Affaire Rio del Rey: Un camerounais écrit à Laurent ESSO
YAOUNDE - 20 JUILLET 2010
© Jean Louis Mbéa Manga
(Corresp.) | La Nouvelle
Lettre ouverte à Monsieur Laurent Esso: Votre part de vérité
Bonjour Mr Laurent Esso !
En vacances chez un des mes enfants outre-Atlantique, j'ai été choqué par la déferlante médiatique au sujet de l'affaire du Rio Del Rey, et celle du journaliste Bibi Ngota décédé dans des circonstances troubles à la maison d'arrêt de Kondengui. L'image du Cameroun n'est pas sortie indemne de cette affaire. Seulement, au milieu de la vague médiatique et du débat qui n'a cessé de s'intensifier, il y a moi, un Camerounais qui n'aime pas être sur la touche sur quelque débat politique que ce soit.
De l'autre côté, il y a mon moi, cette entité pensante qui se veut également être présente au centre du débat intellectuel de mon pays. Ainsi, de retour au Cameroun il y a quelques temps, j'ai donc essayé de comprendre dans un premier temps. A défaut de comprendre, je me suis informé. J'ai lu et relu lentement, j'ai pris des notes. Et comme je ressens très peu de l'ennui au cours des lectures, je perçois par contre une grande lassitude qui m'envahit lorsque que je continue de lire tout ce qui continue de se dire autour de ces 2 affaires qui semblent relever d'une chimère.
Enfin, dans tous les écrits et à travers tous les débats, je comprends au fil du temps, et de mieux en mieux de quoi il est question et de quoi on parle. Sachez que depuis longtemps, je vous ai toujours admiré. Mais depuis le déclenchement de ces 2 histoires, grande est ma déception de vous sentir faible devant cette déferlante médiatique. Est-ce une manière de consentir tacitement face aux nombreuses accusations qui sont portées contre votre personne ? A mon avis je pense que non. Pourtant, vous devez savoir que le silence dans lequel vous vous murez ressemble fort à une insulte envers l'opinion, un mépris condescendant vis-à-vis du peuple camerounais. Et je pense une fois de plus que, quelque soit le nombre, nos motivations ne sont pas moins respectables que les vôtres. Face à la propagande honteuse qui continue donc de se faire autour de votre image et de votre auguste personnalité, face à l'acharnement de certains chroniqueurs de l'espace médiatique camerounais, voila que moi-même je me suis joint à cette hystérie collective. Pourtant, les victimes de ce mauvais jeu que sont la famille de la victime, le peuple camerounais et l'univers médiatique dont vous semblez insulter le peu d'intelligence, réclament à cors et à cris que vous donniez ouvertement votre part de vérité au sujet de tout ce qui vous est reproché dans le cadre de l'affaire Bibi Ngota. Autrement dit, c'est faire doublement injure au niveau intellectuel des lecteurs qui selon moi est assez suffisant pour qu'ils puissent se faire eux même une opinion, sans avoir affaire à vos maîtres à penser.
Voyez-vous ? Et contrairement à vous, le ministre français du travail Eric Woerth, au sujet de l'affaire Bettencourt s'est amplement justifié sur les raisons de son implication ou pas dans tout ce qui lui avait été reproché. Pour se conformer d'ailleurs avec l'opinion, il sera allé même plus loin en démissionnant de son poste de trésorier de l'Ump... Grande leçon d'humilité ? Je n'en suis vraiment pas sûr. Pourtant, c'est également de cette manière que l'opinion vous demande de vous exprimer ouvertement sur les sujets pour lesquels vous êtes accablés par cette même opinion, pour lever un pan de voile et éclairer la lanterne des Camerounais qui ne demandent qu'à comprendre. Sans doute pour répondre à mes préoccupations personnelles, vous avez voulu certainement faire parler des tiers (Mr Jean Pierre Amougou Belinga, les artistes musiciens Sam Mbende et Roméo Dicka ou encore le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakari...), ce qui n'est pas injuste de votre part. Mais contrairement à la logique et au bon sens, il doit y avoir une meilleure manière de convaincre l'opinion que de lui manifester autant de mépris par le biais d'un silence complice.
En ce qui me concerne, vous renforcez encore plus ma conviction, en augmentant par la même occasion la méfiance envers celui par qui vous détenez votre légitimité (je veux dire Monsieur Paul Biya). Vous m'excuserez du peu, mais je pense qu'il ne s'agit pas de vous venger d'une affaire qui vous aura mis sur les feux de la rampe, mais plutôt d'ouvrir une brèche sur le front de la vérité. En revenant plus en arrière, je vous prendrai le cas de votre collègue et confrère, le ministre Grégoire Owona. Après avoir été traîné dans les égouts nauséabonds des listes des présumés homosexuels par celui que l'on présente de plus en plus comme votre ami, je veux parler du directeur de publication du journal L'Anecdote, il aura eu au moins le courage des mots et la force des arguments pour se défendre sur la place publique. On l'a même vu verser de chaudes larmes à la fin d'un procès dont il sera sorti vainqueur et grandi, surtout que je pense que autant que vous, il aurait pu utiliser les mêmes armes de destruction massive que vous avez utilisées pour faire taire l'opinion et envoyer ad vitam aeternam l'âme d'un pauvre journaliste. Toute chose qui aujourd'hui, me fait admirer l'irrésistible revanche de cette meute de sans voix, qui depuis le déclenchement de ce scandale, a décidé non seulement d'en découdre avec le "félin", mais aussi de vous marquer au fer et au sang, pour que lumière soit faite et que justice soit rendue, à qui de droit.
Peut être vous fiez vous à la parole du sage qui veut que la parole soit d'argent et le silence d'or. Soit ! Mais dans le cas d'espèce, je pense à mon humble avis que le silence est la vertu des sots, et que vous gagneriez plus en brisant cette loi du silence pour dire votre part de vérité. En conclusion, cette lettre ouverte que je vous adresse à travers mon canard préféré La Nouvelle, est le seul moyen dont je dispose pour vous faire savoir mon mécontentement. Néanmoins, je conserve en moi le souvenir de tout ce que vous avez toujours été... C'est pourquoi je vous prie de bien vouloir croire excellence, à l'expression de mon sentiment attristé.
Toute ma considération.