFM jeudi matin, Anne Ouloto, la porte-parole de Ouattara avait expliqué l'importance d'une telle marche contre la télévision « instrumentalisée » et contre le pouvoir de Laurent Gbagbo. Anne Ouloto a annoncé que les partisans de Ouattara ne se laisseraient pas « voler le pouvoir ».
Des photos des violences circulent sur Internet. Sur sa page personnelle, un photographe a publié des clichés sur lesquels ont peut voir deux homme étendus par terre. D'autres photos des événements de la journée sur le site de la BBC.
Des tirs d'armes automatiques ont été entendus en divers coins de la métropole ivoirienne. En début d'après-midi, la BBC faisait état d'explosions d'armes lourdes à proximité de l'hôtel du Golf, où sont retranchés Alassane Ouattara et son premier ministre, Guillaume Soro. Trois gardes du corps de Ouattara auraient été blessés.
L'hôtel du Golf est protégé par les casques bleus de l'Onuci, l'Organisation des Nations unies pour la Côte d'Ivoire, qui compte quelque 10 000 membres, dont un millier de Français. Il est également gardé par des éléments des Forces nouvelles (FN), l'armée « rebelle » favorable à Ouattara.
Jeudi, les télévisions étrangères étaient toujours inaccessibles en Côte d'Ivoire, et, selon certaines informaitions, le système de SMS sur téléphones portables était bloqué ou en tous cas inutilisable.
« Nous poursuivrons les auteurs de crimes »
La situation extrêmement tendue fait craindre un engrenage de la violence. Sur France 24, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo a menacé de poursuites les responsables de violences meurtrières, quel que soit leur camp :
« S'ils commencent à tuer des gens, alors c'est un crime et nous engagerons des poursuites contre eux. »
De nombreux Ivoiriens craignent une reprise de la guerre civile ; selon le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), le nombre d'Ivoiriens réfugiés au Liberia voisin depuis l'élection a atteint 3 700 personnes environ et des dizaines d'Ivoiriens arrivent tous les jours dans des villages libériens.
Par ailleurs, l'Union européenne s'apprête à prendre des sanctions à l'encontre de onze proches de Laurent Gbagbo. Parmi les noms se trouvant sur cette liste figurent :
•le conseiller pour la sécurité de M. Gbagbo, Kadet Berlin ;
•le secrétaire général de la présidence, Désiré Tagro ;
•le président du Conseil constitutionnel, Yao N'Dre ;
•le secrétaire général du parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien, Pascal Affi N'Guessan ;
•le directeur général de la radio-télévision d'Etat, Pierre Israël Amessan Brou.
De son côté, le Parlement européen a adopté jeudi une déclaration demandant à Laurent Gbagbo de se retirer pour laisser place à Alassane Ouattara. Le texte, dont l'eurodéputé socialiste français Vincent Peillon est un des rédacteurs, appelle également « l'ensemble des acteurs ivoiriens à enrayer tout risque d'escalade de tension et à empêcher tout affrontement ». Il soutient le principe de sanctions ciblées contre l'entourage de Laurent Gbabo.
Depuis le 5 décembre, la Côte d'Ivoire a deux présidents : Ouattara, soutenu par la commission électorale indépendante (CEI) dont les conclusions ont été soutenues par la communauté internationale, et Laurent Gbagbo, reconnu par le Conseil constitutionnel du pays.
Pessimisme pour les prochains jours
Notre partenaire Infosud/Tribune des droits humains souligne pour sa part que la Une du quotidien Fraternité Matin de jeudi, le journal du service public toujours dans le giron du gouvernement Gbagbo, ne laissait pas espérer une issue pacifique au statu quo actuel : « Les FDS mettent en garde le patron de l'Onuci (Nations Unies en Côte d'Ivoire) avant la marche projetée du Rhdp. En cas de dérapage, Choi [le représentant du Secrétaire général de l'ONU en Côte d'Ivoire, ndlr], seul responsable ». Un avertissement clair, martelé aussi en boucle sur l'antenne de la RTI - seul canal d'information pour les Ivoiriens depuis la suspension des chaînes internationales - par le colonel Major Hilaire Gohouri Babri :
« Ces marches ont pour unique but de troubler l'ordre public et d'opposer d'innocentes populations aux forces régulières de maintien de l'ordre. Le but de la manœuvre est de pousser les Forces de défense et de sécurité à un affrontement avec les Ivoiriens ».
Le deuxième round de ce vendredi sera sans aucun doute à l'image du premier : les Forces de l'ordre tireront. Point de doute. Comme si les événements de la veille n'étaient pas assez suffisamment graves pour l'équilibre de la société qui négocie difficilement son retour à la normalité, la télévision nationale n'a pas évoqué les affrontements. Le Premier ministre de Ouattara, Guillaume Soro, a réitéré son intention de prendre le contrôle de la télévision nationale ce vendredi.
Ce même jour, Jean Ping, le nouvel envoyé spécial de l'Union Africaine, doit arriver à Abidjan pour tenter une ultime médiation.
© Copyright Rue 89