Affaire Michel Thierry Atangana: La Cour suprême en retard sur les délais

Yaoundé, 08 Avril 2013
© Labaran Mamouda | La Météo

La plus haute juridiction du Cameroun n'a pas agi dans les délais prescrits par la loi.

La Cour suprême du Cameroun, siégeant comme Tribunal criminel spécial (Tcs), avait jusqu'au 4 avril dernier pour engager dans son rôle le pourvoi introduit par Michel Thierry Atangana, citoyen français d'origine camerounaise, derrière les barreaux depuis 16 ans et qui, le 4 octobre 2012, a de nouveau été condamné par le Tribunal de grande instance (Tgi) du Mfoundi à 20 ans d'emprisonnement pour «détournement de deniers publics, tentative de détournement et trafic d'influence». Rien n'est venu. Le détenue Atangana n'a pas été notifié de quelque audience que ce soit, et aucune explication n'a été fournie sur cette grave entorse judiciaire. Les choses se passent ainsi quasiment depuis le début de cette sombre histoire, le 12 mai 1997 avec l'arrestation de l'alors Président du Comité de pilotage et de suivi des axes routiers Yaoundé-Kribi et Ayos-Bertoua (Copisupr) par des éléments du Groupement spécial des opérations (Gso). Les observateurs de «l'affaire Atangana» se souviennent sans doute de cet autre rodéo au Tgi où, de rabattement en prorogation du délibéré, on a fini avec une scandaleuse dispersion de la collégialité visant à retarder le verdict.


Victime expiatoire.

Les semaines ayant précédé la forclusion du rôle du Tcs auront été riches en curiosités. Selon nos informations, de longs jours durant, la défense de M. Atangana et même son Comité de soutien, ont fait des pieds et des mains pour s'informer de l'état de ladite procédure. D'abord, apprend-on, les employés du greffe, invoqueront des contraintes liées au report des «corrections» portées sur la grosse. Plus tard, on brandira, pour justifier le flou, un défaut d'encre assorti d'une panne de photocopieuse. On retombe en plein vaudeville.

De dilatoire en diversions, le cas Atangana a fini par prendre les allures d'un mélodrame judiciaire dans une République dont les dirigeants clament pourtant le souci de neutralité à longueur de discours. Les choses sans doute plus simples si, aux intrigues de toutes sortes, n'était venu s'ajouter un zeste de politique et de règlement de comptes qui fait dire à certains que l'ex-Président du Copisupr ne serait qu'une victime expiatoire de batailles d'appareil. Mais, chaque médaille ayant son revers, «l'affaire Atangana» et se 5 multiples spasmes ont fini par déboucher sur une affaire d'Etat entre la France, qui a pris le dossier à bras le corps et le Cameroun, dont les tergiversations et manœuvres des dirigeants n'ont cessé d'intriguer. Au lendemain du verdict du 4 octobre 2012, l'Ambassadeur de France au Cameroun, Bruno Gain, manifestait publiquement, au nom de son pays, sa «déception du jugement», évoquant une peine trop longue et «de nature, briser le plus résistant des hommes».

En écho, l'Ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Robert P. Jackson, a prédit des retombées désastreuses pour l'économie et l'image de marque de notre pays. Il a décrit un «pouvoir judiciaire [...] détourné pour annuler des prêts dûment consentis par des banques, geler des comptes bancaires sur des motifs fallacieux et, à plusieurs reprises, reporter des procès ou des décisions»; des mesures qui «entravent les investissements étrangers dans le pays et ternissent l'image du Cameroun».


Biya-Hollande.

Le cas Atangana a, surtout, été évoqué au plus haut niveau le 30 janvier 2013, lors du tête à tête de l'Elysée entre les Présidents Biya et Hollande. Elle cristallise non seulement les rapports politiques et économiques entre les deux pays, mais également fait hurler les organisations de défense des droits de l'Homme. Amnesty International, qui a effectué une visite de travail au Cameroun en fin d'année dernière, avait rendu visite à Michel Thierry Atangana et à son coaccusé, Titus Edzoa et son sentiment est formel: «Les circonstances qui ont amené à leur incarcération, de même que le caractère inéquitable de leur procès, nous laissent penser que ces personnes sont incarcérées pour leurs opinions».

Ce sentiment est aujourd'hui renforcé par l'attitude du Tcs. Il repose, en plus, le problème de l'intrusion du ou des politique (s) dans ce dossier qui a toutes les allures d'un rouleau compresseur au service des lobbies tapis dans l'ombre. Entre les techniques d'obstruction de certains et la manipulation des consciences des autres, tout se passe en effet comme si certaines forces obscures s'employaient à saper les efforts du Président Biya visant à trouver un terme à cette malheureuse affaire au mieux des intérêts de toutes les parties. L'une des dernières manœuvres dans ce sens, c'est sans doute la curieuse campagne médiatique engagée depuis peu par certains médias manifestement instrumentalisés. Où, sans la moindre pudeur, des francs-tireurs s'emploient à surfer sur l'imaginaire et la haine pour davantage nuire à Michel Thierry Atangana, qui vit dans une cellule depuis bientôt 16 ans.

Manœuvres de bas étage, cynisme, tout y passe. Entre les lignes, on «apprend» par exemple que l'épouse du prisonnier, née Nicole Véronique Amombo Etoundi, «a fini par divorcer, quoiqu'ayant d'abord voulu soutenir son mauvais mari dans ses tribulations». Pourtant, ainsi que La Météo a déjà eu à l'indiquer voici quelques années, c'est bien Michel Thierry Atangana qui a engagé la procédure de divorce, finalement prononcée par un jugement civil du Tribunal de grande instance de Yaoundé daté du 26 mars 2008 et confirmée par la Cour d'appel du Centre.


09/04/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres