Les faits
Le 20 Août 2011, un nouveau-né s’est évaporé de façon criminelle dans un
hôpital de référence à Yaoundé. Il s’agit d’un fait de société
communément appelé « faits divers ». Cela a interpellé les organisations
de la société civile et les personnalités morales qui se mobilisent
depuis lors afin que justice soit faite. Vincent-Sosthène Fouda,
responsable de parti politique et candidat recalé aux présidentielles du
09 octobre 2011, tente de récupérer le malheureux geste des
fonctionnaires véreux pour en faire une « affaire d’Etat ».
Dans cet article, je soutiens que l’immiscion du politique dans une affaire civile comme celle-là est contre productive dans ce sens que cela limite les actions de tous ceux qui voudraient intervenir dans ce dossier sans se confondre à une coloration politique. Cela dévie le débat et dans le fonds, constitue une manipulation politique en ce sens que les faits divers existent et existeront toujours sous tous les régimes.
Je pense qu’il convient de ne pas confondre les genres et de laisser à la société civile les actions relevant de sa vocation d’association apolitique surtout qu’elle ne se défend pas si mal dans ce dossier. La vocation première d’un parti politique est de conquérir le pouvoir et je trouve dans notre nouveau monde qu’il est regrettable et lâche d’utiliser l’émotivité pour attaquer son adversaire. La Nouvelle Génération peut mieux que ça.
Jeux politiques
Il faut être naïf et intellectuellement arrogant pour penser
que le Régime en place gère mal ce dossier. Quand on ne relève pas de
cette catégorie de Camerounais qui versent dans l’insulte stérile en
longueur de journées, on constate pour le moins que les cadres de la
majorité présidentielle sont assez bien formés pour ignorer les règles
élémentaires de la gestion d’un fait divers et de la formation de
l’opinion publique.
Ces gens ne peuvent laisser perdurer une ambiance délétère que s’ils en tirent les retombées politiques. Il faut regarder l’agenda politique pour s’en rendre compte sur la base de l’expérience du passé. En gros, sortir le cas de Vanessa de l’actualité relève d’une banalité. Tout en maintenant les équilibres politiques à l’intérieur du Régime, on frappe rapidement les fonctionnaires véreux impliqués, on durcit le ton et on récupère la sympathie de l’opinion ou en cas de la véracité de l’existence d’un réseau impliquant les « gens haut placés », on actionne aussitôt sur le levier du bouc-émissariat pour éteindre le feu avant de gérer tranquillement l’affaire à l’interne.
La bêtise politique d’une certaine opposition émotionnelle et sans formation politique adéquate empêche l’opinion de se rendre à l’évidence que si Monsieur Issa Tchiroma a été maintenu à son poste au gouvernement par « notre vacancier au pouvoir » malgré ses prétendus « ratés », alors ce serait parce qu’il réussit assez habilement à détourner les attentions des réformes institutionnelles substantielles qui permettent au Régime de rester en place.
En politique, le timing compte pour 50%. Par exemple, dans un papier paru en 2011, j’avais déjà montré que pendant qu’on plaçait dans la Constitution des pions stratégiques pour assurer la succession de Paul Biya et son « intouchabilité » après son séjour à la tête de l’Etat, on a volontairement mis en avant le débat sur la levée du verrou sur la limitation du mandat présidentiel.
L’opinion était tombée dans le panneau oubliant la règle élémentaire selon laquelle « on ne tire pas sur l’ambulance ». En effet, de quel Paul Biya parlait-on ? De celui qui est né hier ou de celui qui est ce robot pouvant rester lucide et en bonne santé après plus de 50 ans de services passés au four et au moulin au sommet de l’Etat? On ne souhaite du mal à personne mais, il faut se rendre à l’évidence que le corps humain a des limites biologiques.
Après les présidentielles, la prochaine étape dans la démocratisation du Cameroun est sans aucun doute la mise sur pied d’un Parlement bicaméral prévu dans la Constitution du 18 janvier 1996 modifié le 14 avril 2008. L’ajout des sénatoriales aux prochaines législatives et municipales dépendra probablement de la capacité du Régime à maîtriser les contours de la refonte des listes électorales et du nouveau code électoral. De toute évidence, si le régime loupe cette échéance, il loupe aussi la succession.
Or, afin de respecter ses engagements internationaux, il est devenu aujourd’hui obligatoire pour le Régime de procéder à ces opérations de transparence électorale à haut risque. A cet effet, toute chose qui participerait à distraire l’opinion pendant que l’on fait des pseudo consultations sur ces questions, est la bienvenue. Cette chose peut même être entretenue aussi longtemps que ces opérations dureront. Un ministre aussi arriviste que Monsieur Tchiroma qui accepterait de prendre toutes les flèches est aussi la bienvenue.
La Nouvelle Génération d’hommes politiques ne devrait pas faire ce jeu-là. Elle devrait se mobiliser pour s’affirmer en temps réel là où il faut. En l’état, elle devrait s’organiser pour détecter tous les pièces qui seront placés légitimement par le Régime dans le nouveau code électoral. Elle devrait se concentrer pour vérifier les nouvelles listes électorales. Elle devrait choisir la raison plutôt que de se laisser distraire tout en comptant sur une éventuelle alternance par l’émotivité de la rue qui coure le risque d’être une navigation à vue comme on a pu constater dans les révolutions arabes.
Notre monde intelligible est celui dans lequel on doit plutôt actionner sur le levier du droit de choisir. Il y a des gens qui comptent sur la fatalité d’un éventuel décès de Paul Biya d’ici quelques années pour « sauver » le Cameroun. C’est le défaitisme. Cela est même malsain et manque de fairplay. La Nouvelle Génération doit s’organiser pour présenter une alternative crédible et aller vers le peuple pour le convaincre. Cela est possible à condition que l’on intègre les principes de concordance et de collégialité.
Vincent-Sosthène Fouda qui semble avoir le bagage nécessaire pour proposer une alternative choisit le raccourci politique. Au lieu d’élever le débat comme c’est le cas dans les grandes démocraties qu’il fréquente, il choisit la paresse politique qui consiste à se victimiser ou à exploiter l’émotivité contenue dans les faits divers. Hier, c’était l’affaire de son expulsion du Canada ; ensuite c’était une prétendue affaire d’assassinat suivie de sa non qualification pour les présidentielles et aujourd’hui, c’est une espèce de constitution en partie civile dans l’affaire Vanessa. C’est de la bassesse et de la régression politique.
Ce faisant, Monsieur Fouda est aujourd’hui un client potentiel de tous ceux qui ont intérêt à déstabiliser le Cameroun par la violence des affrontements de rue qui dégénèrent bien souvent sous la misère. La diaspora camerounaise devrait éviter de faire une confusion fatale entre s’attaquer à l’inertie et à la cruauté du Régime Biya et s’attaquer sur la place internationale à la société camerounaise victime de la misère. Faire une publicité négative de la société camerounaise à travers l’exportation de ses faits divers consiste à détruire à la Ouattara le lit sur lequel on va se coucher tôt ou tard. Sinon, comment pourrait-on vendre le Cameroun plus tard aux gens à qui on aurait contribué à diaboliser ou à dire qu’elle est « pourrie » ?
Le linge sale se lave en famille et la société civile nationale est assez décidée pour ne pas laisser tomber Vanessa. Moi-même qui parle, je suis une victime des infirmières de cet hôpital et je n’entends pas laisser tranquilles ces prédatrices tant qu’elles ne sont pas « nettoyer au karcher ». Mais, cela ne me donne pas le droit de détourner la République des préoccupations de l’heure.
L’émotivité conduit à l’extrémisme et on a même vu dans l’opinion que quiconque ose profiter de cette affaire de Vanessa pour remettre sur la table la question de l’éducation à la sexualité responsable est traité de tribaliste ou accusé de coaction avec le Régime. Soyons clair : je n’accuse pas Monsieur Fouda de complicité avec le Régime ; je m’indigne de ce qu’il s’adonne au jeu de la facilité avec le risque d’engendrer des effets pervers. Ainsi va la société mais, mieux vaut mesurer la portée de ses actes avant de les poser.