AFFAIRE TITUS EDZOA ET THIERRY MICHEL ATANGANA AU CŒUR DU MAL ETRE DE LA JUSTICE
Par robert.ngono.ebode | Vendredi 16 avril 2010 | Le Messager
Dans le cadre de la série ouverte dans les colonnes de votre journal Le Messager, nous explorons des pistes qui conduisent à une meilleure compréhension des contours de ce procès qui est qualifié par bon nombre d’observateurs comme étant le procès de la honte. Honte parce que les petitesses de toutes sortes ont émaillé l’arrestation de certains prévenus, alors même que d’autres coaccusés comparaissent libres dans ce dossier. La démarche n’est nullement de démontrer que les incriminés n’ont rien fait de tout ce qui leur est reproché, mais qu’il y a dans le cas d’espèce trop de violations de droits de l’homme. L’objectif ici est de dénoncer l’injustice qui a élu domicile dans notre société et qui entrave considérablement le développement harmonieux du Cameroun. Les mécanismes de financement proposés par Thierry Atangana pour la réalisation des projets routiers devaient permettre au Cameroun à terme, en voyant une partie de sa dette restructurée, d’entrer en possession de plus de 332 milliards de Fcfa. C’est une restructuration similaire qu’il a conduite en ce qui concerne le réseau routier européen. Une expérience qui devait doter le Cameroun d’un réseau routier performant et à même d’impulser un trafic intense dans la sous région.
Les conflits d’intérêts font perdre plus de 332 milliards de Fcfa
Des différents documents du Comité de pilotage et de suivi des projets routiers, COPISUR, il ressort que les lignes de financement de plus de 332 milliards de Fcfa étaient déjà trouvées. Il ne restait plus qu’à créer un Fonds d’investissement routier par le ministre de l’économie et des finances, afin de recevoir les fonds issus de ces lignes de financement et passer par la suite à la phase d’exécution des projets routiers, dont les deux prioritaires devant reliés les trois provinces méridionales du Cameroun. Et c’est justement à ce niveau que tous les problèmes ont commencé à se poser. Etant donné que c’est la taxe spéciale sur les produits pétroliers qui devaient financer les projets routiers du COPISUR, les tractations de toutes sortes ont fait leurs nids au sein de l’administration, surtout fiscale, qui se voyait délester d’une importante somme d’argent au profit d’un comité qui ne rendait compte directement qu’à la présidence de la République via le Secrétariat général. Et c’est ce mécanisme de financement qui a fait dire à certains que Edzoa Titus et Thierry Michel Atangana sont « coupables de détournement ».
Dieudonné Ambassa Zang, vice président du COPISUR, a affirmé que Edzoa Titus est coupable de détournement de deniers publics, pour avoir obtenu des sociétés pétrolières qu’elles amorcent l’affectation de la taxe spéciale sur les produits pétroliers au financement des projets routiers. « Pour avoir été chargé, sous l’ère Joseph Owona, d’étudier le projet de mise en place du comité tel que soumis par l’entreprise Jean Lefèbvre au chef de l’Etat camerounais, Ambassa Zang savait pertinemment que, conformément aux accords de principe passés entre le Chef de l’tat et l’entreprise Jean Lefèbvre, la taxe spéciale sur les produits pétroliers devait financer les études et la construction des axes routiers Yaoundé-Kribi et Ayos-Bertoua », relève la défense. En effet, selon les conventions signées le 13 octobre 1993 et le 04 avril 1994 entre l’Etat du Cameroun et les sociétés Shell Cameroun et Elf Oil Cameroun, des sociétés françaises du secteur du bâtiment et des travaux publics, ont cédé leurs créances sur l’Etat camerounais à Shell et Elf Oil Cameroun, à la condition sine qua non que lesdites créances « soient effectivement compensées avec la taxe spéciale sur les produits pétroliers ». En application de ces conventions, le ministre des Finances de l’époque, Antoine Ntsimi, actuellement président de la CEMAC, a signé en dates du 14 octobre 1993 et 04 avril 1994 des arrêtés portant compensation de créances entre l’Etat et les sociétés Shell et Elf Oil Cameroun. Pour ce faire, un crédit de cette taxe sur les produits pétroliers dans les livres du trésorier payeur général de Douala a été ouvert, et ce dernier devait délivrer des attestations au fur et à mesure de l’exigibilité des taxes spéciales dues par ces sociétés. En contrepartie de la délivrance des attestations ci-dessus mentionnées et à due concurrence, l’Etat se trouvait déchargé des engagements pris à l’égard de ces sociétés.
Conflits d’intérêts
Dans une note du 16 janvier que Dieudonné Ambassa Zang, vice président du COPISUR et représentant de l’Etat, adresse à Paul Biya, il évoque les difficultés que le comité éprouve dans le recouvrement de cette taxe spéciale pour la réalisation des travaux du comité. « Ces difficultés se sont accrues ces derniers temps en raison du non reversement par Snh au COPISUR, pour des motifs non élucidés, Us dollars 120 millions constituant des fonds issus de l’opération de prépaiement Elf/SNH objet du décret n°94/237 du 23/12/1994, alors même que Elf a réalisé cette opération pour le seul motif que les fonds allaient être affectés, à titre de dotation initiale au COPISUR pour lui permettre de passer à la phase d’exécution des travaux des infrastructures routières rentables, et ainsi obtenir une ligne de financement de 100 milliards de Fcfa négociée avec la BNP et les entreprises Jean Lefèbvre, Dumez, Gtm, société formant La Lyonnaise des eaux… ». Et pourtant, l’accord « exceptionnel et de principe » du président de la République, Paul Biya, pour réaliser les projets routiers susmentionnés par la mise en œuvre des conventions y relatives, a été notifié par le SGPR Joseph Owona au ministre des Finances Antoine Ntsimi en ces termes : « J’ai l’honneur de vous informer que le Chef de l’Etat, saisi par l’entreprise Jean Lefèbvre, a donné son agrément à la mise en œuvre de la convention suscitée. Toutefois, les deux axes Yaoundé-Kribi dans toute sa contexture, et Ayos-Bertoua ont été retenus en priorité. Vous voudriez bien prêter la main à l’exécution de cette très haute directive ». Mais en 1995, contre l’esprit et les clauses des conventions qui liaient l’Etat camerounais aux sociétés Shell et Elf Oil Cameroun, Justin Ndioro, de regrettée mémoire, devenu ministre de l’Economie et des Finances, a suspendu de manière « unilatérale et donc par abus » ces deux opérations de compensation qui avaient connu un début d’exécution. C’est là que nait le conflit ouvert entre Justin Ndioro et Titus Edzoa. D’autres personnes ont tiré profit de ce conflit pour régler leurs comptes comme nous le disions la dernière fois.
Des conventions non respectées qui devaient pourtant relancer la restructuration du secteur routier camerounais tel que Paul Biya l’a manifesté en France. Un gros calibre comme l’entreprise Jean Lefèbvre, qui est incontestablement le leader du secteur routier en Europe, s’est donc retiré avec toutes les conséquences que cela peut entraîner sur le plan général des investissements. Or, ce sont les investisseurs privés qui impulsent le véritable développement, et non les organismes de conditionnalité tels le FMI et la Banque mondiale. Les premiers orientent leurs investissements dans les secteurs à forte productivité, et les autres les orientent davantage dans les secteurs sociaux. Dès lors, on peut supputer sur les freins observés dans le financement de plusieurs projets au Cameroun.