En envoyant une lettre à son compatriote incarcéré au Cameroun, le président français s’est détaché de la discrimination Noir/Blanc.
Une lettre d’un président français à un compatriote de couleur et, qui plus est, vit en réclusion dans un pays africain. Le fait est assez rare pour être souligné. Car, pendant trop longtemps, les autorités occidentales en général et, françaises en particulier, réagissaient selon la couleur de la peau du citoyen en difficulté. Les exemples en la matière ne manquent pas. Plus proche de nous, on a vu Nicolas Sarkozy se rendre au Tchad lorsqu’Eric Breteau et ses compagnons de l’Arche de Zoe étaient en bisbille avec les autorités de N’Djamena. Toute la France s’est mobilisée pour soutenir Betancourt, otage des Farc en Colombie ou Florence Cassez détenue au Mexique. En même temps, d’autres compatriotes de Nicolas Sarkozy croupissaient dans les prisons camerounaises, sans bénéficier de la même sollicitude.
Il s’agit de Michel Thierry Atangana et de Lydienne Eyoum (entre autres et pour les plus médiatisés) accusés de détournement de deniers publics. L’arrivée de François Hollande à l’Elysée semble avoir changé la donne. Le sort de l’expert financier est régulièrement abordé au plus haut niveau. En marge du sommet de la Francophonie tenu en fin d’année dernière à Kinshasa, le président français a interrogé son homologue camerounais sur le sort de son compatriote Michel Thierry Atangana. Au cours de la visite de Paul Biya à Paris, François Hollande a remis ça. Au sortir du tête-à-tête entre les deux hommes d’Etat, le président camerounais, pour la première fois, s’est prononcé sur l’affaire Michel Thierry Atangana en affirmant : «je ne le connais pas personnellement. Donc, il ne peut pas être un ennemi politique ».
Finalement, l’affaire Michel Thierry Atangana est en quelque sorte devenue la boussole des relations entre la France et le Cameroun. Car, derrière l’incarcération de cet expert financier, se cache une dette de 278 milliards de F Cfa que l’Etat doit payer au consortium des entreprises mobilisées au tournant des années 1990 pour construire les axes routiers Yaoundé-Kribi et Ayos- Bertoua. Une enquête commise par la présidence de la République et menée par le Délégué général à la Sûreté nationale vient de confirmer cette enveloppe. Une bonne partie représente les intérêts accumulés pendant plus de 15 ans. Précisons que la somme sus évoquée représente le dixième du budget du Cameroun.
Face à cette situation préjudiciable pour l’économie du pays, toutes les oreilles sont tournées vers la Cour suprême. Bien plus, l’affaire Michel Thierry Atangana est devenue une véritable « affaire d’Etat» car désormais inscrite dans l’agenda des présidents Biya et Hollande. Dans cette perspective, il n’est pas exclu que l’issue épouse les contours de la diplomatie, donc de la discrétion. Et là on, ne saura finalement rien, puisque le principal concerné ne parle jamais à la presse. En 16 ans de détention, Michel Thierry Atangana n’a pas accordé d’interview.