Les montants présumés détournés ramenés à 11, 8 milliards Fcfa contre 13,7 milliards Fcfa actuellement.
Après un séjour de deux mois à la Société de développement du coton (Sodecoton), les trois cabinets d’expertise comptable désignés par le magistrat Evouh Ekanga, juge d’instruction dans l’affaire «Ministère public-Sodecoton contre Iya Mohammed et autres», ont remis leur rapport le 27 janvier 2013. Signé de Towou, Georges Diffak et Essimi, ses conclusions se démarquent légèrement de celles contenues dans le rapport des enquêteurs du Secrétariat d’Etat à la Défense chargé de la gendarmerie (SED) et qui est jusqu’ici à la base des charges retenues contre Iya Mohammed et ses coaccusés.
L’oeil du Sahel sait, sur la base du rapport de contre-expertise qu’il a consulté, qu’il n’est plus reproché à l’ex-directeur général de la Sodecoton et à ses compagnons d’infortune que le détournement de la somme de 11.857.920.440 Fcfa. Un peu en deçà des 13,7 milliards Fcfa pour lesquels ils sont jusqu’ici poursuivis, mais toujours au dessus des 9 milliards Fcfa mis en exergue dans le rapport du Contrôle supérieur de l’Etat rendu public en mars 2012.
La nouveauté dans ce rapport ne se limite pas seulement au niveau de la baisse des montants supposés avoir été détournés et de la réduction des charges. Il introduit dans le dossier l’actuel directeur général adjoint de l’entreprise, le Français Henri Clavier jusque-là épargné. Il y est cité d’avoir en coaction avec Iya Mohammed, Lucien Fotso (exdirecteur comptable), Mahamat Karagama (directeur des Ventes) et Mbaïgougam Christophe (en fuite) fait perdre à la Sodecoton, notamment sur l’huile et les tourteaux, 6.094.090.134 Fcfa contre 8.564.980.573 Fcfa contenus dans le rapport du SED. Cadre de Géocoton, actionnaire de la Sodecoton à hauteur de 30%, il pourrait, si le juge d’instruction prenait en compte ces présumés soupçons, être poursuivi. Et devrait se voir ainsi décharger de ses fonctions, la Sodecoton étant désormais partie civile dans l’affaire.
Seconde nouveauté : alors que jusqu’ici, Iya Mohammed et Jérôme Minlend étaient poursuivis pour un paiement présumé d’une prestation injustifiée de l’ordre de 350.000.000 Fcfa, ledit montant a été relevé à 417.375.000 Fcfa… Idem pour les avantages salariaux indus pour lesquels l’ancien directeur général est également poursuivi. Sur ce chapitre, les enquêteurs du SED n’avaient retenu que 24.365.000 Fcfa contre 51.694.307 Fcfa pour les experts judiciaires.
Troisième nouveauté : certains accusés se voient abandonner des charges. Dans le volet «Coton sport» de l’affaire, le rapport ne mentionne plus, par exemple, le nom de l’actuel président de l’équipe fanion du Nord, Pierre Kaptené, et de l’ex-directeur comptable, Lucien Fotso. Ils sont pourtant poursuivis jusqu’ici en coaction avec Iya Mohammed pour de présumées dépenses sans rapport avec l’objet social de l’entreprise et sans l’habilitation du conseil d’administration au profit des associations sportives à hauteur de 4.733.327.563 Fcfa. Iya Mohammed, selon les experts judiciaires, se retrouve donc seul sur ce pan de l’accusation, avec en prime un montant relevé puisqu’il est désormais de 5.287.710.999 Fcfa. Si le juge d’instruction validait cette approche, le président de Coton sport sortirait ainsi définitivement des mailles de la justice. Quant à Lucien Fotso, son chemin reste encore long pour recouvrer la liberté…
Les charges contre l’ancien caissier Abdoulahi disparaissent également du rapport de contreexpertise. Incarcéré à la prison centrale de Kondengui depuis juin 2013, il était poursuivi pour détournement de deniers publics de la somme de 3.054.195 Fcfa. La décision du juge d’instruction est particulièrement attendue sur ce cas. En effet, selon des sources internes au Parquet général du Tribunal criminel spécial, Abdoulahi a déjà reversé le corps du délit dans les caisses du trésor public, le 16 août 2013. Me Ahmadou Bouba, son avocat, a d’ailleurs introduit le 27 août 2013 une requête au Parquet général prés le Tribunal criminel spécial pour l’arrêt des poursuites contre son client en vertu des dispositions de l’article 18 (nouveau) de la loi portant création d’un Tribunal criminel spécial.
Au finish, si le montant pour lequel Iya Mohammed est poursuivi a été revu à la baisse par les experts judiciaires, il n’en demeure pas moins que les charges qui lui sont imputées n’ont pas varié d’un iota. Il est mis à sa charge, seul ou en coaction avec d’autres accusés, la perception des avantages salariaux indus ; des dépenses au profit des associations sportives sans rapport avec l’objet social de l’entreprise et sans l’habilitation du conseil d’administration ; le paiement présumé d’une prestation injustifiée et un présumé prélèvement de fonds.
Pour l’instant, selon nos sources, le juge d'instruction a notifié le rapport aux différentes parties et attend leurs observations. Ce n’est qu’après cette phase que, dans le secret de son cabinet, il pourra se prononcer sur les chefs d'inculpation à retenir ou pas contre Iya Mohammed et autres et mener l’information judiciaire. Pour rappel, Iya Mohammed a été interpellé le 10 juin 2013 et gardé à vue au service central de recherches judiciaires de la gendarmerie nationale. C’est le 19 juin 2013 qu’il a été transféré à la prison centrale de Yaoundé où il y séjourne depuis lors.