Affaire Olanguena : 260 millions Fcfa de subvention en faveur de l’Acms détournés
L’ex-Minsanté nie toute responsabilité et déclare que trois de ses prédécesseurs, dont Laurent Esso, ont traité ce dossier d’octroie de fonds Ppte.
Le chef de la mission du Contrôle supérieur de l’Etat au minsanté, coauteur du rapport du Consupe et témoin de l’accusation, Gilbert Bayoï, déposait hier, mercredi 28 juillet 2010, devant la barre du Tgi.
Dans le face à face qui l’a opposé à l’ex-Minsanté, l’inspecteur d’Etat a éclairé le tribunal sur les 260 millions Fcfa de subvention, sur les accords de crédits et dons de la Banque mondiale et du Fonds mondial de lutte contre le sida, sur la gestion des moustiquaires et sur le financement de l’ouvrage « Sida en terre d’Afrique » de Olanguena Awono.
« Quels sont les éléments dont vous disposez, s’enquiert l’ex-ministre, pour prouver que le ministre s’est introduit dans le circuit informatique du ministère pour effacer des données concernant les 260 millions Fcfa de subvention ? » Réponse de l’inspecteur d’Etat : « En votre qualité d’ordonnateur du budget du ministère de la Santé, vous avez signé un bon d’engagement de 260 millions Fcfa représentant une subvention en faveur de l’Association camerounaise de marketing social (Acms), il vous appartient de dire ce qu’il est advenu de ce bon qui n’a pas été effacé du circuit informatique du ministère. Aucune trace de ce bon n’apparaît dans le listing des opérations effectuées : c’est la preuve que ce bon qui n’a pas été réglé devait être annulé. Dans notre observation n038 du rapport, nous notons que Olanguena et Dr Fezeu n’ont pu transmettre à la mission du Consupe le bon de commande annulé. Nous avons demandé verbalement et par écrit les documents aux gestionnaires des archives. Il vous revenait, accuse l’expert, de les produire et c’est difficilement que nous avons obtenu des réponses à notre demande.
L’ordonnateur que vous êtes aurait du produire le bon annulé : c’était notre demande. Lorsque le ministre engage une dépense, il engage par le fait même sa propre responsabilité. Il lui appartient d’apporter l’éclairage demandé. M. Olanguena, accuse-t-il encore, ne voulait pas nous remettre les documents, notamment sur la gestion des fonds Ppte. Ce n’est pas de notre faute s’il ne l’a pas fait. Qu’il les remette devant votre tribunal ». Et Olanguena de tenter d’engager la responsabilité de ses prédécesseurs : « trois ministres ont, révèle-t-il, traité ce dossier de 260 millions Fcfa avant moi. Laurent Esso a été le premier à monter et à présenter ledit dossier Ppte ». « La mission, rétorque le témoin, ne devait pas rentrer en arrière. Que Laurent Esso l’est monté ou pas, c’est Olanguena qui a signé le bon ».
Quitus du Fonds mondial
Sur les accords de crédits et les dons de la Banque mondiale et du Fonds mondial prévoyant le transfert des ressources aux associations, transfert effectué en violation de la réglementation sur les marchés publics, Gilbert Bayoï déclare que l’accusé était libre de transférer mais cela devait se faire dans la régularité : « nous faisons un contrôle de régularité et de l’effectivité de la prestation ». Sur le quitus donné par le Fonds mondial à l’ex-ministre pour sa gestion des fonds alloués aux programmes de lutte, le témoin déclare qu’il n’a pas de jugement par rapport à ce quitus donné sur la gestion de l’accusé. « La mission a relevé, selon lui, la pertinence des mesures prises par les bailleurs de fonds pour sécuriser la gestion des fonds. Le fonds avait fait des observations sur manière dont fonds étaient gérés, mais toutes n’étaient pas favorables au Cameroun »
Sur la fraude de l’accusé concernant les 16 174 moustiquaires payées à hauteur de 80,86 millions Fcfa, le témoin accuse : « M. Olanguena a été signataire de ce marché. C’est lui qui a engagé l’Etat dans des transactions, c’est à lui d’en justifier l’effectivité. Elément probant ou pas, c’est le ministre qui a été signataire du marché et du bon d’engagement qui a donné lieu au paiement, mais nous n’avons pas eu la preuve de l’effectivité de la prestation. Il s’agit, relève le témoin, d’un marché fictif. Nous avions demandé, en vain, des justificatifs, même par écrit sur l’effectivité de la prestation au niveau de la comptabilité matières ». Et pourtant, dénonce Olanguena, « vous vous êtes fondés sur un faux Pv de réception pour accuser le Minsanté et ses collaborateurs, alors qu’ils n’ont rien réceptionné ». Pour l’accusé, « la dépense a été engagée et les fonds sont sortis. Nous mettons en cause tous les intervenants de la chaîne. C’est vos services qui ont fourni le faux Pv et c’est la preuve que nous avons demandé les documents. Vous avez signé le marché et le bon d’engagement et on nous a présenté un Pv qui s’avère être un faux, ce n’est pas notre faux ».
« Ultime préoccupation de l’accusé, le chef de l’Etat a pourtant
déclaré le 31 décembre 2005 que dans le domaine de la santé, les
résultats sont incontestables ». Les lettres de félicitations,
rétorquent le témoin, ne signifient pas que le gestionnaire n’a pas
commis de faute de gestion. « Nous n’en n’avons pas d’ailleurs eu
connaissance et nous aurions fait notre travail en dépit de ces
félicitations ».
La cause a été renvoyée au 25 août 2010 à la demande du Dr Feuzeu pris
soudainement d’un malaise alors qu’il engageait l’interrogatoire du
témoin Gilbert Bayoï.
Financement de l’ouvrage « Sida en terre d’Afrique » par les éditions Priva
Sur l’accusation de production du livre « Sida en terre d’Afrique » par Olanguena avec les fonds du Cnls, Olanguena fait valoir le contrat d’édition le liant à son éditeur français Priva. « Savez-vous que les auteurs d’ouvrages sur le Sida avaient reçu des fonds pour encourager la production des documents comme moyen de lutte et avez-vous, par ailleurs pris connaissance du contrat d’édition me liant à l’éditeur Priva et qui stipulait que tous les risques financiers reviennent à l’éditeur ? » Réponse de Gilbert Bayoï : « apportez la preuve que vous avez donné ces documents, nous n’avons pas eu ces documents, nous ne pouvions pas nous substituer aux gestionnaires d’archives. Le contrat d’édition ne nous a pas été présenté. C’est le marché de 540 millions Fcfa qui nous a intéressés et le livre « Sida en terre d’Afrique ». C’est sur l’aspect régularité et effectivité de la dépense que nous nous sommes focalisés. Nous n’avons pas regardé les subventions. Pour nous, la production du livre a été supportée par le Cnls alors que vous devriez le produire avec des fonds personnels : d’où l’irrégularité relevée ». Revenant à la charge, Olanguena réitère, « retenez que l’impression du livre a été supportée par les éditions Priva qui s’est achevée en 2006 et c’est en janvier 2007 que le Cnls s’en est approprié par l’acquisition des exemplaires de l’ouvrage ».
Source: Le Jour du 29 juillet 2010